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Jouant sur le quatrain de Pibrac, on disoit d’elle :

Qui te pourroit, Vertus, voir toute nue[1].


Il y a des gens qui l’y ont vue. Son mari fit assassiner vilainement un de ses galants qu’il avoit fait venir par une lettre supposée. J’ai parlé ailleurs de Bautru-Cherelles ; il a été aussi de ses favoris. Il lui écrivit une fois, autant pour la traiter de coquette que pour la cajoler, que sa maison étoit le palais d’Atlant[2] ; que chacun y trouvoit sa maîtresse. Son mari mourut, il y a près de dix-huit ans ; depuis elle a toujours porté un bandeau de veuve, à cause qu’à son gré cette coiffure lui sioit bien ; et avec cela elle a long-temps porté des habits comme une jeune personne, car elle a été long-temps belle. Elle a de l’esprit ; mais ç’a toujours été un esprit déréglé ; elle se mêloit de faire de belles-lettres. Ce qu’il y a de meilleur, c’est des choses qu’elle tire des lettres qu’elle a de Bautru, car on y remarquoit son air. Une fois elle écrivoit à sa fille de Vertus, sur je ne sais quelle froideur qui étoit entre elles, que la grande Ourse et la petite Ourse n’étoient pas si gelées qu’elle.

  1. C’est le vingt-septième quatrain de Pibrac.

      Qui te pourroit, vertu, voir toute nue,
      Ô qu’ardemment de toi seroit épris :
      Puisqu’en tout temps les plus rares esprits
      T’ont fait l’amour au travers d’une nue.

  2. Allusion au géant Atlante qui enlevoit les dames et les renfermoit dans son château magique. (Orlando Furioso, ch. 4.)