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eux que vous sauriez vous imaginer, et je ne m’en étonne point, car c’est bien la plus belle créature qu’on puisse voir de deux yeux. » Bref, cette femme sut si bien dire, qu’elle fit pleurer la mère, et la fit résoudre à voir son fils ; et ensuite tout fut accommodé, et ils vinrent loger avec elle.

Cette femme, qui avoit tant d’obligation à son mari, ne laissa pas, au bout d’un an et demi, de le mettre de la confrérie, et cela par intérêt. D’Émery, pour changer, voulut tâter d’une maigre, et laissant Marion, en conta à madame de La Bazinière. Par son moyen, elle obtint de la Reine la permission de la voir. Ce petit fat, à table chez d’Émery, contoit les obligations qu’il lui avoit, que c’étoit son protecteur, etc. Tout le monde rougissoit pour lui. On en fit ce couplet :

D’Émery n’a jamais fait
Un cocu plus satisfait
Que le petit Bazinière,
Lere la, lere lanlère.


Je ne sais si d’Émery et lui avoient bigné[1], mais notre trésorier fit alors quelques galanteries avec Marion. Un jour il avoit fait préparer la collation en quelque maison autour de Paris, et déjà il étoit parti en carrosse avec elle pour y aller, quand le duc de Brissac, qui alors étoit le patron de la demoiselle, ne la trouvant point chez elle, apprit où elle étoit allée. Il court après et les attrape. D’abord il crie : « Laquais ! un bâton. Mademoiselle, où allez-vous ? Mon-

  1. Ce mot paroît être pris ici dans le sens de troqué. En Bretagne, bigner se dit pour échanger, troquer, en style populaire.