« Notice sur les titres et les travaux scientifiques de Louis Lapicque » : différence entre les versions

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(1) L'indice nasal obtenu pour les Nayer est vraisemblablement trop élevé; la série est à tout point de vue insuffisante; les recherches sur les hautes castes exigent des précautions diplomatiques et critiques que je n'avais pas le temps de réaliser dans ce voyage.
 
Le WaïnaadWainaad est un plateau assez accessible entre le Malabar, sensiblement tel que nous venons de le voir, et d'autres populations dravidiennes qui ont été reconnues mésaticéphales, Kourg et les Kanaras (Mysore). Les populations caractéristiques du Waïnaad sont, d'une part, les Panyer, les négroïdes les plus accusés et les plus homogènes que j'aie vus, et probablement qui existent dans toute l'Inde; ils ont encore des moeurs de chasseurs de la jungle, mais sont serfs de Nayer venus du Malabar avec de petites colonies de leurs Poulayer; d'autre part, des tribus vivant de leur côté sur leurs propres cultures, fortement négroïdes encore, mais plus mélangées; tels sont les Naïker et les Kouroumbas, leur langue les rattache aux Kanaras.
 
* Indice nasal
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L'indice nasal et l'indice céphalique moyens présentent donc des valeurs très voisines dans des groupes homologues malgré la séparation géographique, et des variations bien systématiques entre groupes contigus, suivant le degré du métissage. Ce qui conduit à leur attribuer une grande importance comme caractères ancestraux. La taille, qui est influencée par les conditions de vie, suit la gradation des deux autres caractères avec quelques irrégularités dues à cette influence. Cette gradation des caractères anthropologiques me parait très remarquable; son étude systématique conduirait, il me semble, à la meilleure méthode d'ethnogénie. Je me propose de développer ultérieurement cette étude pour elle-même. Dans le cas particulier de l'Inde, le régime des castes rend le phénomène très apparent et la déduction relativement facile. Je pense avoir obtenu de cette manière la détermination de l'élément noir primitif de l'Inde, élément dont on ne peut plus espérer trouver de représentants purs. La solution de ce point important pour la question des races noires donne en même temps la définition ethnique de quelques cent millions d'hommes jusqu'ici fort ballottés dans la classification des races humaines.
 
 
(25 pages)
* Élément noir primitif de l'Inde.
 
On admettait généralement que l'élément noir primitif de l'Inde était le Dravidien. Mais les Dravidiens ne sont définis qu'au point de vue philologique; s'ils forment une race, les caractères de cette race, et à plus forte raison ses affinités anthropologiques, ont donné lieu aux appréciations les plus contradictoires. Hoeckel lui attribuant un nez saillant et étroit en faisait une espèce, Homo Dravida, proche parent des blancs méditerranéens; Huxley les rapprochait des Australiens. Risley après avoir insisté sur ce point que le caractère essentiel est un nez large et plat, laissait, à regret, les Dravidiens parmi les Caucasiens mélanochromes de Flower. Le plus récent des auteurs qui se sont occupés de la question avant moi, M. Thurston, qui avait poussé le plus avant les études de fait, et qui est le spécialiste le plus autorisé en la matière, avait ajouté que la taille diminue régulièrement à mesure que l'indice nasal s'élève; il avait appelé archidravidien le sauvage de la jungle, petit, noir, platyrhinien, dolichocéphale, à cheveux ondés. Quant à la place de cet archidravidien dans la classification, M. Thurston, en 1899, dans un mémoire intitulé "The Dravidian problem", passait en revue les diverses opinions pour montrer qu'elles sont toutes insoutenables, et, sans conclure lui-même, terminait malicieusement par cette citation de C. Johnston : « 11 faut nous contenter pour le moment de dire qu'il parait assez certain qu'il existe dans le sud de l'Inde une grande famille ethnique, sans relation avec aucune autre famille de l'Asie, de sorte qu'il faut chercher ses affinités dans quelque direction à présent indéterminée. »
 
La série que nous venons de passer en revue comprend à une extrémité les Nayer, presque blancs; à l'autre extrémité, les Panyer, presque nègres; entre les deux, tous les intermédiaires; les deux types ethniques extrêmes sont eux-mêmes métissés, mais, par extrapolation, on est en mesure de reconstituer les types primitifs, au moins quant aux caractères observés. Mes documents sont suffisants pour fixer les traits distinctifs de ces types et en indiquer les affinités réelles. Il y a un type nègre, qui peut être défini tel, parce qu'il avait la peau noire, le nez large et plat, la bouche épaisse, les cheveux crépus. Ce dernier caractère est généralement nié, même par ceux qui considèrent l'élément dravidien comme essentiellement platyrhinien (Risley). En effet, les cheveux sont le plus souvent lisses, même dans des castes où l'aspect négroïde est déjà prédominant; chez les Panyer, les cheveux sont généralement frisés sans plus. Des mulâtres de nègre africain présenteraient, pour des traits du visage également négritiques, une forte proportion de chevelures incontestablement crépues. Voici les faits sur lesquels je me fonde pour affirmer les cheveux crépus du type primitif aujourd'hui introuvable dans la péninsule: 1) Le caractère de la chevelure se modifie graduellement dans ce sens avec les autres caractères négroïdes; les castes serviles de la plaine ayant les cheveux généralement lisses ou ondulés, les Malasser sont frisés huit fois sur dix, les Panyer le sont presque tous. J'ai observé et photographié dans ces castes de montagne quelques individus, exceptionnels il est vrai, dont les cheveux décrivaient des spires de 8 à 10 millimètres de diamètre; c'est la limite conventionnelle entre le frisé et le crépu; 2) Dans mon voyage précédent, aux îles Andaman, j'ai observé une femme Négrito pure dont les cheveux étaient, comme tous ceux de sa race, crépus à l'extrême (diamètre moyen des spires, 2 millimètres); d'un père inconnu, probablement Hindou, elle avait deux enfants, une petite fille (quatre ans), dont les cheveux fins, soyeux, étaient à peine ondulés, et un petit garçon (dix-huit mois) dont les cheveux frisés (diamètre des boucles, 15 millimètres) ressemblaient plus à des cheveux frisés d'Européens qu'à des cheveux de mulâtre. On a noté (Montano) aux Philippines, et j'ai noté moi-même dans la Péninsule Malaise, que les métis de Négritos incontestables ont généralement des cheveux ondulés. J'en conclus que le caractère du cheveu Négrito n'est pas aussi marqué dans la descendance en cas de croisement que pour le cheveu du nègre africain. C'est un caractère qu'on peut appeler récessif, bien qu'il ne s'agisse pas d'un caractère proprement disjonctif. Si donc on admet, comme j'y suis conduit pour diverses autres raisons, à rapprocher le nègre indien primitif du Négrito, il est facile de comprendre que les métis n'aient pas les cheveux vraiment crépus, même quand le sang noir est prédominant. Par les caractères que nous venons d'indiquer, le type en question rentre dans le type nègre général, mais il est petit; d'autre part, il n'est pas prognathe. Ces deux caractères le séparent des nègres africains et océaniens et le rapprochent du type Négrito. De celui-ci, il ne diffère que par un caractère, mais très net: il est dolichocéphale.
 
 
* Dravidien primitif.
 
Le type qui s'indique chez les Nayer apparaît comme clair de peau, leptorhinien, avec des cheveux lisses sans raideur (euplocame); c'est donc un blanc. Il est grand et très dolichocéphale; de plus, il a le système pileux du visage et du corps très développé. Malgré le nombre trop petit d'individus que j'avais pu observer, et malgré le métissage assez considérable de la caste, ce type s'était dessiné dans mon esprit avec tous les caractères que je viens de citer, mais aussi avec toutes les réserves que comporte une reconstruction. Lorsque j'en reconnus un spécimen isolé et sensiblement pur, un véritable témoin, chez les Todas des Nilghirris. Les Todas ont beaucoup attiré l'attention depuis trois quarts de siècle; le plateau élevé qui constitue leur gisement étant devenu le grand sanatorium de l'Inde, un grand nombre d'Européens ont eu l'occasion de les voir et ont signalé avec étonnement leur beau type caucasique ou sémitique. Ils tranchent en effet sur le Dravidien ordinaire, encore plus sur les populations noires du Wainaad, telles que les Panyer, qui sont leurs voisins sur la carte, mais avec une dénivellation de mille mètres ou davantage. Voici côte à côte les moyennes de ces deux groupes au point de vue des trois mesures que j'ai prises:
 
* Indice nasal
* Indice céphalique
* Taille
 
* 54 Panyer: 84; 74; 154;
* 33 Todas: 68; 72,7; 169.
 
Si l'indice céphalique est à peu près le même, la taille et l'indice nasal présentent d'un groupe à l'autre un écart des plus marqués, eu égard à l'échelle de variation des races humaines. La répartition des cas individuels, figurée dans le tableau ci-dessous, montre combien la différence dans le caractère considéré est significative de chaque groupe (chaque sujet est représenté par un astérisque dans la ligne horizontale correspondant à sa taille (de centimètre en centimètre), ou à son indice nasal (de 2 en 2 centièmes).
 
 
* Indice nasal (Panyer, Todas)
 
* 94; 92; 90; 88; 86; 84; 82; 80; 78; 76; 74; 72; 70; 68; 66; 62; 60; 58; 56; 54;
 
* (1, 0); (2, 0); (8, 0); (5, 0); (6, 0); (6, 0); (6, 0); (8, 1); (3, 0); (4, 3); (1, 2); (1, 1); (2, 5); (0, 3); (1, 4); (0, 4); (0, 7); (0, 1); (0, 1); (0, 1); (0, 1);
 
 
* Taille (Panyer, Todas)
 
* 182; 180; 178; 176; 174; 172; 170; 168; 166; 164; 162; 160; 158; 156; 154; 152; 150; 148; 146;
 
* (0, 1); (0, 0); (0, 1); (0, 2); (0, 2); (0, 4); (0, 4); (0, 9); (1, 2); (2, 3); (2, 2); (5, 1); (9, 1); (5, 0); (6, 0); (6, 1); (10, 0); (4, 0); (4, 0).
 
 
Bien que les différences soient facilement visibles (elles correspondent à deux apparences, à deux physionomies dont la dissemblance a frappé tous les voyageurs sans culture scientifique), la plupart des ouvrages anthropologiques, notamment le Census of lndia, si consciencieusement documenté en ethnologie, classent les Panyer et les Todas sous la même étiquette de Dravidiens, les uns et les autres étant dolichocéphales, parlant un idiome dravidien. D'ailleurs la dissemblance apparaît moins nettement si, au lieu de les comparer entre eux, on les compare à la prétendue race dravidienne, dont la diagnose, toujours intermédiaire à ces deux types, se rapproche de l'un ou de l'autre, suivant les auteurs.
 
Dans la série des groupes que j'ai étudiés, s'indique en outre un troisième type, leptorhinien et tendant à la brachycéphalie; il faut le considérer comme adventice, relativement récent. Entre Bombay et Madras, Risley a relevé une zone continue de mésaticéphales qu'il appelle Scytho-Dravidiens. Plus au Sud, j'ai pu noter que le crâne d'indice élevé se propage avec les castes brahmaniques, qui précisément ne sont pas réellement dravidiennes.
 
Il reste donc deux races fondamentales; voici comment j'ai précisé la relation de ces races entre elles, et la dénomination qu'il convient de leur appliquer. Les Vellalas et les Nayer sont, d'après la discussion approfondie faite par Caldwell lui-même, le créateur du mot, les vrais Dravidiens; ils refusent à leurs esclaves le droit de s'appeler des noms nationaux dravidiens, Tamouls ou Malabares. Des éléments de cette discussion (malgré les conclusions opposées de Caldwell qui manquait d'information anthropologique), comme de toutes les considérations topographiques, il résulte que le type, nègre maintenant démontré, est prédravidien. Les Dravidiens primitifs, les Protodravidiens, peuvent être considérés comme des Blancs, et en somme très peu différents des Indo-Aryens; venus avant ceux-ci dans l'Inde, ils se sont mélangés profondément aux Noirs qu'ils avaient réduits en esclavage, de la même façon que les créoles des Antilles se sont mélangés à leurs esclaves nègres, et c'est ainsi que s'est formée la population dravidienne actuelle. Les Todas, souvent considérés comme une énigme, mais incontestablement Dravidiens, constituent un témoin protodravidien resté pur, parce que resté pasteur et n'ayant ainsi pas eu besoin de serfs agricoles. J'ai donné au noir prédravidien, caractérisé par le type particulier que j'ai reconstitué, et qui est l'origine des castes serviles dravidiennes, la dénomination de Nègre Paria. L'hypothèse d'une population primitive formée de véritables nègres avait été tout à fait abandonnée, parce qu'elle avait été conçue à partir du Négrito brachycéphale. La notion d'un Dravidien blanc et non autochtone est contraire à toutes les idées reçues. Seul A. H. Keane, dans son "Ethnology", avait formulé, brièvement et sans la justifier, une théorie se rapprochant de la mienne. J'attends la discussion de pied ferme. En réponse à l'envoi de mes publications,
M. Thurston m'a fait savoir qu'il n'avait rien à objecter à mes propositions essentielles. D'ailleurs, j'ai en préparation très avancée une publication d'ensemble où je présenterai, avec le détail de mes observations, des documents complémentaires, notamment l'étude de squelettes et de crânes intéressants.
 
 
* Unité de la race nègre en général
 
* 1896
** (48). Un hiver dans l'Erythrée, Société de Géographie, 10 janvier.
* 1906
** (125). Les nègres d'Asie et la race nègre en général, Conférence annuelle Broca, Société d'Anthropologie, 8 mars;
** (128). Unité fondamentale des races d'hommes à peau noire, Indice radio-pelvien, Académie des Sciences, 2 juillet.
 
Le Nègre Paria, de petite taille, mais dolichocéphale, au voisinage géographique du Négrito sous-brachycéphale, m'a amené, pour chercher sa place dans la classification, à réviser par un examen d'ensemble toutes les races d'hommes à peau noire ou foncée. Ces races sont :
 
* 1) les Nègres d'Afrique (que je puis prendre ici en bloc, malgré la diversité qui apparaît à l'étude détaillée de ce groupe considéré en lui-même);
* 2) les Éthiopiens de l'angle nord-est de l'Afrique (Abyssins, Danakils, Somalis);
* 3) les Dravidiens de l'Inde;
* 4) les Négritos des Andamans, des Philippines et de la Péninsule Malaise;
* 5) les Noirs d'Océanie, Mélanésiens, Papous, Australiens, etc.
 
Je possédais des documents personnels sur toutes ces races; documents insuffisants par eux-mêmes en ce qui concerne les grands groupes extrêmes, Africains et Mélanésiens (1), mais ceux-ci ont été les plus étudiés, et mon information directe était suffisante pour me permettre d'user de la bibliographie avec une critique assurée. J'ai examiné en outre les squelettes des collections de Paris et quelques autres.
 
(1) J'ai étudié à Florès et à Timor des populations où se montre une forte proportion de sang mélanésien. Comme Nègres africains, j'ai eu quelques Nègres nilotiques en Abyssinie, puis des
Sénégalais (Ouolofs, Toucouleurs, etc.) mesurés dans des exhibitions en Europe. Cette série, peu importante par elle-même, m'a été fort utile comme contrôle, en m'assurant des mesures de la même main que sur les Nègres asiatiques.
 
Le point de départ de la notion de Nègre est le Nègre africain, clairement perçu dès l'antiquité, et caractérisé, outre sa couleur, par sa chevelure crépue et des traits du visage particuliers, dont le plus important est le nez camard. A cette notion superficielle correspondent entièrement les Mélanésiens et les Négritos. Les Dravidiens et les Éthiopiens s'en écartent; ils ont (moins qu'on ne l'a dit) les traits du visage des Blancs, notamment le nez fin et saillant. Ils ont été le plus souvent, par les classificateurs, rapprochés des Blancs; d'autres fois, mis dans un groupe intermédiaire, mais autonome, avec les Australiens.
 
* 1) J'ai montré que les Dravidiens actuels sont une race mixte, avec un ancêtre vraiment nègre, crépu et camard, aussi bien que noir; dans l'état actuel, on observe des individus très près du Blanc ou très près du Nègre, ou à n'importe quel degré de l'échelle intermédiaire: En Abyssinie et sur les bords de la mer Rouge (1), j'ai observé une gradation tout à fait analogue; ici il est facile de retrouver les deux éléments extrêmes du mélange dans les Sémites qui sont à l'Est et les Nègres qui sont à l'Ouest. Ces prétendues races noires non nègres sont donc, en réalité, des races mixtes dont un des éléments est purement et simplement nègre. Je pense qu'il en est de même pour les Australiens; je les connais seulement par des photographies et des pièces ostéologiques; mais ces documents montrent une grande analogie avec les faits précédents.
 
* 2) Toutes les populations noires sont localisées sur le pourtour de l'Océan indien ; ailleurs dans le monde (abstraction faite des Nègres d'Amérique qui sont d'origine africaine) il n'y a point de Nègres, il n'y a point de Noirs. Dans l'Inde, il est facile de reconnaître que l'élément nègre était sinon l'autochtone, du moins le premier occupant. Dans la Malaisie, les Négritos se présentent comme les témoins d'une population plus ancienne que toutes celles qui les entourent. Entre les Nègres d'Afrique et les Nègres d'Océanie, les Nègres d'Asie jalonnent ainsi une communication interrompue par des migrations blanches et jaunes, et l'on est amené à reconstituer, pour l'ensemble des Nègres, un habitat primitif unique et continu.
 
* 3) Il n'est pas étonnant que dans une aire aussi étendue une race ne reste pas d'un bout à l'autre identique à elle-même. Les différences observées sont d'ailleurs assez faibles. Les Papous et les Mélanésiens sont manifestement infiltrés d'éléments étrangers; la forme du nez et l'allure de la chevelure, souvent diverses dans un même village, paraissent ne s'écarter du type nègre général que sous l'influence du métissage. La divergence la plus profonde est la brachycéphalie relative des Négritos (leur petite taille a beaucoup moins de signification spécifique). Mais si l'indice céphalique est un caractère héréditaire stable, sa valeur comme base de classification est plus ou moins conventionnelle. Les Nègres africains ne sont pas tous dolichocéphales; d'ailleurs, entre la sous-brachycéphalie des Andamanais et la dolichocéphalie des autres Nègres, les Parias, sous-dolichocéphales, empêchent de tracer une démarcation.
(1) J'ai fait une étude de cette race sur 53 mensurations complètes de sujets des deux sexes, mensurations prises dans le pays sur le vivant, et, en outre, sur les 37 crânes existant au Muséum, dont 29 rapportés par moi (ce dernier travail en collaboration avec le Dr Verneau). Cette étude est restée inédite pour les raisons que j'ai dites. M. Verneau en cite les résultats dans le tome II du Compte-rendu de la mission Duchesne-Fournet, Paris, 1908.
 
Conclusion: Les Noirs se présentent comme une espèce unique avec des variétés locales. Cette conclusion est fondée sur l'examen des caractères suivants: peau noire, cheveux crépus, visage camard; si elle est exacte, c'est-à-dire si elle répond à la classification naturelle, elle doit être vérifiée par l'examen de caractères non considérés; j'ai fait cette vérification en examinant les proportions du corps. Un Nègre typique, africain, possède des caractères somatiques tels qu'il serait facile de reconnaître comme lui appartenant un squelette privé de tête, dépourvu par conséquent de tous les traits que nous avons considérés jusqu'à présent. Ces caractères somatiques, en premier lieu la grande longueur relative des membres, puis l'étroitesse transversale du bassin, lui donnent une forme de corps particulière, reconnaissable sur une simple silhouette; ils sont, d'autre part, faciles à exprimer par des rapports (Exemple, l'indice anti-brachial de Broca.) J'ai examiné spécialement les caractères de ce genre chez les hommes à peau noire en général, et j'ai trouvé régulièrement qu'ils marchent de pair avec la pigmentation, la platyrhinie et la frisure des cheveux. Il faut observer toutefois, que dans une race humaine quelconque, dans un groupe homogène, les individus petits ont les membres relativement courts, et les diamètres du tronc relativement grands; cette modification systématique de la forme corporelle suivant la taille se retrouve quand on compare comme ici des grandes races nègres à des petites races nègres. Néanmoins, le caractère nègre du corps est assez marqué pour rester nettement visible dans ces conditions (1). J'ai trouvé une expression numérique qui rend bien cette forme du corps. En rapprochant, sous forme d'un rapport, les deux traits les plus accusés du corps nègre, avant-bras long et bassin étroit, on obtient l'indice radio-pelvien. Ce rapport (multiplié par 100) est, en valeur approchée, de 86 chez le Français, et de 112 chez le Nègre africain (les mâles seulement). Voici maintenant les chiffres que j'ai obtenus pour les autres races noires, soit sur le vivant, soit sur le squelette (dans ce dernier cas, l'indice est un peu plus élevé que dans le premier): Négritos andamanais, 100 à 104. Meniks de la Péninsule Malaise, 95. Nègre paria métissé (Kader et Malasser), 100 à 102. Australiens (squelette exclusivement), 103. Mélanésiens (idem), 98. Ethiopiens (vivants), 96. Pour les autres races, quelques chiffres sur des squelettes m'ont donné les valeurs provisoires suivantes: Japonais, 86. Indonésiens, 95. Maoris, 91. Péruviens anciens, 85. Eskimos, 82. Chez les Négritos purs, comparés aux Africains, l'indice parait encore très élevé si l'on veut bien tenir compte que les africains sont grands et que les Négritos sont très petits. Chez les Négritos métissés de la Péninsule Malaise, le chiffre de 95 parait très caractéristique si on le rapproche de la valeur présentée par une tribu voisine formée des mêmes éléments ethniques, mais où domine l'élément mongolique; chez les Jakouns, j'ai trouvé 84. Il y a donc une conformation particulière du corps, résumée en un chiffre par l'indice radio-pelvien qui se retrouve chez tous les Noirs et rien que chez les Noirs; elle suit les caractères sur lesquels nous nous sommes basés, s'atténuant comme eux par le métissage. C'est donc une preuve, en quelque sorte cruciale, que la race des hommes à peau noire est fondamentalement une.
(1) Il faut, pour comparer de cette façon les Noirs aux Européens, faire attention à considérer chez ces derniers la forme réelle et non la forme conventionnelle des artistes qui se rapproche de la forme nègre, par l'allongement des jambes. Toutefois, pour les femmes, notre vision artistique conserve, un peu stylisé, le galbe des hanches; à ce point de vue, la silhouette des négresses, à quelque groupe qu'elles appartiennent, est particulièrement frappante.