« Dialogues des morts/Dialogue 41 » : différence entre les versions

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Caton Et Cicéron.
 
Caractère de ces deux philosophes, avec un
admirable contraste de ce qu' il y avoit de trop
farouche et de trop austère dans la vertu de l' un,
et de trop foible dans celle de l' autre.
 
Caton.
 
Il y a long-temps, grand orateur, que je
vous attendois ici. Il y a long-temps que vous
y deviez arriver. Mais vous y êtes venu le plus
tard qu' il vous a été possible.
 
Cicéron.
 
J' y suis venu après une mort pleine de courage.
 
J' ai été la victime de la république ; car
depuis le temps de la conjuration de Catilina,
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plus être ennemi de la république, sans me
déclarer la guerre.
 
Caton.
 
J' ai pourtant su que vous aviez trouvé grace
auprès de César par vos soumissions, que vous
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vivre en paix au milieu de Rome dans la
servitude. Voilà à quoi sert l' éloquence.
 
Cicéron.
 
Il est vrai que j' ai harangué César pour
obtenir la grace de Marcellus et de Ligarius.
 
Caton.
 
Hé ! Ne vaut-il pas mieux se taire que d' employer
son éloquence à flatter un tyran ? ô Cicéron,
j' ai su plus que vous : j' ai su me taire
et mourir.
 
Cicéron.
 
Vous n' avez pas vu une belle observation
que j' ai faite dans mes offices, qui est que
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leur est pas permis d' achever par une mort
précipitée la ruine de leur patrie.
 
Caton.
 
Vous avez bien rempli ce devoir ; et, s' il faut
juger de votre amour pour Rome par votre
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vertu d' un homme qui parle ainsi selon le temps ?
Cicéron.
 
Il falloit bien s' accommoder aux besoins de
la république. Cette souplesse valoit encore
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prudence. Pour moi, je l' avois bien prédit (et l' on
n' a qu' à lire mes lettres) que vous succomberiez.
 
Mais votre naturel inflexible et âpre ne
pouvoit souffrir aucun tempérament ; vous
étiez né pour les extrémités.
 
Caton.
 
Et vous pour tout craindre, comme vous
l' avez souvent avoué vous-même. Vous n' étiez
capable que de prévoir des inconvénients.
 
Ceux qui prévaloient vous entraînoient toujours
jusqu' à vous faire dédire de vos premiers
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recherché et loué Octave ?
Cicéron.
 
Mais j' ai attaqué Antoine. Qu' y a-t-il de
plus véhément que mes harangues contre lui,
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Philippe ?
Caton.
 
Elles sont admirables : mais Démosthène
savoit mieux que vous comment il faut mourir ;
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mains de Popilius ? J' ai mieux fait de me la
donner moi-même à Utique.
 
Cicéron.
 
Et moi j' aime mieux n' avoir point désespéré
de la république jusqu' à la mort, et l' avoir
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fait une guerre foible et imprudente, et
d' avoir fini par un coup de désespoir.
 
Caton.
 
Vos négociations ne valoient pas mieux que
ma guerre d' Afrique : car Octave, tout jeune
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pour de tels exploits. Voici ce que je répondis
aux sollicitations que vous me fîtes là-dessus.
 
Vous devez être plus content, disois-je, des
louanges du sénat, que vous avez méritées par
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les hommes vains et incapables de se faire
justice.
 
Cicéron.
 
Je reconnois que j' ai toujours été passionné
pour les louanges ; mais faut-il s' en étonner ?
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me consolois dans une honnête oisiveté à
raisonner, à écrire sur la vertu.
 
Caton.
 
Il valoit mieux la pratiquer dans les périls,
que d' en écrire. Avouez-le franchement, vous
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avez toujours été flottant en politique et en
philosophie.
 
Cicéron.
 
Adieu, Caton. Votre mauvaise humeur va
trop loin. à vous voir si chagrin, on croiroit
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fait beaucoup d' esclaves avec autant de
courage que vous.
 
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