« La physique depuis vingt ans/Les grains d'électricité et la dynamique électromagnétique » : différence entre les versions

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Le rayonnement de la particule par unité de temps est donc proportionnel au carré de sa charge et au carré de l'accélération qu'elle subit.
 
L'induction mutuelle. - Examinons maintenant quelques conséquences des résultats précédents. Ils contiennent tout d'abord l'explication des phénomènes d'induction mutuelle et de self-induction. Nous avons compris ce qui se passe dans une dynamo génératrice de courant, nous allons comprendre maintenant ce qui se passe dans un transformateur ou dans une bobine de RUHMKORFF, c'est à dire les phénomènes d'induction produits dans un circuit par les variations du courant qui passe dans un circuit voisin. Supposons placés, l'un à côté de l'autre, deux fils parallèles qui sont, par exemple, deux spires voisines d'un transformateur, l'une appartenant au circuit inducteur, l'autre au circuit induit. Le passage du courant inducteur correspond à une circulation dans le premier fil des particules électrisées libres auxquelles il doit sa conductibilité. La vitesse de ces particules dans la direction du fil est proportionnelle à l'intensité du courant, de sorte que toute variation de cette intensité correspond à une variation de vitesse, à une accélération subie par les particules. Il en résulte, au moment où l'intensité du courant inducteur varie, l'émission à partir du fil d'ondes d'accélération se propageant à distance par superposition des ondes émises individuellement par toutes les particules. On voit facilement qu'en un point voisin du fil cette superposition des ondes d'accélération donnera lieu, d'après les résultats indiqués plus haut, à un champ électrique parallèle au fil et dirigé en sens inverse si l'intensité augmente, ou dans le sens du courant si l'intensité diminue. Si le point considéré se trouve à l'intérieur d'un fil voisin appartenant au circuit induit, le champ électrique ainsi créé tendra à produire un courant et correspondra à l'existence d'une force électro-motrice induite, de sens opposé au courant inducteur, si celui-ci augmente, et dans le même sens que lui, s'il diminue. Lorsque le circuit induit est ouvert, cette force électromotrice se traduit par l'apparition d'une différence de potentiel entre ses extrémités, due à l'accumulation des charges déplacées par le champ électrique de l'onde, jusqu'à ce que résulte de cette accumulation un champ électrostatique équilibrant eu chaque point le champ électrique induit. Au contraire, le circuit induit étant fermé, un courant s'y produit dans le sens de la force électromotrice, et l'énergie qu'il représente est empruntée au circuit inducteur par une réaction sur lui du circuit induit, selon le mécanisme qu'on vient d'analyser. En effet, la production du courant induit implique une accélération des particules correspondantes et, par suite, l'émission par celles-ci d'ondes qui créent dans le circuit inducteur un champ électrique induit de sens opposé au courant inducteur. De là une force contre-électromotrice, réaction du circuit induit sur le circuit inducteur par l'intermédiaire de laquelle est empruntée au circuit inducteur l'énergie électrique utilisée dans le circuit induit.
 
Self-induction. — Les phénomènes d'induction d'un courant sur lui-même s'expliquent de la mème manière. Si le courant augmente les ondes d'accélération qui en résultent se totalisent dans ce circuit lui-même, comme à son extérieur, et y produisent un champ électrique de sens opposé au courant par l'intermédiaire duquel est empruntée, à la source électromotrice qui produit le courant, l'énergie nécessaire à l'accroissement du champ magnétique entourant le circuit. Quand le courant diminue, les accélérations des particules positives étant en sens opposé au courant, les ondes rayonnées produisent clans le conducteur un champ électromoteur par l'intermédiaire duquel se trouve restituée au circuit l'énergie du champ magnétique qui l'entoure. Nous trouverons des faits tout semblables en analysant le mécanisme de l'inertie avec laquelle les phénomènes de self-induction présentent une .analogie profonde. L'inertie d'une particule électrisée est due, au moins en partie, à la production d'un champ magnétique lié à sa vitesse, et au fait que l'énergie présente dans ce champ, proportionnelle au carré de cette vitesse, doit varier avec elle. L'onde d'accélération, dont l'émission accompagne tout changement de vitesse, est précisément l'intermédiaire par lequel le milieu environnant la particule reçoit le complément d'énergie magnétique, quand la vitesse augmente, ou restitue l'énergie magnétique en excès quand la vitesse diminue. La force d'inertie, la résistance qu'oppose la particule au changement de vitesse, provient de l'action sur chaque élément de sa charge ‘du champ électrique présent dans les ondes d'accélérations émises par les autres éléments de cette charge. On voit le parallélisme qui fait de l'inertie une véritable self-induction du courant de convection correspondant au mouvement de la particule. Il est remarquable qu'on puisse rattacher à une seule et même cause, à la loi qui attribue l'émission des ondes à l'accélération des centres électrisés, des phénomènes aussi profondément différents en apparence que l'induction mutuelle, la self-induction, l'inertie et, comme nous allons le voir, l'émission des ondes hertziennes, de la lumière et des rayons de RÖNTGEN.
 
Ondes hertziennes. — Nous venons de voir que, par suite de l'accélération qu'une variation de courant dans un conducteur implique dans le mouvement des particules électrisées, cette variation s'accompagne de l'émission d'ondes qui se propagent à distance avec la vitesse de la lumière. Leur superposition donne les ondes hertziennes, émises effectivement toutes les fois qu'un circuit est le siège de courants variables et dont la production vient déjà de nous donner l'interprétation des phénomènes d'induction mutuelle et de self-induction. On voit immédiatement que ces ondes émises à distance seront particulièrement intenses, pour une même variation du courant, si le champ électrique a la même direction dans toutes les ondes d'accélération qui se superposent, c'est-à-dire si tous les éléments du circuit sont parallèles entre eux, si toutes les accélérations des particules sont parallèles entre elles; d'où l'emploi d'antennes rectilignes, où circulent des courants rapidement variables, pour obtenir l'émission d'ondes hertziennes intenses. Ces ondes, rencontrant à distance une antenne réceptrice, parallèle au champ électrique qu'elles contiennent, produisent dans celle-ci un courant qui sert à déceler leur passage. Ce courant, véritable courant induit, ne diffère de celui que le circuit primaire d'un transformateur produit dans le secondaire, immédiatement voisin, que par un retard plus grand, correspondant au temps nécessaire à l'onde d'accélération pour franchir avec la vitesse de la lumière la distance qui sépare l'antenne inductrice de l'antenne induite. L'intensité du phénomène induit diminue quand la distance augmente, exactement suivant la loi inverse de la distance que les formules, données plus haut, permettent de prévoir. Également, les réactions mutuelles des deux circuits, qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement du transformateur, cessent d'intervenir dans la transmission hertzienne, où la question du rendement énergétique, que ces réactions dominent, n'a aucune importance. En dehors de ces nuances, le fond des phénomènes est exactement le même : l'excitation d'une antenne réceptrice par l'antenne d'émission n'est qu'un phénomène d'induction mutuelle différé et les ondes d'accélération jouent le même rôle dans un cas que dans l'autre.
 
Rayons de Röntgen. — Le cas des rayons de RÖNTGEN vient apporter à la théorie électromagnétique des ondes d'accélération une confirmation particulièrement frappante, parce que les circonstances de production de ces rayons par arrêt brusque de particules cathodiques, lancées à des vitesses comprises entre 20 000 kilomètres et 100 000 kilomètres par seconde, font intervenir de. la manière la plus nette des changements de vitesse, ou accélérations de particules électrisées. STOKES et WIECHERT ont simultanément proposé, peu de temps après la découverte de RÖNTGEN, de considérer les nouveaux rayons comme constitués par des pulsations électromagnétiques émises dans l'éther au moment de l'arrêt des projectiles cathodiques. Cet arrêt, se produisant sur un très court espace, probablement de l'ordre des dimensions atomiques, ne dure qu'un temps extraordinairement court. Étant donnée la grande vitesse des particules, de même ordre que celle de la lumière, l'épaisseur de la pellicule sphérique rayonnée doit être extrêmement faible, de l'ordre aussi des dimensions atomiques. Cette extrême minceur des pulsations électromagnétiques qui composent les rayons de RÖNTGEN explique immédiatement leur pouvoir pénétrant extraordinaire ainsi que l'absence de réfraction et de diffraction. Conformément à cette théorie, le pouvoir pénétrant, la dureté des rayons RÖNTGEN, augmente avec la vitesse des rayons cathodiques, c'est à dire à mesure que la durée du choc, et par conséquent l'épaisseur des pellicules rayonnées, diminuent. De la même manière, les rayons gamma des corps radioactifs, de propriétés semblables à celles des rayons RÖNTGEN, avec un pouvoir pénétrant beaucoup plus grand encore, correspondraient aux pellicules très minces, émises au moment de l'expulsion ou de l'arrêt des particules cathodiques extraordinairement rapides qui constituent les rayons beta. Une remarque ingénieuse de M. SOMMERFELD est venue apporter une confirmation remarquable à cette conception des rayons de RÖNTGEN. L'expérience montre que, au moins pour une partie, les rayons de RÖNTGEN émis par un tube de CROOKES dans les directions voisines de celle où se propagent les rayons cathodiques, ont un pouvoir pénétrant plus grand que ceux qui sont émis dans les directions opposées. Or, nous avons remarqué plus haut que, si la vitesse du centre électrisé qui subit l'accélération est de même ordre que celle de la lumière, la pellicule rayonnée est plus mince dans la direction de la vitesse que dans la direction opposée. D'où la variation du pouvoir pénétrant qui augmente à mesure que diminue la durée du passage de la pellicule, c'est à dire le temps dont elle dispose pour déplacer les électrons qu'elle rencontre dans la matière et pour leur céder l'énergie qu'elle transporte. La partie des rayons de RÖNTGEN dont il s'agit est précisément celle dont M. BARKLA a montré qu'elle est polarisée, c'est-à-dire qu'elle renferme un champ électrique de direction déterminée par celle des rayons cathodiques incidents, précisément comme notre théorie veut que le champ électrique présent dans l'onde soit lié à la direction de l'accélération. Les rayons de RÖNTGEN et les rayons gamma sont donc de même nature que les ondes hertziennes. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'ondes d'accélération et les différences portent seulement sur la rapidité des mouvements qui entrent en jeu dans les particules électrisées sources de l'émission. Dans le cas des ondes hertziennes, les accélérations varient avec lenteur selon des périodes déterminées par les oscillations électriques des circuits; les longueurs d'ondes correspondantes varient de quelques kilomètres à quelques millimètres. Dans le cas des rayons de RÖNTGEN et plus encore dans celui des rayons gamma, l'accélération se produit et disparaît en un temps de l'ordre de celui que met la lumière à traverser l'étendue d'un atome. Les longueurs d'ondes contenues dans le spectre de ces rayons sont donc de l'ordre des dimensions atomiques, c'est-à-dire, comme le démontrent les expériences de diffraction, bien inférieure au millionième de millimètre, et très probablement comprises entre 10^(-8) et 10^(-9) centimètres.
 
La lumière. — Entre ces deux extrêmes viennent se placer les ondes d'accélération qui constituent la chaleur rayonnante, la lumière visible et l'ultra-violet, avec les longueurs d'ondes comprises entre 1/10 et 1/10.000 de millimètre. Nous devons attribuer l'émission de lumière au mouvement des particules électrisées contenues dans la matière, soit par suite de l'agitation désordonnée des mouvements thermiques, et nous avons alors le spectre continu des corps incandescents, soit par suite des mouvements réguliers de périodes définies intérieurs aux atomes, et nous avons alors les spectres discontinus de bandes et de raies si intimement liés à la nature chimique de la source. Pour prendre un cas très simple, imaginons celui d'une particule électrisée se mouvant suivant une orbite circulaire d'un mouvement uniforme autour d'un centre d'attraction. Cette rotation uniforme implique à chaque instant une accélération dirigée vers le centre, de direction variable, mais de grandeur constante. Il en résulte une émission continuelle d'ondes régulières de période égale à la durée de la révolution. Examinons comment change le caractère de ce rayonnement avec la direction dans laquelle on l'observe. Supposons tout d'abord l'observateur placé dans le plan de l'orbite à grande distance de celle-ci par rapport à son rayon. Le champ électrique de l'onde, d'après ce qui a été dit, est toujours situé dans le plan de l'orbite puisque ce plan contient la direction de visée et celle de l'accélération, et ce champ conserve une direction fixe perpendiculaire à la première de ces deux directions, tout en variant périodiquement comme la projection, à laquelle il est proportionnel, de l'accélération sur le plan d'onde. Cette fixité de direction du champ électrique signifie que le rayonnement électromagnétique observé dans le plan de l'orbite est polarisé rectilignement dans un plan perpendiculaire à celui de l'orbite. Observons maintenant dans une direction perpendiculaire à l'orbite en son centre. La projection de l'accélération sur le plan d'onde parallèle à l'orbite se fait en vraie grandeur et tourne à raison d'un tour par période. On reçoit donc dans cette direction une radiation polarisée circulairement. Dans les directions obliques, on reçoit de la lumière elliptique. On verrait d'une manière analogue qu'une particule animée d'un mouvement d'oscillation périodique suivant une droite émet-trait dans toutes les directions une radiation polarisée rectilignement dans le plan passant par la direction de visée et perpendiculaire à celui qui passe par cette direction et contient la trajectoire rectiligne. La lumière émise par la matière nous apparaît ainsi comme l'écho lointain des changements continuels de vitesse auxquels sont soumis les grains d'électricité intérieurs à cette matière, soit par suite des chocs perpétuels auxquels donne lieu leur mouvement d'agitation thermique, soit par suite de la nécessité d'incurver leurs trajectoires pour rester à l'intérieur des atomes auxquels ils sont liés. Ce rayonnement trahit la présence des centres l'étude de ses propriétés et de ses variations sous diverses influences va nous permettre, sans avoir besoin d'extraire les centres électrisés de la matière qui les contient, d'obtenir sur ceux-ci des renseignements précis, de mesurer leur charge et leur masse que nous trouverons exactement conformes aux résultats fournis par les méthodes directes. Nous allons rencontrer tout cela chemin faisant en étudiant comment la présence de centres électrisés rend compte, non seulement de l'émission, mais encore de l'absorption du rayonnement et des lois de sa propagation à travers les lieux matériels.
 
Le phénomène de Zeeman. — On sait que l'action d'un champ magnétique intense sur une source lumineuse modifie les radiations émises par les atomes qu'elle contient, en décomposant les raies du spectre d'émission de la source en un nombre plus ou moins grand de raies voisines. Le mode de décomposition présente des aspects souvent compliqués, mais dans le cas le plus simple la raie primitive est remplacée par un triplet, quand on observe la lumière émise dans la direction perpendiculaire aux lignes de force du champ magnétique, et par un doublet dans cette direction elle-même. Dans ce dernier cas, les deux composantes du doublet qui remplace la raie primitive sont également écartées de part et d'autre de celle-ci, et sont polarisées circulairement, la plus réfrangible dans le sens où tourne le courant qui produit le champ magnétique, et la moins réfrangible dans le sens opposé. Les composantes du triplet observées dans la direction perpendiculaire sont au contraire polarisées rectilignement. La composante centrale qui coïncide avec la raie primitive est polarisée dans un plan perpendiculaire à .la direction du champ magnétique, et les deux autres composantes, de même longueur d'onde que celles du doublet, sont polarisées dans le plan qui passe par le champ magnétique. L'écart des composantes est d'ailleurs proportionnel à l'intensité du champ magnétique. Tous ces caractères ont été prévus qualitativement et quantitativement par LORENTZ comme conséquence de l'action du champ magnétique sur le mouvement des électrons intérieurs aux atomes. Nous savons en effet que le champ magnétique exerce sur un électron en mouvement une force perpendiculaire à ce champ et à la vitesse, proportionnelle à l'intensité du champ, et de sens variable avec le signe de la charge de l'électron. Cette force modifie le mouvement de l'électron, et par suite le rayonnement qu'il émet. J'envisagerai seulement le cas simple d'un électron gravitant suivant une orbite circulaire autour d'un centre d'attraction. LORENTZ a étudié le cas où la force qui maintient l'électron au voisinage du centre d'attraction est proportionnelle à la distance. En l'absence d'actions extérieures, comme celle du champ magnétique, on sait que le mouvement de circulation possède pour cette loi d'action une période indépendante des conditions initiales du mouvement et, par conséquent, du rayon de l'orbite. Si l'on fait agir un champ magnétique perpendiculaire au plan de l'orbite, la force radiale qui en résulte augmente ou diminue l'attraction vers le centre, selon le sens de la circulation et le signe de la charge en mouve-ment. Il y aura ainsi un accroissement ou une diminution du nombre de révolutions effectuées par seconde, c'est à dire de la fréquence du rayonnement émis. Considérons seulement ceux des atomes présents dans la source lumineuse pour lesquels le plan de l'orbite décrit par l'électron est perpendiculaire à la direction du champ magnétique. La circulation a lieu, à canné de la distribution désordonnée des atomes, dans un sens pour la moitié de ceux que nous considérons, et en sens opposé pour l'autre moitié. Si la charge des électrons est négative, on voit aisément que la fréquence est augmentée par l'action du champ magnétique, pour ceux qui tournent dans le sens du courant producteur du champ, et diminué par les autres. La radiation émise dans la direction du champ magnétique correspondra donc à deux raies spectrales polarisées circulairement, la plus réfrangible dans le sens du courant; l'autre en sens opposé, conformément aux faits. Les électrons qui émettent les raies spectrales décomposées par le champ magnétique suivant le triplet normal de ZEEMAN, sont donc des électrons négatifs. Les deux composantes du doublet ainsi prévu doivent, comme le montre un calcul très simple, être équidistantes de la raie primitive dans l'échelle des fréquences et la différence de fréquence avec la raie primitive est égale pour chacune d'elles à (H*e)/(2*m). L'expérience permet par conséquent, par la mesure du dédoublement produit sous l'action d'un champ magnétique connu H, de calculer le rapport e/m, de la charge à la masse, pour les électrons qui émettent la lumière. Par la valeur de ce rapport comme par leur charge, ces électrons se montrent identiques aux particules cathodiques. Le rapport e/m déduit du phénomène de ZEEMAN par application de la formule précédente se confond en effet dans le cas du triplet normal avec celui qui correspond aux rayons cathodiques ; et il est remarquable que, pour les formes plus complexes du phénomène de ZEEMAN, les changements de fréquence dus au champ magnétique sont dans des rapports simples avec celui qui correspond au triplet normal. Malgré ces relations simples et malgré les efforts de LORENTZ, de RITZ, et d'autres, il a été impossible jusqu'ici de tirer de la théorie des électrons une interprétation entièrement satisfaisante de la manière très complexe dont la plupart des raies spectrales sont modifiées par l'action d'un champ magnétique sur la source qui les émet. Nous trouvons ici un premier exemple des difficultés que rencontre la théorie électromagnétique, complétée par l'hypothèse des électrons, lorsque Dons voulons l'appliquer aux phénomènes infra-atomiques et au rayonnement qui en résulte.
 
L'absorption sélective. — La présence d'électrons en mouvement dans la matière, qui permet à celle-ci d'émettre un rayonnement, lui permet aussi d'absorber les radiations qui la traversent : le champ électromagnétique présent dans l'onde exerce sur ces électrons des forces par l'intermédiaire desquelles l'énergie du rayonnement se transforme en énergie de mouvement des électrons, et ultérieurement par l'intermédiaire des chocs en énergie d'agitation thermique des atomes. Les électrons en mouvement périodique régulier qui nous ont servi à expliquer l'émission sélective des raies spectrales expliquent en même temps l'absorption sélective des radiations de période égale à celle de leur mouvement par un phénomène de résonance. Toute action, comme celle d'un champ magnétique extérieur, qui modifie les périodes propres de ces mouvements intra-atomiques, modifie la position des raies des spectres d'absorption. Ceux-ci doivent par conséquent donner lieu à des phénomènes de ZEEMAN d'absorption. Cette prévision concorde avec les faits expérimentaux observés par M. Jean BECQUEREL sur les cristaux, et par M. DUFOUR sur les gaz. Mais la complexité des dédoublements est .souvent ici plus grande encore que pour les spectres d'émission.
 
Le diamagnétisme. — L'hypothèse introduite par LORENTZ d'électrons soumis à une action proportionnelle à la distance conduit à une théorie particulièrement simple du phénomène de ZEEMAN, parce que la période du mouvement y est indépendante des conditions initiales. Il n'est pas nécessaire dans ce cas d'examiner ce qui se passe pendant l'établissement du champ magnétique, et il suffit de comparer les périodes avant et après la création de ce champ sans se préoccuper du changement qui a pu en résulter dans le rayon des orbites. En tenant compte de l'action du champ électrique induit pendant la variation du champ magnétique, j'ai pu montrer que le résultat obtenu par LORENTZ subsiste quelle que soit la loi d'action qui maintient l'électron sur sa trajectoire circulaire, et que le rayon de celle-ci n'est pas changé par l'établissement d'un champ. Seule la vitesse de circulation est modifiée. Conformément à la loi de LENZ, elle est augmentée sous l'action du champ électrique induit pour un électron négatif tournant dans le même sens que le courant producteur du champ magnétique, et diminuée pour un électron négatif tournant en sens inverse. D'où, dans tous les cas, une variation de fréquence (H*e)/(2*m), conforme aux résultats de LORENTZ. De plus, notre résultat donne l'explication, au moins dans le cas simple des actions centrales, des phénomènes diamagnétiques, et les montre connexes du phénomène de ZEEMAN. En effet, le champ magnétique produit par l'électron en mouvement en raison de sa vitesse est exactement en moyenne celui que produirait un courant circulant suivant l'orbite, un courant particulaire d'AMPERE. La création d'un champ magnétique modifie seulement, d'après ce qui précède, l'intensité de ces courants, proportionnels à la vitesse des électrons, sans modifier leur forme. Il modifie donc leur moment magnétique, et comme le montrent les règles de sens indiquées plus haut, diminue les moments dirigés dans le sens du champ magnétique et augmente ceux du sens opposé. Si les courants particulaires présents dans un même atome sont tels que leur moment magnétique résultant soit nul en l'absence de champ magnétique extérieur, on voit que la création de ce champ aura pour effet de donner à l'atome un moment magnétique de direction opposée à celle du champ, c'est à dire qu'il polarisera ,la substance dans le sens diamagnétique. Cette explication se poursuit quantitativement et montre comment la petitesse des phénomènes diamagnétiques résulte de la petitesse des dimensions atomiques.
 
Le paramagnétisme. — Si les courants particulaires présents dans un atome ont un moment résultant différent de zéro, la substance composée d'un grand nombre de ces aimants moléculaires ne présente, à cause de l'agitation thermique désordonnée, aucun moment résultant, aucune aimantation d'ensemble, en l'absence d'un champ magnétique extérieur, puisque les atomes possèdent indifféremment toutes les orientations possibles. Mais quand on établit un champ, il se produit un effet qui n'intervenait pas dans le cas précédent, où le moment résultant de chaque atome était nul. Il y a maintenant une action du champ magnétique tendant à orienter dans sa direction chaque aimant moléculaire. En l'absence d'agitation thermique tous ces petits aimants se disposeraient parallèlement les uns aux autres, et la substance prendrait une aimantation intense. Les mouvements de rotation, d'autant plus énergiques que la température est plus élevée; s'opposent à cette tendance et le champ magnétique réussit seulement à faire prédominer l'orientation qu'il favorise, d'autant plus qu'il est plus intense et que la température est plus basse. C'est là l'explication des phénomènes de paramagnétisme. A cette aimantation dans le sens du champ magnétique extérieur, due à l'orientation des aimants moléculaires, se superpose un diamagnétisme dû à la modification, étudiée au paragraphe précédent, du mouvement des électrons sur leur orbite sous l'action du champ extérieur. Mais ce diamagnétisme est masqué par l'autre effet beaucoup plus intense en général. Enfin, M. WEISS a montré comment l'orientation parallèle des aimants moléculaires peut être énormément facilitée par leurs actions mutuelles, et il a obtenu ainsi une représentation des propriétés ferromagnétiques.
 
Propagation des ondes dans la matière. — Nous avons vu que la propagation des ondes dans le vide se fait avec une vitesse déterminée, égale à 300 000 kilomètres par seconde, quelle que soit la perturbation d'où l'onde a résulté ; autrement dit il n'y a pas de dispersion dans le vide. Des ondes périodiques se propagent avec la même vitesse quelle que soit la période. Ce phénomène simple de la propagation dans le vide fait intervenir uniquement les deux propriétés fondamentales de l'éther traduites par les deux lois corrélatives de génération mutuelle des champs électrique et magnétique. Les choses se compliquent lorsqu'une radiation traverse la matière, à cause de la présence des centres électrisés dans celle-ci. Examinons 'd'abord le cas le plus simple, celui d'une onde périodique traversant un milieu transparent, c'est à dire dans lequel aucune portion de l'énergie incidente ne sera transformée, par les chocs des électrons que l'onde agite, en rayonne-nient de périodes différentes et finalement en rayonnement ou en agitation thermique. Nous supposerons seulement des électrons liés chacun à une position d'équilibre, tels que nous les avons admis dans les milieux isolants. L'onde incidente, par les forces électrique et magnétique qu'elle exerce sur ces électrons, les met en mouvement, leur communique des accélérations, en vertu desquelles ils rayonnent à leur tour. Et c'est la superposition à l'onde primitive des myriades de petites ondes ainsi engendrées qui crée toute la complexité des phénomènes optiques dans les milieux matériels. Supposons tout d'abord qu'un train d'ondes arrive, limité avant par un front qui se propage dans le vide avec la vitesse de la lumière. Ce front continuera dans le milieu matériel, où les électrons n'occupent qu'un volume négligeable, à se propager avec la même vitesse, mais avec une intensité progressivement décroissante. En effet, les électrons que le front d'onde atteint prennent des accélérations dans la direction du champ électrique présent dans le front de l'onde. Les petites ondes sphériques qui en résultent admettent ce front d'onde comme enveloppe et y produisent en vertu de la loi indiquée qui relie le rayonnement à l'accélération, des champs électrique et magnétique de sens opposés à ceux du rayonnement incident. D'où un affaiblissement progressif du front de l'onde, assez rapide pour qu'aucune portion appréciable de l'énergie incidente ne se propage d'ordinaire dans la matière avec la vitesse de la lumière dans le vide. Si le train d'ondes est régulier, un régime permanent s'établit bientôt dans lequel chaque électron prend un mouvement périodique, de même période que la radiation incidente, et rayonne aussi avec cette même période dans toutes les directions. Aucun rayonnement de période différente ne pouvant être émis par ce mécanisme, il n'y a pas d'absorption mais seulement changement possible dans la direction où se propage l'énergie rayonnante représentée par l'ensemble de toutes les petites ondes qu'émettent les électrons. Conformément à la remarque de MAXWELL, les milieux isolants sont en même temps des milieux transparents. Si la distribution des molécules matérielles est parfaitement régulière, comme dans un réseau cristallin par exemple, les petites ondes ne sont concordantes que dans une ou deux directions bien déterminées dans chaque milieu mono ou biréfringent selon sa symétrie intérieure. Dans les autres directions les petites ondes se compensent exactement par interférence mutuelle. La perturbation qui arrive en un point a parcouru dans la matière un trajet compliqué, elle résulte de la superposition à l'onde incidente, non seulement des petites' ondes provoquées directement par elle, mais encore de tout ce que ces petites ondes produisent à leur tour par le même mécanisme, et ainsi de suite indéfiniment. On conçoit, dans ces conditions, que la longueur d'onde, ou distance entre cieux plans d'ondes sur lesquels le milieu se' retrouve dans le même état, soit autre dans le milieu matériel que dans le vide pour la même période de la perturbation régulière. Le quotient de cette longueur d'onde par la période représente ce qu'on appelle la vitesse de propagation de la phase, égale dans le vide à la vitesse du front de l'onde et généralement inférieure dans la matière. Le rapport de ces deux vitesses donne l'indice de réfraction correspondant à la période considérée. C'est lui qui détermine, quand Sin train d'ondes périodiques traverse la surface de séparation de cieux milieux, le changement dans la direction de propagation et la manière dont l'énergie incidente se partage entre la radiation qui traverse la surface et celle qui se réfléchit dans le premier milieu. On conçoit aisément comment cette onde réfléchie correspond à la superposition dans ce premier milieu de toutes les petites ondes émises par les grains d'électricité présents dans le second et agités par l'onde incidente. Pour le second milieu, nous avons dit comment la superposition de ces petites ondes à la radiation incidente donne naissance à un ou deux rayons réfractés. On comprend immédiatement d'où proviendra la dispersion, c'est à dire la variation avec la période de cette vitesse de propagation de la phase dans le milieu matériel, et des phénomènes de réflexion et de réfraction qu'elle détermine. Chaque particule électrisée liée à une position d'équilibre possède une période propre d'oscillation autour de cette position, période déterminée par la masse de la particule et par la rigidité du lien qui l'attache à sa position d'équilibre. Sous l'action du champ électrique périodiquement variable de l'onde incidente, la particule prend en régime permanent un mouvement forcé de période égale à celle du rayonnement incident, mais dont l'amplitude et la phase varient suivant que cette période s'écarte plus ou moins de la période propre des mouvements libres de l'électron, conformément à la théorie générale des phénomènes de résonance. Dans ces conditions, l'amplitude et la phase des petites ondes émises par les électrons par rapport aux éléments correspondants de la radiation incidente varient avec la période de celle-ci. D'où le phénomène de dispersion dans lequel le rôle essentiel est joué par les périodes propres, variables d'une substance à l'autre, des oscillations qu'effectuent librement les centres électrisés autour de la position d'équilibre. Pour une période propre déterminée, l'importance des ondes qu'émet un électron sous l'action d'un rayonnement de période et d'amplitude données, augmente avec la charge de l'électron à laquelle la force extérieure exercée par l'onde est proportionnelle et diminue avec sa masse à laquelle est inversement proportionnelle l'accélération prise. La loi théorique de dispersion fait intervenir ainsi, pour chaque période propre, le nombre de particules électrisées qui lui correspondent dans chaque molécule ainsi que le rapport de leur charge à leur masse. La comparaison des formules théoriques avec la loi expérimentale de dispersion permettra donc, non seulement la détermination des périodes propres, mais aussi pour chaque période propre, comme l'a montré DRUDE, celle du nombre et de la nature des particules électrisées correspondantes. Le résultat le plus remarquable de cette comparaison est que pour toutes les substances transparentes étudiées, les périodes propres ultraviolettes font intervenir, dans chaque molécule, des électrons identiques par le rapport de leur charge à leur masse aux corpuscules cathodiques et en nombre égal au nombre des valences chimiques échangées entre les atomes qui composent la molécule. Ainsi que le phénomène (le ZEEMAN, la dispersion nous confirme l'existence de corpuscules cathodiques comme constituants communs à tous les atomes matériels. Une confirmation nouvelle va nous être apportée par le phénomène de polarisation rotatoire magnétique dans la découverte es due à FARADAY, et que l'interprétation suivante va nous montrer connexe du phénomène de ZEEMAN et. du diamagnétisme : Sous l'action d'un champ magnétique extérieur, nous avons vu que, dans le cas le plus simple, les périodes propres des électrons sont modifiées, la fréquence correspondant aux mouvements circulaires étant augmentée ou diminuée de (H*e)/(2*m) selon le sens de la circulation. D'après la théorie de la dispersion, pour une période donnée de la radiation incidente, tout changement dans la période propre doit se traduire par un changement d'indice, c'est à dire par un changement dans la vitesse de propagation de la phase. Il résulte qu'en présence d'un champ magnétique, deux radiations se propageant dans la direction des lignes de force du champ avec une même période, et polarisées circulairement dans des sens opposés, ne se propageront pas de la même manière, puisque l'une fera tourner les électrons dans le sens correspondant à un accroissement de fréquence propre, et l'autre dans le sens qui correspond à une diminution de cette même fréquence. On sait que cette différence entre les vitesses de la phase, pour les deux circulaires dans lesquels on peut décomposer toute radiation polarisée rectilignement, se traduit par une rotation du plan de polarisation. La formule théorique traduisant le raisonnement qui précède a permis à M. SIERTSEMA de montrer que les électrons auxquels est dis le pouvoir rotatoire magnétique se confondent encore avec les corpuscules cathodiques. Avant de voir comment le rayonnement peut nous renseigner, non seulement sur le rapport de la charge à la masse, mais encore sur la valeur absolue de la charge, et par conséquent sur la masse des particules électrisées présentes dans la matière, je voudrais dire encore un mot sur les diverses vitesses que fait intervenir la propagation du rayonnement dans les milieux matériels. Dans le vide, où la dispersion n'existe pas, une seule vitesse intervient. Une perturbation quel-conque s'y propage sans déformation à raison de 300 000 kilomètres par seconde. Dans la matière, au contraire, nous avons déjà distingué deux vitesses: celle du front de l'onde et celle de la phase. Le front se propage avec la même vitesse que dans le vide, niais avec une amplitude si rapidement décroissante qu'elle devient généralement insensible après un chemin très court. II n'y a donc aucun espoir, dans les cas autres que ceux des rayonnements très pénétrants comme les rayons RÖNTGEN et les rayons y, de mettre en évidence cette propagation d'un front à travers toute matière avec la vitesse de la lumière dans le vide. Les phénomènes de réfraction ou d'interférence, qui correspondent à un régime permanent de propagation d'un train d'ondes périodiques, ne permettent d'atteindre que la vitesse de propagation de la phase. Toute modification dans la régularité du rayonnement incident, tout changement dans l'amplitude du phénomène périodique, se propagera dans les milieux matériels avec une troisième vitesse, distincte des deux précédentes, comme l'ont montré Lord RAYLEIGH et M. GOUY, et qui est la vitesse de propagation de l'amplitude ou du groupe. Cette vitesse est déterminée par la loi de dispersion. C'est elle que permettent d'atteindre les mesures directes de vitesse de la lumière, comme celle imaginée par FOUCAULT et appliquée par lui à la propagation dans divers milieux matériels.
 
Le bleu du ciel. — Nous avons supposé jusqu'ici la distribution des molécules dans le milieu matériel assez régulière pour que les petites ondes émises par chacune d'elles se compensent mutuellement par superposition dans les autres directions que celles de la propagation régulière. Si cette distribution est soumise, par suite de l'agitation thermique, à des irrégularités, à des fluctuations conformes aux lois du hasard, cette compensation n'aura plus lieu et \il en résultera une diffusion de lumière dans toutes les directions, donnant naissance à la coloration bleue que prend l'atmosphère traversée par la radiation solaire quand on regarde dans les directions autres que celle où cette radiation se propage, ainsi qu'à l'opalescence présentée par les fluides au voisinage d'un point critique. Dans un cas comme dans l'autre, les circonstances sont favorables à la production d'irrégularités dans la distribution des molécules. Dans les gaz, comme l'air en particulier, où le volume total est considérable par rapport à celui qu'occupent réellement les molécules, celles-ci ont la place de se mouvoir librement et de donner lieu selon les lois du hasard à des condensations et à des raréfactions locales. Pour voir l'effet qui en résulte et prévoir les propriétés de la lumière diffusée par le ciel, prenons le cas simple où un observateur regarde dans une direction perpendiculaire à celle du rayonnement solaire. Nous pouvons décomposer la portion de celui-ci correspondant à la longueur d'onde lambda en une partie polarisée rectilignement dans le plan passant par la direction de visée, et en une autre de même amplitude, puisque la radiation est naturelle, polarisée perpendiculairement à ce plan. Pour cette seconde partie, le champ électrique perpendiculaire au plan de polarisation se trouve dans la direction de visée, ainsi, par conséquent, que les accélérations communiquées par lui aux électrons. Nous avons vu qu'un électron soumis à une accélération ne rayonne rien dans la direction de celle-ci : l'observateur ne recevra donc aucun rayonnement diffusé correspondant à cette seconde partie du rayonnement solaire. L'autre partie, pour laquelle le champ électrique est perpendiculaire au plan de polarisation passant par la direction de visée et par celle où se trouve le soleil, donnera lieu à des accélérations et par suite à un champ électrique dans la direction de visée, pour les petites ondes rayonnées par les électrons. Tous ces champs émis individuellement par les électrons présents dans les molécules d'air auront donc la même direction, mais des sens variables à un même instant avec la distance de ces mêmes électrons à l'oeil de l'observateur. S'ils ne se compensent pas, en raison des irrégularités de distribution des molécules, leur résultante aura nécessairement leur direction commune, c'est à dire que la lumière venant du ciel dans une direction perpendiculaire à celle du soleil doit être polarisée dans le plan qui passe par la direction de visée et par celle où se trouve le soleil. C'est bien ce que donne l'expérience. De même la théorie prévoit, conformément aux faits, une polarisation partielle de la lumière du ciel dans les directions obliques à celles du rayonnement solaire. Comparons l'énergie rayonnée dans la direction de visée par les électrons contenus dans les N molécules d'un élément de volume, à celle qu'ils rayonnent dans la direction principale de propagation. Dans cette dernière direction, les petites ondes sont cohérentes, leurs champs électriques sont tous égaux entre eux, leur somme est proportionnelle à N et par conséquent, l'énergie rayonnée, proportionnelle au carré du champ, est proportionnelle à N^2 ; dans la direction de visée les petites ondes qui arrivent ont même amplitude, mais des phases distribuées au hasard de la distribution des molécules. La loi des probabilités montre que la valeur la plus probable pour la somme de N éléments égaux, mais de signes distribués au hasard, est proportionnelle à racine de N. L'énergie rayonnée dans cette direction, encore proportionnelle au carré de l'amplitude, sera donc proportionnelle à N. D'où ce résultat important que le rapport entre l'éclat du ciel et celui du soleil est proportionnel à N/(N^2), c'est-à-dire en raison inverse du nombre de molécules contenues dans une masse déterminée de gaz. La comparaison expérimentale des deux éclats du soleil et du ciel donne donc un moyen imprévu d'atteindre la structure moléculaire de la matière; la lumière diffusée par le ciel doit être d'autant plus intense que le grain moléculaire est plus grossier, c'est à dire que le nombre N est plus petit. Les valeurs obtenues par ce procédé pour la constante d'AVOGADRO, pour le nombre des molécules dans une molécule-gramme, sont bien d'accord avec celles que fournissent les autres procédés. La lumière diffusée par le ciel, donnant le nombre d'AVOGADRO, donne par là même la charge atomique, c'est à dire la charge e d'un électron. Enfin il est facile de voir que la proportion de la lumière solaire diffusée par le ciel varie en raison inverse de la quatrième puissance de la longueur d'onde et est, par conséquent, beaucoup plus importante dans l'extrémité bleue que dans les régions réfrangibles du spectre, de sorte que le bleu prédomine dans la radiation diffusée. Représentons par A*sin(2*Pi*nu*t) le champ électrique d'une radiation incidente de fréquence nu, en un point déterminé du milieu. L'énergie de cette radiation incidente est proportionnelle au carré e de l'amplitude du champ électrique. Agissant sur un électron lié à une position d'équilibre, ce champ détermine un déplacement proportionnel à son intensité, dans la mesure au moins où l'inertie de l'électron ne joue pas de rôle appréciable, c'est à dire où la période propre du mouvement de l'électron est courte par rapport à celle de la radiation. C'est le cas pour l'air, dont la loi de dispersion ne fait intervenir que des périodes propres situées très loin dans l'ultraviolet, et c'est le cas, de manière plus générale, pour les substances qui, comme l'air vérifient pour la période de radiation considérée la relation d'égalité indiquée par MAXWELL entre le pouvoir inducteur spécifique et le carré de l'indice de réfraction. Si le déplacement est proportionnel à la valeur actuelle du champ A*sin(2*Pi*nu*t), l'accélération du mouvement de l'électron, donnée par la dérivée seconde du déplacement par rapport au temps, est proportionnel à A*(nu^2). L'énergie diffusée dans une direction oblique sera, pour une distribution donnée des molécules, proportionnelle au carré de l'accélération, c'est-à-dire (A^2)*(nu^4). Le rapport de l'énergie diffusée à l'énergie incidente est donc proportionnel à la quatrième puissance de la fréquence, c'est-à-dire en raison inverse de la quatrième puissance de la longueur d'onde. La théorie nous permet ainsi d'expliquer qualitativement et quantitativement tous les caractères de la lumière diffusée par le ciel, comme état de polarisation, comme intensité et comme composition spectrale.
 
Le rayonnement thermique. — Nous allons trouver un moyen nouveau d'atteindre la charge individuelle du grain d'électricité en étudiant la composition spectrale du rayonnement noir. Nous nous heurterons aussi à des difficultés sous une forme plus nette encore que dans le cas du phénomène de ZEEMAN. On sait, depuis KIRCHHOFF, qu'à l'intérieur d'une enceinte en équilibre thermique se propagent dans toutes les directions des radiations dont l'intensité pour chaque longueur d'onde est indépendante de la matière qui constitue les parois de l'enceinte. Ce résultat, exigé par la Thermodynamique, impose une relation entre les pouvoirs émissif et absorbant de la matière pour chaque longueur d'onde de la radiation. L'établissement de l'équilibre de rayonnement, avec une densité finie d'énergie pour chaque région du spectre, exige en effet que la matière présente dans l'enceinte puisse à la fois émettre et absorber les radiations correspondantes. L'émission sans absorption impliquerait une accumulation indéfinie et l'absorption sans émission une disparition progressive d'énergie. Quand l'une et l'autre existent à la fois, un régime permanent s'établit, soumis à la condition que le rayonnement émis pendant un temps donné compense exactement le rayonnement absorbé, et ceci pour chaque étendue si petite qu'elle soit du spectre. Le rayonnement présent quand cet équilibre est atteint est naturellement d'autant plus intense que le pouvoir émissif est plus grand et le pouvoir absorbant plus faible; de manière plus précise, la densité d'énergie rayonnante est déterminée par le rapport du pouvoir émissif au pouvoir absorbant. Il est donc nécessaire, pour que le rayonnement thermique puisse être indépendant de la nature de la substance, que le rapport du pouvoir émissif au pouvoir absorbant pour chaque longueur d'onde soit le même pour tous les corps à la même température. Chaque mécanisme capable de nous donner une représentation des échanges d'énergie entre la matière et l'éther par émission et absorption de rayonnement doit nous permettre de calculer les pouvoirs émissifs et absorbants qui lui correspondent et, par conséquent, de prévoir l'intensité du rayonnement thermique dans une enceinte en équilibre de température. Et le résultat doit être indépendant du mécanisme considéré. La présence d'électrons libres, tels que ceux auxquels les métaux doivent leur conductivité, nous fournit un mécanisme simple d'émission et d'absorption. Si nous admettons qu'à une température donnée les électrons présents dans le métal s'agitent, conformément aux principes généraux de la théorie cinétique, avec une force vive moyenne égale à celle d'une molécule gazeuse à la même température, et si, d'autre part, chaque électron subit des chocs continuels contre les atomes du métal, les accélérations qui correspondent à ces chocs se traduisent par une émission de rayonnement conformément à la loi générale qui relie l'émission des ondes à l'accélération. Nous connaissons donc le rayonnement global émis par une lame métallique, grâce aux électrons libres qu'elle renferme, et nous pouvons, en décomposant ce rayonnement par la méthode de FOURIER, calculer pour chaque longueur d'onde le pouvoir émissif de la lame à la température considérée. Ce calcul a été fait par LORENTZ pour les radiations dont la période est longue par rapport à la durée moyenne du libre parcours des électrons entre deux chocs. Le pouvoir émissif obtenu fait intervenir le nombre des électrons par unité de volume, leur vitesse, et cette durée moyenne du libre parcours. Le pouvoir absorbant de la lame, d'autre part, tient à ce que, comme nous l'avons déjà vu, le champ électrique présent dans une onde incidente agite les électrons libres dans le métal, y produit des courants, et l'accroissement de violence des chocs qui en résulte échauffe le métal aux dépens de l'énergie incidente. Le pouvoir absorbant est déterminé par la conductibilité du métal, calculable aussi à partir du nombre des électrons libres, de leur vitesse moyenne d'agitation, et de leur libre parcours. Les éléments variables avec la nature du métal disparaissent, comme le veut la Thermodynamique, quand on fait le quotient du pouvoir émissif par le pouvoir absorbant pour une même longueur d'onde lambda, et l'on en déduit, pour la densité en volume de l'énergie rayonnante comprise entre deux longueurs d'onde lambda et lambda + d(lambda), à l'intérieur d'une enceinte en équilibre thermique à la température T,
 
(5) [(8*Pi*R*T)/(N*(lambda^4))]*d(lambda)
 
R étant la constante des gaz parfaits pour une molécule-gramme et N le nombre d'AVOGADRO. La loi ainsi obtenue, connue sous le nom de loi de Rayleigh-Jeans, est bien conforme aux faits pour les grandes longueurs d'onde; elle représente bien le rayonnement thermique dans l'infrarouge. La comparaison de la formule avec l'expérience permet par conséquent une détermination du nombre N et par suite de la charge de l'électron e. Il est remarquable que les mesures d'intensités du rayonnement thermique émises par une enceinte en équilibre de température permettent d'atteindre aussi directement la grandeur absolue du grain d'électricité. Le raisonnement qui précède nous permet de comprendre la raison de ce fait. Les accélérations des électrons présents dans un métal sont déterminées par l'agitation thermique dont l'intensité, entièrement définie par la température, est indépendante de la charge portée par l'électron. L'énergie rayonnée, d'après la formule (4), variera avec la charge e proportionnellement au carré de celle-ci. Toutes choses égales d'ailleurs, le pouvoir émissif du métal est donc proportionnel au carré de la charge individuelle des électrons qu'il contient. D'autre part la conductibilité du métal, à laquelle le pouvoir absorbant est proportionnel, varie comme la charge de l'électron, c'est-à-dire comme la force exercée sur lui par le champ électrique qui produit le courant. Le rapport du pouvoir émissif au pouvoir absorbant, et par suite la densité du rayonnement thermique, est donc proportionnel à la charge individuelle des électrons, à la charge atomique, c'est à dire inversement proportionnel au nombre d'AVOGADRO. Le fait, exigé par la Thermodynamique, que la densité du rayonnement est indépendante pour une même température de la matière qui constitue l'enceinte, exige par conséquent que les électrons libres aient la même charge quelle que soit la matière qui les contient. L'équilibre thermodynamique ne serait pas possible s'il en était autrement.
 
(à suivre)