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. CHAPITRE Vlll
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I
La Maslova ne fut ramenée dans la prison que vers
six heures. Elle se sentait complètement épuisée. La
sévérité imprévue de l’arrêt porté contre elle l’avait
comme assomméeç et le long trajet qu’elle avait dû faire
ensuite à travers les rues mal pavées de la ville avait
achevé de Panéantir.
Et puis elle mourait de faim. Pendant une des sus-
pensions d’audience, ses gardiens avaient dîné, sous ses
yeux, avec du pain et des œufs durs: sa bouche s'était
aussitôt remplie de salive, et elle s’était aperçue qu’elle
avait faim; mais elle n’avait rien voulu demander aux
gardiens, par dignité. Et l’audience avait recommencé,
avait duré plus de trois heures encore: de sorte que la
Maslova avait fini par ne plus sentir sa faim, à force de
fatigue et d`abrutissement. C’est dans cette disposition
qu’elle avait entendu la lecture de l'arrêt.
En l’entendant, elle avait d’abord cru qu’elle rêvait.
Elle n’avait pu se faire tout de suite à I’idée des travaux
forcés. Cela lui semblait un cauchemar, et dont elle
allait se réveiller d’un instant à l’autre. Mais à la façon
toute naturelle dont magistrats, avocats, témoins, dont
la salle entière avait accueilli la lecture de sa condamna-
tion, elle s‘était bientôt rendu compte que celle—ci était
bien réelle. Un élan de passion, alors, l’avait saisie, et
elle avait crié, de toutes ses forces, qu’elle était inno-
cente. Puis elle avait vu que son cri, lui aussi, était
accueilli comme une chose naturelle, attendue, inca-
pable de rien changer à sa situation. Et elle avait fondu