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LES VISIONS DE LA NUIT DANS LES CAMPAGNES
Vous dire que je m’en moque, serait mentir. Je n’en ai
jamais eu, c’est vrai : j’ai parcouru la campagne à toutes
les heures de la nuit, seul ou en compagnie de grands
poltrons, et sauf quelques météores inoffensifs, quelques
vieux arbres phosphorescents el autres phénomènes qui
ne rendaient pas fort lugubre l’aspect de la nature, je n’ai
jamais eu le plaisir de rencontrer un objet fantastique et
île pouvoir raconter à personne, comme témoin oculaire,
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Eh bien, cependant je ne suis pas de ceux qui disent,
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ou phénomène extérieur insolite et incompris. Je ne crois
pour cria ni aux sorciers ni aux prodiges. Ces contes de
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prodiges de la nuit, c’est le poëme des imaginations
champêtres. Mais le t’ait existe, le Lut s’accomplit,
qu’il soit un fantôme dans l’air ou seulement dans I œil
qui le perçoit, c’est un objet tout aus-i réellement et log quement
produit que la réflexion d’une figure dans un
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été expliquées ? Je sais qu’elles ont été constatées,
voilà tout ; mais il est très-faux de dire et de croire
qu’elles sont uniquement l’ouvrage de la peur. Cela peut
être vrai en beaucoup d’occasions ; mais il y a des exceptions
irrécusables. Des hommes de sang froid, d’un courage
naturel é| n uvé, el placés dans des circonstances
où rien ne semblail agir sur leur imagination, nehommes
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cependant il n’a pas dépen lu d’eux tous de ne lias se
sentir affectés plus ou moins après coup.
Parmi grand nombre d’intéressants ouvrages publiés
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que l’homme qui vit le [dus près de la nature’, le sauva -e
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que les hommes des autres classes aux phénomèm s e
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lait le plus souvent que les expliquer a si guise.
Dira-t-on que l’éducation première, les contes delà
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les enfants el même le- hommes àéprouvet
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plus normal peut-être, plus lie au sol. plus confondu

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Vous dire que je m’en moque, serait mentir. Je n’en ai jamais eu, c’est
vrai : j’ai parcouru la campagne à toutes les heures de la nuit, seul ou
en compagnie de grands poltrons, et sauf quelques météores inoffensifs,
quelques vieux arbres phosphorescents et autres phénomènes qui ne
rendaient pas fort lugubre l’aspect de la nature, je n’ai jamais eu le
plaisir de rencontrer un objet fantastique et de pouvoir raconter à
personne, comme témoin oculaire, la moindre histoire de revenant.

Eh bien, cependant je ne suis pas de ceux qui disent, en présence des
superstitions rustiques : ''mensonge, imbécillité, vision de la peur'' ; je
dis phénomène de vision, ou phénomène extérieur insolite et incompris.
Je ne crois pour cela ni aux sorciers ni aux prodiges. Ces contes de
sorciers, ces explications fantastiques données aux prétendus prodiges
de la nuit, c’est un poëme des imaginations champêtres. Mais le fait
existe, le fait s’accomplit, qu’il soit un fantôme dans l’air ou
seulement dans l’oeil qui le perçoit, c’est un objet tout aussi
réellement et logiquement produit que la réflexion d’une figure dans un
miroir.

Les aberrations des sens sont-elles explicables ? ont-elles été
expliquées ? Je sais qu’elles ont été constatées, voilà tout ; mais il est
très-faux de dire et de croire qu’elles sont uniquement l’ouvrage de
la peur. Cela peut être vrai en beaucoup d’occasions ; mais il y a des
exceptions irrécusables. Des hommes de sang-froid, d’un courage naturel
éprouvé, et placés dans des circonstances où rien ne semblait agir sur
leur imagination, même des hommes éclairés, savants, illustres, ont eu
des apparitions qui n’ont troublé ni leur jugement ni leur santé,
et dont cependant il n’a pas dépendu d’eux tous de ne pas se sentir
affectés plus ou moins après coup.

Parmi grand nombre d’intéressants ouvrages publiés sur ce sujet, il faut
noter celui du docteur Brierre de Boismont, qui analyse aussi bien
que possible les causes de l’hallucination. Je n’apporterai après ces
travaux sérieux qu’une seule observation utile à enregistrer, c’est que
l’homme qui vit le plus près de la nature, le sauvage, et après lui le
paysan, sont plus disposés et plus sujets que les hommes des autres
classes aux phénomènes de l’hallucination. Sans doute l’ignorance et la
superstition les forcent à prendre pour des prodiges surnaturels
ces simples aberrations de leurs sens ; mais ce n’est pas toujours
l’imagination qui les produit, je le répète ; elle ne fait le plus
souvent que les expliquer à sa guise.

Dira-t-on que l’éducation première, les contes de la veillée, les récits
effrayants de la nourrice et de la grand’mère disposent les enfants et
même les hommes à éprouver ce phénomène ? Je le veux bien. Dira-t-on
encore que les plus simples notions de physique élémentaire et un peu de
moquerie voltairienne en purgeraient aisément les campagnes ? Cela est
moins certain. L’aspect continuel de la campagne, l’air qu’il respire à
toute heure, les tableaux variés que la nature déroule sous ses yeux,
et qui se modifient à chaque instant dans la succession des variations
atmosphériques, ce sont là pour l’homme rustique des conditions
particulières d’existence intellectuelle et physiologique ; elles font de
lui un être plus primitif, plus normal peut-être, plus lié au sol, plus
confondu