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— Elle était donc vraiment folle ? dit un troisième.

— Une folie douce et triste, reprit le premier. La perte et le retour
inattendu de son frère le comte Ezzelin lui avaient fait une si grande
impression que pendant longtemps elle n’a pas voulu croire qu’il fût
vivant : elle le prenait pour un spectre, et s’enfuyait quand elle le
voyait. Absent, elle le pleurait sans cesse ; présent, elle avait peur de
lui.

— Certes ! ce n’est pas là la vraie cause de son mal, dit le second
bourgeois. Est-ce que vous ne savez pas qu’elle allait épouser Orio
Soranzo au moment où il a disparu par là ? »

En parlant ainsi, le citoyen de Venise indiquait d’un geste significatif
le canal des prisons qui coulait à deux pas de la tente.

« À telles enseignes, reprit un autre interlocuteur, que, dans sa folie,
elle se faisait habiller de blanc, et pour bouquet de noces mettait à son
corsage une branche de laurier desséchée.

— Qu’est-ce que cela signifiait ? dit le premier.

— Ce que cela signifiait ? je m’en vais vous le dire. La première femme
d’Orio Soranzo avait été amoureuse du comte Ezzelin ; elle lui avait donné
une branche de laurier en lui disant : Quand la femme que Soranzo aimera
portera ce bouquet, Soranzo mourra. La prédiction s’est vérifiée. Ezzelin
a donné le bouquet à sa soeur et Soranzo s’est évaporé comme tant
d’autres.

— Et que le doge n’ait rien dit et ne se soit pas inquiété de son neveu !
voilà ce que je ne conçois pas !

— Le doge ? le doge n’était dans ce temps-là que l’amiral Morosini ; et
d’ailleurs qu’est-ce qu’un doge devant le conseil des Dix ?

— Par le corps de saint Marc ! s’écria un brave négociant qui n’avait
encore rien dit, tout ce que vous dites là me rappelle une rencontre
singulière que j’ai faite l’an passé pendant mon voyage dans l’Yemen.
Ayant fait ma provision de café à Moka même, il m’avait pris fantaisie de
voir la Mecque et Médine.

» Quand j’arrivai dans cette dernière ville, on faisait les obsèques d’un
jeune homme qu’on regardait dans le pays comme un saint, et dont on
racontait les choses les plus merveilleuses. On ne savait ni son nom ni
son origine. Il se disait Arabe et semblait l’être ; mais sans doute il
avait passé de longues années loin de sa patrie ; car il n’avait ni ami ni
famille dont il pût ou dont il voulût se faire reconnaître. Il paraissait
adolescent, quoique son courage et son expérience annonçassent un âge plus
viril.

» Il vivait absolument seul, errant sans cesse de montagne en montagne, et
ne paraissant dans les villes que pour accomplir des oeuvres pieuses ou de
saints pèlerinages. Il parlait peu, mais avec sagesse ; il ne semblait
prendre aucun intérêt aux choses de la terre et ne pouvait plus goûter
d’autres joies ni ressentir d’autres douleurs que celles d’autrui. Il
était expert à soigner les malades, et, quoiqu’il fût avare de conseils,
ceux qu’il donnait réussissaient toujours à ceux qui les suivaient, comme
si la voix de Dieu eût parlé par sa bouche. On venait de le trouver mort,
prosterné devant le tombeau du prophète. Son cadavre était étendu au seuil
de la mosquée ; les prêtres et tous les dévots de l’endroit récitaient des
prières et brûlaient de l’encens autour de lui. Je jetai les yeux, en
passant, sur ce catafalque. Quelle fut ma surprise lorsque je reconnus…
devinez qui ?

— Orio Soranzo ? s’écrièrent tous les assistants.

— Allons donc ! je vous parle d’un adolescent ! C’était ni plus ni moins que
ce beau page qu’on appelait Naama ; vous savez ? celui qui suivait toujours
et partout messer Orio Soranzo, sous un costume si riche et si bizarre !

— Voyez un peu ! dit le premier bourgeois, il y avait beaucoup de mauvaises
langues qui disaient que c’était une femme ! »

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— Elle était donc vraiment folle ? dit un troisième.
— Elle était donc vraiment folle ? dit un troisième.
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particulières d’existence intellectuelle et physiologique ; elles font de
particulières d’existence intellectuelle et physiologique ; elles font de
lui un être plus primitif, plus normal peut-être, plus lié au sol, plus
lui un être plus primitif, plus normal peut-être, plus lié au sol, plus
confondu
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