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Livonie, les paysans sont robustes: les hommes avec leur tête embroussaillée de cheveux durs, les femmes couvertes de haillons, les enfants pieds nus, bras et jambes maculés de boue comme des bestiaux d’étables négligées. Les malheureux moujiks! Et s’ils souffrent dans leurs taudis des chaleurs de l’été, des froids de l’hiver, de la pluie ou de la neige en tout temps, que dire de leur nourriture, du pain d’écorce, noir et pâteux, trempé d’un peu d’huile de chènevis, de la bouillie d’orge et d’avoine, et, si rarement, quelques bouchées de lard ou de bœuf salé! Quelle existence! Mais ils y sont faits, ils ne savent pas ce que c’est que de se plaindre. A quoi bon, d’ailleurs?
Livonie, les paysans sont robustes : les hommes avec leur tête embroussaillée de cheveux durs, les femmes couvertes de haillons, les enfants pieds nus, bras et jambes maculés de boue comme des bestiaux d’étables négligées. Les malheureux moujiks ! Et s’ils souffrent dans leurs taudis des chaleurs de l’été, des froids de l’hiver, de la pluie ou de la neige en tout temps, que dire de leur nourriture, du pain d’écorce, noir et pâteux, trempé d’un peu d’huile de chènevis, de la bouillie d’orge et d’avoine, et, si rarement, quelques bouchées de lard ou de bœuf salé ! Quelle existence ! Mais ils y sont faits, ils ne savent pas ce que c’est que de se plaindre. A quoi bon, d’ailleurs ?


Très heureusement, à l’entrée d’un grand village, au relais d’une heure après-midi, les voyageurs, dans une auberge assez convenable, trouvèrent un plus substantiel dîner: potage au cochon de lait, concombres nageant dans une jatte d’eau salée, gros chanteaux de ce pain qu’on appelle le «pain aigri», car il ne faudrait pas pousser l’exigence jusqu’à vouloir du pain blanc, un morceau de saumon péché dans les eaux de la Dwina, du lard frais accommodé de légumes, du caviar, du gingembre, du raifort et de ces confitures d’airelles des bois d’une saveur singulière. Pour boisson, l’invariable thé, lequel coule si abondamment qu’il suffirait à alimenter tout un fleuve des provinces Baltiques. Enfin un excellent repas qui mit Broks et Poch en belle humeur pour le reste de la journée.
Très heureusement, à l’entrée d’un grand village, au relais d’une heure après-midi, les voyageurs, dans une auberge assez convenable, trouvèrent un plus substantiel dîner : potage au cochon de lait, concombres nageant dans une jatte d’eau salée, gros chanteaux de ce pain qu’on appelle le « pain aigri », car il ne faudrait pas pousser l’exigence jusqu’à vouloir du pain blanc, un morceau de saumon péché dans les eaux de la Dwina, du lard frais accommodé de légumes, du caviar, du gingembre, du raifort et de ces confitures d’airelles des bois d’une saveur singulière. Pour boisson, l’invariable thé, lequel coule si abondamment qu’il suffirait à alimenter tout un fleuve des provinces Baltiques. Enfin un excellent repas qui mit Broks et Poch en belle humeur pour le reste de la journée.


Quant à l’autre voyageur, il ne parut pas qu’il en ressentît de si heureux effets. Il se fit servir à part dans un coin sombre de la salle. A peine releva-t-il son capuchon qui laissa voir le bas d’une barbe grisonnante. En vain le garçon de banque et le conducteur essayèrent-ils de le dévisager. Il mangea rapidement, sobrement, et bien avant les autres il eut regagné sa place dans la voiture.
Quant à l’autre voyageur, il ne parut pas qu’il en ressentît de si heureux effets. Il se fit servir à part dans un coin sombre de la salle. A peine releva-t-il son capuchon qui laissa voir le bas d’une barbe grisonnante. En vain le garçon de banque et le conducteur essayèrent-ils de le dévisager. Il mangea rapidement, sobrement, et bien avant les autres il eut regagné sa place dans la voiture.