« La physique depuis vingt ans/Les grains d'électricité et la dynamique électromagnétique » : différence entre les versions

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(5) [(8*Pi*R*T)/(N*(lambda^4))]*d(lambda)
 
R étant la constante des gaz parfaits pour une molécule-gramme et N le nombre d'AVOGADRO. La loi ainsi obtenue, connue sous le nom de loi de Rayleigh-Jeans, est bien conforme aux faits pour les grandes longueurs d'onde; elle représente bien le rayonnement thermique dans l'infrarouge. La comparaison de la formule avec l'expérience permet par conséquent une détermination du nombre N et par suite de la charge de l'électron e. Il est remarquable que les mesures d'intensités du rayonnement thermique émises par une enceinte en équilibre de température permettent d'atteindre aussi directement la grandeur absolue du grain d'électricité. Le raisonnement qui précède nous permet de comprendre la raison de ce fait. Les accélérations des électrons présents dans un métal sont déterminées par l'agitation thermique dont l'intensité, entièrement définie par la température, est indépendante de la charge portée par l'électron. L'énergie rayonnée, d'après la formule (4), variera avec la charge e proportionnellement au carré de celle-ci. Toutes choses égales d'ailleurs, le pouvoir émissif du métal est donc proportionnel au carré de la charge individuelle des électrons qu'il contient. D'autre part la conductibilité du métal, à laquelle le pouvoir absorbant est proportionnel, varie comme la charge de l'électron, c'est-à-dire comme la force exercée sur lui par le champ électrique qui produit le courant. Le rapport du pouvoir émissif au pouvoir absorbant, et par suite la densité du rayonnement thermique, est donc proportionnel à la charge individuelle des électrons, à la charge atomique, c'est à dire inversement proportionnel au nombre d'AVOGADRO. Le fait, exigé par la Thermodynamique, que la densité du rayonnement est indépendante pour une même température de la matière qui constitue l'enceinte, exige par conséquent que les électrons libres aient la même charge quelle que soit la matière qui les contient. L'équilibre thermodynamique ne serait pas possible s'il en était autrement. Malheureusement l'accord entre l'expérience et et la théorie cesse quand on passe aux courtes longueurs d'ondé on plus exactement aux petites valeurs du produit lambda*T, de la longueur d'onde par la température. En effet, en appliquant des méthodes de mécanique statistique plus générales que celle fondée sur l'examen de l'émission et de l'absorption par des électrons libres, on a pu démontrer que la théorie électromagnétique, jointe à l'hypothèse des électrons sous la forme de LORENTZ, prévoit pour toutes les longueurs d'ondes la densité de rayonnement donnée par la formule (5). Ce résultat est en contradiction évidente avec les faits. D'abord il prévoit une densité d'énergie dans le spectre constamment croissante vers les courtes longueurs d'onde, et de plus, en l'étendant à toutes les longueurs d'onde depuis l'infini jusqu'à zéro, on prévoit pour le spectre entier une densité infinie d'énergie du rayonnement thermique à toute température. L'expérience montre au contraire que la densité d'énergie dans le spectre passe par un maximum pour une longueur d'onde inversement proportionnelle à la température absolue d'après la loi de WIEN, et nous savons bien que l'énergie totale du rayonnement à l'intérieur d'une enceinte en équilibre thermique est finie. Ces difficultés, que PLANCK a tenté de résoudre par l'introduction des quanta d'énergie, et sur lesquelles M. BAUER reviendra dans une prochaine conférence, semblent bien montrer que nous ignorons encore les lois véritables qui régissent le mouvement des électrons à l'intérieur des atomes. Aucun doute n'existe cependant au sujet de leur existence même et des lois de leur mouvement à l'état libre. D'ailleurs, le fait que les difficultés apparaissent seulement pour les formes les plus complexes du phénomène de ZEEMAN et pour les courtes longueurs d'onde dans la théorie du rayonnement thermique, montre que les électrons sont effectivement les intermédiaires entre la matière et le rayonnement, mais que des lois essentielles de leur liaison avec les atomes nous échappent encore.
IV. — LA DYNAMIQUE ÉLECTROMAGNÉTIQUE.
 
Nous avons déjà remarqué le parallélisme qui existe entre les phénomènes de self-induction et l'inertie, la self-induction du courant de convection donnant lieu à des réactions qui ressemblent étroitement à celles de l'inertie. Cette analogie peut être envisagée à deux points de vue différents celui des échanges d'énergie et celui des réactions par l'intermédiaire desquelles ces échanges s'effectuent. Au point de vue énergétique, nous savons qu'une particule électrisée en mouvement dont la vitesse v est suffisamment petite par rapport à celle de la lumière s'entoure d'un champ magnétique représentant une énergie proportionnelle au carré de la vitesse tandis que le champ électrique reste le même qu'au repos. Pour mettre la particule en mouvement, il est donc nécessaire de lui fournir, du fait qu'elle est électrisée, une énergie égale à celle du champ magnétique apparu et proportionnelle au carré de la vitesse. Inversement, cette énergie doit être restituée au moment de l'arrêt. La charge électrique de la particule lui donne ainsi la capacité d'emmagasiner, quand on la met en mouvement, une énergie variable avec la vitesse de la même manière qu'une énergie cinétique. Autrement dit, la particule possède une masse 'électromagnétique comme conséquence du fait qu'elle est électrisée. Cette masse électromagnétique peut s'ajouter à l'inertie d'autre nature que la particule possède en dehors d'elle ou exister seule, comme c'est le cas très probablement pour les corpuscules cathodiques : ces corpuscules sont inertes simplement parce qu'ils sont électrisés. Un calcul facile montre que, pour une particule électrisée dont la charge e est distribuée uniformément sur la surface d'une sphère du rayon a, l'énergie du champ magnétique a pour valeur, en unités électromagnétiques C. G. S.,
(à suivre)
 
[(e^2)/(3*a)]*(v^2).
 
L'assimilation de cette énergie liée au mouvement à une énergie cinétique (1/2)*m*(v^2) donne pour la masse électromagnétique correspondante
 
m(0) = (2*(e^2))/(3*(a^2)).
 
Ce que nous savons sur la relation entre le rayonnement émis par une particule en mouvement non uniforme et l'accélération de ce mouvement nous permet de préciser beaucoup le mécanisme des phénomènes d'inertie, au moins pour la partie électromagnétique. Supposons qu'à l'instant t la particule ait été depuis longtemps en mouvement uniforme avec la vitesse v. A toute distance, le champ magnétique qui l'entoure est celui qui correspond à cette valeur de la vitesse, et l'ensemble de sa distribution représente une énergie égale au total à [(e^2)/(3*a)]*(v^2). Si, à l'instant t, la particule subit un accroissement de vitesse, il est nécessaire que le sillage tout entier soit remanié et que le champ magnétique prenne à toute distance la valeur correspondante à la nouvelle vitesse, si celle-ci doit rester constante. Ceci ne peut pas se faire instantanément puisque la modification du sillage ne peut se propager dans l'éther qu'avec la vitesse de la lumière à partir du centre électrisé qui subit l'accélération. L'onde d'accélération émise par le centre au moment du changement de vitesse a précisément pour rôle de produire à distance ce remaniement du sillage, d'informer les régions éloignées du changement de vitesse subi par le centre. Elle apporte, en s'élargissant progressivement et en balayant ainsi tout l'espace, l'énergie nécessaire dans chaque région du sillage à l'accroissement d'intensité du champ magnétique exigé par le changement de la vitesse du centre. Le calcul montre aisément que cette onde d'accélération emporte au départ, en quittant le centre, non seulement son énergie propre (2/(V^3))*(e^2)(gamma^2)*dt qu'elle transporte à l'infini sous forme de rayonnement, mais encore, par suite de sa superposition au sillage, une énergie égale à l'accroissement d'énergie cinétique. Elle distribue en route cette dernière portion, trouvant devant elle le sillage ancien et laissant derrière elle le sillage nouveau tel qu'il correspond à la nouvelle vitesse. L'onde d'accélération nous apparaît ainsi comme l'intermédiaire par lequel, à la suite d'un changement de vitesse, la particule électrisée modifie de proche en proche son sillage autour d'elle avec la vitesse de la lumière. La force extérieure qui agit sur la particule et produit le changement de vitesse doit donc fournir à l'onde d'accélération, au moment du départ de celle-ci, non seulement l'accroissement d'énergie cinétique, niais encore l'énergie rayonnée, comme un tribut payé à cette onde auxiliaire pour le service rendu. Dans les circonstances ordinaires, d'ailleurs, l'énergie rayonnée est tout à fait minime par rapport au changement d'énergie cinétique, et la modification aux lois ordinaires de la mécanique résultant de l'existence du rayonnement est le plus souvent tout à fait négligeable. L'analyse qui précède montre combien est complexe en réalité le phénomène de l'inertie considéré autrefois comme une propriété fondamentale et simple de la matière. La conception actuelle a ceci de remarquable qu'elle montre solidaires et connexes des phénomènes aussi différents au premier abord que ceux de l'inertie, de l'électromagnétisme et du rayonnement. En nous plaçant maintenant au second point de vue, celui des réactions qu'exerce la particule contre un changement de vitesse, nous allons voir encore jouer un rôle essentiel à l'onde d'accélération rayonnée. Au moment d'un changement de vitesse, chacun des éléments dans lesquels on peut décomposer la charge d'un électron émet une onde et le passage de celle-ci sur les autres éléments de charge produit sur eux des forces d'origine électromagnétique. Le calcul montre que l'ensemble de toutes les petites forces ainsi engendrées n'est pas équivalent à zéro. Dans le cas simple d'un électron sphérique cet ensemble admet une résultante unique qui comporte comme terme principal -[(2*(e^2))/(3*a)]*gamma, c'est-à-dire précisément la force d'inertie de la mécanique ordinaire, égale et opposée au produit de la masse électromagnétique m(0) par l'accélération, et par l'intermédiaire de laquelle la particule emprunte aux actions extérieures qui s'exercent sur elle pour changer sa vitesse l'énergie nécessaire au remaniement de son sillage, l'accroissement de son énergie cinétique. Un terme complémentaire existe par l'intermédiaire duquel l'énergie rayonnée est empruntée aussi aux actions extérieures : c'est la réaction de rayonnement que laisse de côté la Dynamique classique. Quand l'accélération ne varie pas trop vite en fonction du temps, cette réaction de rayonnement a pour valeur
 
[2*(e^2)/(3*V)]*(d(gamma)/dt).
 
Elle est généralement très petite par rapport à la force d'inertie. A ce point de vue déjà, les équations ordinaires de la dynamique, où ne figurent ni la réaction de rayonnement ni l'énergie rayonnée qui lui correspond, nous apparaissent comme une première approximation, suffisamment exacte en général à cause de la grandeur de la vitesse de la lumière V qui figure au dénominateur dans l'expression de la réaction de rayonnement et dans celle de l'énergie rayonnée. Nous retrouverions rigoureusement la Mécanique ordinaire si cette vitesse de propagation était infinie, si le changement de vitesse du centre électrisé se transmettait instantanément jusqu'aux régions les plus éloignées du sillage, si les champs électrique et magnétique produits par la particule prenaient instantanément à toute distance les valeurs déterminées par sa vitesse actuelle. La première différence entre la dynamique électromagnétique et la dynamique classique, différence caractérisée par la superposition de la réaction de rayonnement à la force d'inertie, ou de l'énergie rayonnée à l'accroissement d'énergie cinétique, a donc pour raison profonde la vitesse finie de propagation des perturbations dans le milieu, le fait que la modification du sillage exigée par tout changement de vitesse de la particule se propage de proche en proche à partir de celle-ci, que l'inertie de la matière n'est pas un phénomène instantané. C'est la raison qui se trouve à la base de toutes les divergences que nous allons trouver entre la nouvelle mécanique et l'ancienne et qui les rend vraiment inconciliables ; c'est elle qui exige, comme nous le verrons à propos du principe de relativité, jusqu'au remaniement des notions primitives de l'espace et du temps. On voit combien lointaines et profondes apparaissent maintenant les conséquences de la révolution introduite par FARADAY lorsqu'il rejeta la notion d'action immédiate à distance et porta l'attention sur le rôle joué par le milieu. L'existence d'une vitesse finie de propagation dans ce milieu était implicitement contenue dans les conceptions de FARADAY limitées d'abord aux phénomènes électriques et magnétiques. MAXWELL dégagea cette conséquence et montra que la vitesse caractéristique était égale à celle de la lumière. Ainsi fut réalisée la conquête de l'optique par la théorie électromagnétique ; grâce à l'introduction du grain d'électricité par LORENTZ, cette conquête s'étend aujourd'hui à la Mécanique et pénètre, pour les modifier, jusqu'aux notions fondamentales de l'espace et du temps. La possibilité, indiquée pour la première fois par J.-J. THOMSON en 1881, de donner comme nous venons de le voir une interprétation électromagnétique de l'inertie dans le cas des vitesses petites par rapport à celle de la lumière, a fait espérer qu'on pourrait constituer une dynamique purement électromagnétique et expliquer, comme MAXWELL l'avait fait pour la lumière, tous les phénomènes physiques en prenant comme base unique les propriétés électromagnétiques de l'éther et des centres électrisés constituant la matière. Cet espoir a semblé tout d'abord se réaliser complètement. L'analogie, rappelée plus haut, entre les phénomènes de self-induction ou d'induction mutuelle et ceux de l'inertie avait été reconnue par MAXWELL et l'avait conduit à une tentative opposée à la nôtre: ayant constaté que les équations des courants induits pouvaient être mises sous une forme exactement semblable à celle introduite par LAGRANGE en Mécanique, il en avait conclu qu'il était possible de donner une explication mécanique des phénomènes électromagnétiques. Des tentatives nombreuses ont été faites pour résoudre le problème ainsi posé par MAXWELL et dont il avait cru solution possible, pour donner, en partant des lois de la Mécanique, considérées comme les plus simples et les plus fondamentales, une représentation précise des propriétés de l'éther et de l'électricité. Toutes ces tentatives ont échoué. On a reconnu depuis quelques années seulement, à propos du principe de relativité, qu'il en devait être ainsi pour une raison profonde : les équations de la Mécanique classique d'une part et celles qui représentent les propriétés électromagnétiques de l'éther d'autre part sont en réalité inconciliables, contrairement à ce qu'avait cru MAXWELL, parce qu'elles n'admettent pas le même groupe de transformations, parce que les unes et les autres ne se conservent pas pour les mêmes transformations de l'espace et du temps. Les notions d'espace et de temps qui sont à la base de la Mécanique ne sont pas compatibles avec la théorie électromagnétique; autrement dit la mécanique suppose instantanés les effets d'inertie, les échanges d'action et de réaction à distance dont l'Électromagnétisme exige la propagation avec la vitesse de la lumière. Cette divergence profonde, source de toutes les autres, disparaît précisément dans le cas considéré par MAXWELL : les équations par lesquelles on exprime d'ordinaire les lois d'induction des courants ne sont exactes qu'en première approximation et ne s'appliquent qu'à des courants lentement variables parce qu'elles négligent les phénomènes de propagation d'ondes hertziennes et les rayonnements d'énergie liés aux variations des courants. Ces équations des courants induits laissant de côté précisément ce par quoi les équations exactes de l'Électromagnétisme se différencient de celles de la Mécanique, elles doivent se trouver d'accord avec ces dernières, comme l'avait constaté MAXWELL. Cet accord disparaît quand on remonte aux lois rigoureuses de l'électromagnétisme telles que je les ai rappelées au début, sous la forme qui implique la propagation de toute perturbation avec la vitesse finie de la lumière ; l'interprétation mécanique de ces lois s'est montrée et devait se montrer impossible. Mais s'il est impossible d'éliminer de l'électromagnétisme la propagation avec la vitesse de la lumière, qui en est un caractère essentiel et qui lui a permis de conquérir l'optique, il est au contraire possible de modifier la mécanique, comme nous venons de le voir sous une première forme à propos de l'inertie, de manière à la concilier avec les lois de l'Électromagnétisme, considérées comme plus simples et admises comme base d'explication. Les équations de la Dynamique classique, établies pour le cas des faibles vitesses ou accélérations, n'apparaissent plus que comme une première approximation, légitime dans ce domaine où les phénomènes de rayonnement ne jouent aucun rôle, mais doivent être modifiées quand le rayonnement intervient de manière importante. On s'est trouvé conduit ainsi à renverser le problème posé par MAXWELL et à tenter l'édification d'une dynamique électromagnétique dont la Dynamique ordinaire ne serait qu'une approximation obtenue en supposant infinie la vitesse de propagation égale en réalité à la vitesse de la lumière. L'énormité de celle-ci rend l'approximation légitime d'ordinaire.
 
Le principe d'Hamilton généralisé. — La marche que nous avons suivie plus haut, dans notre interprétation de l'inertie, peut ne pas sembler entièrement rigoureuse : elle prétend aboutir à une théorie électromagnétique de la Mécanique, mais la notion de force y est utilisée, autrement il est vrai que sous sa forme dynamique et telle qu'on la peut définir sans avoir recours aux lois de l'inertie qu'il s'agit d'expliquer. Il paraît cependant désirable de prendre, pour bases de la dynamique nouvelle que nous voulons constituer, uniquement, des notions électromagnétiques et cinématiques indépendantes de toute considération de force et d'inertie. Remarquons d'ailleurs, pour la rigueur logique, que les notions fondamentales de champs et de charges peuvent être introduites par voie purement statique sans faire intervenir la notion dynamique d'inertie, ni les lois du mouvement. Le point de départ le plus simple pour la dynamique nouvelle d'une généralisation ou plutôt d'une transposition électromagnétique du principe d'HAMILTON, analogue au principe de moindre action. L'énoncé du principe d'HAMILTON en dynamique est le suivant : Si un système matériel admet une énergie potentielle U et si T est son énergie cinétique, la manière dont le système évolue suivant les lois de la mécanique, entre deux instants t(0) et t(1) pour chacun desquels la configuration du système est donnée, possède la propriété de rendre minimum l'intégrale
 
sum(t(0)...t(1))(U— T)*dt.
 
Lord KELVIN avait déjà remarqué que la distribution du champ électrostatique autour de charges données satisfait à la condition de représenter dans le diélectrique l'énergie minimum compatible avec la présence des charges. Les lois plus générales de MAXWELL et de HERTZ, qui régissent la présence simultanée des champs électrique et magnétique, satisfont à une condition de minimum analogue : si l'on suppose donné un système de charges électriques, non plus seulement en repos, mais en mouvement donné entre deux instants t(0) et t(1), la manière dont se distribuent dans l'espace environnant les champs électrique et magnétique au cours du temps satisfait à la condition de rendre minimum l'intégrale
 
I = sum(t(0)...t(1))(W(e) - W(m))*dt.
 
W(e) représente l'énergie du champ électrique sum((K(0)*(h^2))/(8*Pi))*d(nu) et W(m), l'énergie magnétique sum((mu(0)*(H^2))/(8*Pi))*d(nu). Pour obtenir les lois de la Dynamique nouvelle, il suffit d'étendre ce principe, non seulement aux variations possibles dans la distribution des champs, mais encore aux variations possibles du mouvement des charges que nous avons jusqu'ici supposé donner. Si l'on suppose données unique-ment les distributions aux instants initial et final t(0) et t(1), des particules électrisées qui constituent les charges, et si l'on cherche quels doivent être dans l'intervalle leurs mouvements pour que l'intégrale I soit minimum, on trouve des lois de mouvement qui dans les cas des faibles vitesses et des variations lentes ont exactement la forme des lois ordinaires de la Dynamique, mais qui pour les grandes vitesses ou les accélérations rapides s'en écartent de manière d'autant plus importante que les vitesses s'approchent davantage de celle de la lumière. Il est cependant nécessaire, dans le calcul de ce minimum, de faire une hypothèse sur la manière dont chaque électron, chaque particule électrisée se comporte quand sa vitesse change. L'hypothèse la plus simple avait semblé à M. MAX ABRAHAM, lorsqu'il a développé systématiquement pour la première fois une dynamique électromagnétique, être celle qui suppose la rigidité absolue de l'électron, qui lui attribue une forme invariable au cours de son mouvement. C'est là une hypothèse cinématique, faisant intervenir uniquement des considérations d'espace et de temps, et qu'il a semblé tout d'abord légitime d'introduire à la base d'une nouvelle dynamique. Aux faibles vitesses, les résultats sont ceux que nous avons déjà obtenus à propos de l'inertie et sont communs d'ailleurs à toutes les formes de la dynamique électromagnétique ; la force d'inertie prend sa forme ordinaire, produit de l'accélération par une masse constante déterminée par la charge et la forme de l'électron ; il s'y ajoute seulement une réaction de rayonnement.
 
Les masses longitudinale et transversale. — Quand la vitesse s'approche de celle de la lumière, et que ses variations sont relativement lentes en fonction du temps, il subsiste dans la réaction qu'oppose la particule au changement de vitesse une force d'inertie, un terme proportionnel à l'accélération, mais le coefficient de proportionnalité, an lieu d'être constant comme aux faibles vitesses, varie avec la vitesse et de manière différente suivant la direction de l'accélération par rapport à celle du mouvement. Dans le cas le plus simple, celui de l'électron sphérique, on doit ainsi distinguer deux masses fonctions toutes deux de la vitesse : la masse longitudinale, quotient de la force d'inertie par l'accélération lorsque celle-ci est parallèle au mouvement, et la masse transversale qui correspond au cas où l'accélération est normale à la trajectoire. Le premier cas correspond pour la vitesse au changement de grandeur sans changement de direction et le second au changement de direction sans changement de grandeur, à la déviation du mouvement. Ce que nous avons dit sur la distribution des champs dans le sillage d'une particule aux grandes vitesses peut aider à comprendre la nécessité d'introduire une masse fonction de la vitesse. Nous avons vu qu'il se superpose au champ électrostatique de la particule en mouvement un champ électrique induit par les variations de champ magnétique qui résultent du passage de la particule. Il en résulte que l'énergie supplémentaire, contenue dans le sillage en raison du mouvement, cesse d'être proportionnelle au carré de la vitesse et augmente indéfiniment à mesure que cette vitesse s'approche de celle de la lumière. La force d'inertie par laquelle s'emprunte aux actions extérieures l'énergie correspondante aux variations du sillage doit donc cesser d'être proportionnelle à l'accélération avec un coefficient constant. Le coefficient devient fonction de la vitesse et le calcul montre qu'il se confond avec la masse longitudinale déduite de l'application du principe d'HAMILTON généralisé. La formule obtenue par M. Max ABRAHAM, pour la masse transversale d'un électron sphérique indéformable, a semblé tout d'abord recevoir une confirmation éclatante par les belles expériences de M. KAUFMANN sur la déviation des rayons beta du radium dans les champs électrique et magnétique. La comparaison des deux déviations électrique et magnétique permet, dans ce cas comme dans celui des rayons cathodiques, de mesurer le rapport de la charge à la masse de la particule, ainsi que sa vitesse. On conçoit d'ailleurs que seule intervient ici la masse transversale, celle qui correspond à la déviation, puisque les forces électrique et magnétique sont normales à la vitesse dans ces expériences. Le résultat a montré que, conformément aux prévisions théoriques, le rapport de la charge à la masse diminue quand la vitesse augmente ; l'accord quantitatif était assez bon au degré de précision des mesures, pour sembler fournir une confirmation des vues de M. MAX ABRAHAM et pour justifier l'espoir d'édifier une représentation des phénomènes physiques sur une base purement électromagnétique.
 
L'électron de Lorentz. — Peu de temps après, LORENTZ a montré que l'hypothèse de l'électron rigide est incompatible avec le résultat négatif des expériences tentées pour manifester le mouvement d'ensemble d'un système comme la Terre par rapport au milieu qui transmet les actions électromagnétique. Le principe de relativité qui résume et traduit l'ensemble de ces résultats exige, comme l'a montré LORENTZ, que l'électron se déforme quand sa vitesse varie, qu'il s'aplatisse dans la direction du mouvement d'autant plus que sa vitesse est plus grande, les dimensions perpendiculaires à cette vitesse n'étant pas modifiées. Dans ces conditions, les masses longitudinale et transversale sont représentées en fonction de la vitesse par des expressions beaucoup plus simples que dans le cas de l'électron rigide. Si m(0) représente la masse initiale, celle qui intervient aux faibles vitesses, la masse transversale m(t) pour la vitesse v en est donnée par
 
m(t) = (m(0))/(sqrt(1 - (v^2)/(V^2))).
En dehors du fait que cette loi de variation de la masse est la seule, conciliable avec le résultat négatif des expériences tentées pour mettre en évidence le mouvement absolu, le perfectionnement des mesures du rapport de la charge à la masse pour les particules beta du radium a permis d'en obtenir une vérification directe. L'introduction d'un électron déformable oblige à introduire d'autres formes d'énergie que celles présentes dans les champ électrique et magnétique. Pour chaque valeur de la vitesse, en effet, M. POINCARÉ a montré que la forme aplatie exigée par le principe de relativité résulte d'un équilibre entre les actions électromagnétiques qui tendent à disperser la charge de l'électron et une pression constante, indépendante de la vitesse, exercée du dehors. sur la surface de l'électron et tendant à le contracter. Dans ces conditions, la forme d'équilibre varie avec la vitesse de la manière exigée par la théorie mais à condition de faire intervenir des actions telles que cette pression, capables d'équilibrer les actions électromagnétiques et d'autre origine qu'elles. Dans son électron rigide, M. Max ABRAHAM remplaçait ces actions par des liaisons assurant la conservation de la forme à toutes les vitesses, mais sans qu'une forme nouvelle d'énergie leur corresponde, puisque aucune déformation n'avait lieu. La théorie de la relativité montre, comme on le verra d'autre part, que l'hypothèse de l'électron rigide n'était pas conciliable avec les lois de l'Électromagnétisme auxquelles on l'a superposée : elle fait intervenir en effet la Cinématique ancienne, avec les notions d'espace et de temps telle que les exige la Mécanique classique, tandis que l'Électromagnétisme, pour rester d'accord avec le principe de relativité, exige une Cinématique nouvelle dans laquelle disparaît la notion même du solide indéformable. L'électron de M. Max ABRAHAM ne pouvait donc pas se concilier avec le principe de relativité et l'Électromagnétisme à la fois. Bien que nous devions renoncer au but primitif de la Dynamique électromagnétique et qu'il soit nécessaire d'admettre d'autres modes d'action que les forces exercées par les champs électrique et magnétique sur les charges, la découverte du principe de relativité a cependant montré que toutes ces actions, quelle que soit leur nature, doivent se transformer, quand on passe d'un système de référence à un autre, exactement de la même manière que les actions électromagnétiques, autrement dit que les équations par lesquelles s'expriment toutes les lois de la Physique doivent admettre le même groupe de transformations que les équations de l'Électromagnétisme. En particulier, l'inertie, qu'elle soit ou non d'origine électromagnétique, doit se comporter toujours de la même manière et varier avec la vitesse comme LORENTZ l'a prévu et comme l'expérience l'a vérifié sur les rayons beta du radium. La nouvelle Dynamique ne peut être développée de manière cohérente qu'en se plaçant au point de vue du principe de relativité.
 
CONCLUSION. - En partant du fait expérimental de la structure granulaire des charges électriques et en appliquant tout d'abord aux grains d'électricité les lois ordinaires de la Mécanique, nous avons obtenu l'interprétation d'un nombre immense de faits d'Électromagnétisme et d'Optique. Puis nous avons vu qu'il était nécessaire de constituer une dynamique nouvelle dans laquelle les lois électromagnétiques jouent un rôle fondamental. Chemin faisant nous avons vu des difficultés apparaître tenant à ce que l'électron ne doit pas, lorsqu'il se meut à l'intérieur des atomes, obéir obéir exactement aux mêmes lois que dans son mouvement libre. Nous ignorons encore la structure et les lois de l'édifice atomique, mais nous savons que des électrons sont présents et jouent un grand rôle. Les difficultés de la loi du rayonnement, la complexité non encore expliquée des aspects que présente le phénomène de ZEEMAN, ne doivent pas nous faire oublier la grandeur de la synthèse déjà réalisée.
 
Paul LANGEVIN