« Notice sur les titres et les travaux scientifiques de Louis Lapicque » : différence entre les versions

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On tonnait les mouvements par lesquels la sensitive réagit quand on la touche. En quoi cette sensibilité peut-elle être utile pour la plante ? Je n'ai trouvé dans la science aucune réponse à cette question : je ne sais même pas si quelqu'un se l'est posée, et pourtant il me parait difficile d'admettre qu'un mécanisme si spécial et si délicat ait pu s'établir et se conserver sans qu'il soit par quelque côté une adaptation. J'ai eu l'occasion d'observer dans l'Inde la sensitive chez elle. En un grand nombre de points de la région montagneuse, au bord des bois, sous les taillis pas trop épais, le long des routes peu fréquentées, la terre est couverte d'une nappe de verdure fraiche et compacte comme un gazon dru, piquée de petites fleurs roses. L'attention du moins observateur des hommes est attirée sur ce tapis d'herbe par le fait suivant : la piste de tout passant, piéton ou cavalier, s'accuse immédiatement derrière lui, par une traînée large de plus d'un mètre dont l'aspect tranche fortement sur la surface environnante ; on dirait que non pas un homme, mais une troupe d'hommes sur plusieurs files a piétiné la végétation ; le passage d'une compagnie en colonne laisse dans nos prés une trace analogue. Il suffit de se baisser et de constater que cette végétation est composée d'une petite mimosée pour reconnaître qu'on a affaire à, une sensitive et s'expliquer le phénomène. Mais l'aspect même que présente, dans ses conditions naturelles, ce phénomène bien connu, suggère une réflexion qui peut ne point apparaître dans les études approfondies faites au laboratoire sur des sensitives en pots. En cherchant une comparaison pour traduire le phénomène vu de la hauteur d'un cavalier, je n'ai pu trouver rien de mieux que l'herbe foulée aux pieds et flétrie. Regardé de près, ce phénomène apparaît comme une éclipse de la plante. Des attouchements ménagés, des pincements même énergiques d'une foliole ou d'un pétiole ne le reproduisent pas; s'il n'y a pas eu ébranlement généralisé, on observe le phénomène classique de reploiement. des folioles et d'abaissement du pétiole dans la feuille touchée et dans les feuilles voisines suivant une propagation pas très rapide et plus ou moins étendue suivant l'intensité de l'excitation. Mais si l'on arrache une feuille ou un petit rameau, presque instantanément, en une fraction de seconde, on voit, dans la plus grande partie de l'étendue du champ visuel (je parle d'un homme accroupi et regardant la terre) la verdure disparaître ; au lieu de la nappe fraîche qu'on avait sous les yeux, on ne voit plus que le sol, des cailloux, des feuilles mortes et des brindilles qui paraissent nues et comme sèches. Chaque pied de sensitive, en effet, se compose d'un certain nombre de branches rampantes, irradiées autour de la racine et donnant naissance aux rameaux dressés qui portent les feuilles. Un pied s'étend sur un diamètre de 1 mètre à MO. L'ébranlement mécanique produit par l'arrachement d'une partie de la plante se transmet instantanément à l'ensemble ; la chute de la feuille et le reploiement des folioles sont dans ces conditions aussi rapides et aussi complètes que possible) La figure montre le change-ment d'aspect provoqué en arrachant à mes pieds une poignée d'herbe. Voici l'idée qui s'est alors d'elle-même présentée à moi. La forme d'excitation dont je viens de me servir est exactement celle que produirait un herbivore, un cerf ou une vache, venant brouter le tapis de sensitives ; la plante touchée prend un aspect flétri et sec qui fait contraste avec la belle verdure des pieds voisins. Il y a de grandes chances, évidemment, pour que l'herbivore, faisant un pas, quitte Lette plante peu appétissante pour attaquer la voisine. Chaque pied est ainsi entamé, mais non détruit, et l'individu qui ne présenterait pas ou qui présenterait à un degré moindre la motilité, serait dans un état d'infériorité dans la concurrence vitale par rapport à ses voisins. La sensibilité au contact chez la sensitive peut ainsi être ramenée a une adaptation darwinienne. J'ai recueilli, dans la Péninsule Malaise et dans les montagnes du sud de l'Inde, des tiges de bambous présentant une longueur d'entre-noeud de près de 2 mètres. Ces spécimens, assez rares, sont recherchés par les sauvages pour en raire des sarbacanes; j'en ai offert une petite collection au Muséum en appe-lant l'attention des botanistes sur l'intérêt qu'ils peuvent présenter (99). J'ai rapporté du plateau des Nilthirris une petite collection de plantes européennes, cultivées ou naturalisées. M. G. Bonnier, qui m'avait signalé l'intérêt des acclimatations de ce genre, a étudié lui-même ce matériel et y a trouvé de nouveaux faits concernant l'adaptation des plantes au climat (Revue (le Botanique, 1905).
 
 
* GÉOGRAPHIE PHYSIQUE
* Géographie physique
 
J'ai remis entre les mains de M. Vélain des notes et des photographies démontrant que la passe de Palghat, trait fondamental de l'oragénie du Deccan, est, non pas, comme on le disait, un phénomène d'érosion, mais une voûte effondrée. M. Vélain a adopté mes conclusions et les a exposées à son cours.
 
 
* NOTES CRITIQUES
* Notes critiques
 
* Sur la fécondité des croisements entre races humaines distantes.
 
* Note à la Scie.Société d'Anthropologie, 4 juillet 1907.
 
Dans les derniers travaux exposés chapitre I, je fais une grande place dans le peu-plement du monde à des races formées par le croisement de souches ethniques très différentes. Beaucoup d'ethnologues se refusent à admettre teugénétie entre ces souches. A propos d'une communication sur les métis Australo-Européens et leur rapide disparition, j'ai discuté théoriquement les documents de ce genre , et j'ai essayé de montrer que les causes sociales y jouent un rôle prépondérant, qu'on ne saurait par suite en déduire des lois zoologiques. A la suite de cette discussion, il a été nommé par la Société d'anthropologie une commission permanente pour l'étude des croisements ethniques, chargée de rassembler des notes individuelles et familiales sur le plus grand nombre de métis possible.
 
 
* Observations diverses.
 
(79). J'ai protesté contre une habitude qui semblait s'établir de vouloir interpréter tous les échanges interstitiels par les lois de l'osmose, et ramener toute la physiologie de la nutrition à la cryoscopie. Sans doute, la tension osmotique intervient nécessairement, comme toutes les lois physiques; mais ce n'est pas elle seule qui règle les échanges on n'a pas le droit, en parlant d'une de ces lois, de déduire le phénomène, ni même le sens du phénomène, qui peut être inversé par l'intervention d'une ou plusieurs autres lois. M. Giard, dans une séance subséquente, a invoqué mon observation contre une interprétation des faits de parthénogenèse osmotique.
 
(149). M. X... croyait avoir observé un « paradoxe de dialyse ». Je lui montrai par une expérience simple que ce paradoxe se ramenait à un fait de gravitation.
 
(80). Un naturaliste américain, M. W..., expliquait, devant la Société de Biologie, l'inclinaison du coeur de gauche à droite par la nécessité d'assurer d'abord la circulation dans le côté solaire du corps, le côté droit, parce que tout animal s'oriente de préférence face à l'Est. Je fis remarquer à M. W... qu'il pouvait trouver une contre-épreuve remarquable de sa théorie en examinant la faune australienne, faune bien autonome, et qui a le soleil du côté gauche quand elle fait face à l'Est ; le tout est de savoir si les Marsupiaux ont le coeur à droite. M. W... est parti pour vérifier ce point et n'est pas revenu.
 
(87). 11 est illégitime de calculer un coefficient intestinal en divisant la longueur de l'intestin d'un animal par son poids. Que ce coefficient soit de 33 pour la souris, et de 0,06 pour le cheval, cela prouve seulement qu'on a mal posé sa relation. La longueur de l'intestin doit être comparée à la racine cubique du poids. On trouve alors pour le cheval et pour la souris deux rapports assez voisins.
 
(133). M. Bohn a indiqué un phénomène qui serait d'une grande portée biologique; c'est à savoir que les animaux des plages qui couvrent et. découvrent présenteraient, transportés en aquarium, des mouvements dont le rythme suivrait exactement celui des marées. Je lui ai demandé de vouloir bien indiquer avec quelle précision ces rythmes animaux 10 s'observent, 20 se règlent sur les rythmes cosmiques. Le rythme des marées est en effet complexe, présentant des accélérations et des ralentissements de quatorze en quatorze jours. Les animaux présentent-ils un réglage moyen, ou reproduisent-ils les oscillations du rythme? ou bien, ce qui serait tout à fait suffisant pour offrir, sans merveille, un grand intérêt, suivent-ils un rythme d'une période approximative de douze à treize heures? Après diverses phases d'une discussion assez vive, M. Bohn convint qu'il est impossible d'étudier avec une précision mathématique les oscillations de l'état physio-logique chez les animaux littoraux, et que d'ailleurs les conditions ambiantes actuelles ont une influence importante.
 
(160). L'expression opsonic index doit se traduire en français par indice et non par index opsonique, comme on prenait l'habitude de l'écrire. A partir de mon observation, le mot indice a été régulièrement employé.
 
(159). Quand on fait une injection de cocaïne dans l'épaisseur des centres nerveux, on produit, non pas seulement une paralysie temporaire due à la cocaïne, mais une lésion mécanique due au liquide lui-même, lésion dont les effets sont permanents.
 
(164). MM. X... et Y... croyaient avoir prouvé le passage de l'eau à travers la peau de l'homme en constatant, après un bain, des augmentations de poids de 100 à 300 grammes. Par l'examen de leurs chiffres, je montrai que l'augmentation de poids est produite dès les premiers instants du bain et n'augmente plus. La grandeur des augmentations observées est telle qu'il suffirait d'une couche d'eau de un dixième de millimètre d'épaisseur sur tout le corps pour en rendre compte. 11 s'ggit donc probablement d'une imbibition
épidermique et non d'une absorption réelle à travers la peau.
 
(156). M. Liebreich a publié, à l'Académie des Sciences, une note où il énonce une théorie particulière sur l'asymétrie du visage. Aucune des figures publiées par lui à l'appui ne montre le caractère sur lequel il insiste.
 
(169). Les naturalistes et les mécaniciens qui parlent de vol à voile paraissent ignorer la théorie récente de M. Exner (de Vienne) sur le vol vibrant. D'ailleurs, le vol
plané s'observe dans l'air parfaitement calme.
 
 
* Pédagogie
 
(107). On ne peut pas, au nom de la physiologie, s'opposer à ce qu'on réforme l'orthographe ; celle-ci est un essai de notation phonétique, plus ou moins heureux, mais toujours en retard, car elle est fixe, et la phonétique, comme toute chose vivante, évolue. Une réforme de l'orthographe est de temps en temps nécessaire, comme un coup de pouce à un appareil enregistreur paresseux.
 
 
* Exercices d'observation (Leçons de choses).
 
* Introduction â l'étude des sciences physiques et naturelles.
 
1 volume, Cornély et Cie, Paris, 1906.
 
Extrait de la préface :
 
Les observations sont de trois espèces :
 
a) les enfants font eux-mêmes ce qui est nécessaire pour observer ;
b) le maitre opère au besoin avec l'aide de quelques enfants, sous les yeux des autres qui regardent ;
c) il s'agit d'un fait d'observation courante qu'on rappelle au souvenir des enfants.
 
Chacune de ces espèces d'observation est signalée, au début du passage, par un des signes conventionnels suivants, dont l'enfant doit comprendre ainsi la signification :
 
Faites.
Regardez.
Rappelez-vous.
 
Outre l'exercice des sens et du raisonnement, le choix des sujets d'observation a été calculé en vue d'un autre but : j'ai cherché à poser dans ces jeunes esprits la base des grandes lois de la nature, à donner les directions suivant lesquelles se rangeront les faits plus nombreux de l'enseignement qui doit suivre. Je n'ai pas craint de faire aborder à l'enfant des idées générales, telles que la conservation de l'énergie et l'évolution ; acceptées aujourd'hui sans conteste, elles tiennent trop de place dans la pensée moderne pour qu'on puisse commencer une instruction scientifique en les négligeant.
 
J'ai présenté ce livre, à la Société d'Anthropologie de Paris, dans les termes suivants :
 
« Voici à quel titre je puis espérer qu'il intéresse la Société. La Société d'Anthropologie de Paris a toujours considéré comme une partie importante de son rôle de répandre le transformisme, cette conception qui a bouleversé notre connaissance de la nature animée. »
« Le petit livre en question introduit, pour la première fois, je crois, le transformisme d'une façon explicite à. l'école primaire. Il n'y a pas un chapitre spécialement consacré à la théorie de l'évolution des êtres vivants; le plan même de l'ouvrage ne le permettait pas, puisque s'intitulant Exercices d'observation, ce manuel s'est imposé de rester sur le terrain du fait direct; mais l'idée transformiste court au long de toutes les leçons qui traitent des êtres vivants; c'est cette idée même qui en fait l'unité; mise particulièrement en relief par des exemples choisis, elle est en outre rapportée à ses auteurs légitimes par une citation, sous forme de lecture, de Lamark et de Darwin. »
« Il m'a semblé qu'il n'y avait pas raison de craindre de, communiquer à des enfants de huit à dix ans cette précieuse conquête du xtx° siècle; non seulement le transformisme
n'est pas difficile à comprendre, mais en outre lui seul met une clarté logique dans la connaissance des différentes formes de la vie. »
 
* Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, Séance du 20 décembre 1906.