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[[Catégorie:Théâtre de Regnard]]
{{Titre|Les Chinois|[[Auteur:Jean-François Regnard|Jean-François Regnard]] et [[Auteur:Charles Dufresny|Charles Dufresny]]|1692}}
==__MATCH__:[[Page:Regnard - Œuvres complètes, tome sixième, 1820.djvu/9]]==
{{t3|AVERTISSEMENT SUR LES CHINOIS.}}
Cette pièce est la première que Regnard ait faite en société avec Dufresny : elle parut pour la première fois le 13 décembre 1692.
Regnard, qui n’avoit encore travaillé que pour le Théâtre italien, paroît avoir eu pour but principal de faire rire aux dépens des comédiens françois, et de faire consacrer l’ironie par le jugement du public. Mais l’objet du triomphe des Italiens n’est pas propre à exciter la jalousie de leurs adversaires, ni le motif de la décision du parterre propre à les affliger. Isabelle, adjugée à l’acteur italien, est une fille licencieuse dans ses propos, et qui s’annonce comme ne voulant pas être plus réservée dans sa conduite ; en sorte que celui à qui on la refuse semble plus heureux que celui qui l’obtient. Pour le parterre, il se décide en faveur d’Octave, parce que la troupe italienne ne lui fait jamais payer que quinze sous, et qu’elle lui a donné la comédie gratis à la prise de Namur. Des motifs aussi ridicules montrent assez que les comédiens italiens ne pouvoient prétendre à la préférence, ni par leurs talents, ni par les pièces de leur théâtre.
La fin de cette pièce a fait remarquer que les comédiens ne prenoient encore que quinze sous au parterre, et que l’usage de donner la comédie gratis dans les réjouissances publiques étoit déjà établi. On peut, d’après la même scène, ajouter à ces remarques, qu’aux loges et au théâtre il n’en coûtoit que trente sous, et que les Italiens ne doubloient pas le prix des places à leurs premières représentations.
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{{A|Le théâtre représente le mont Parnasse, sur le sommet duquel est Pégase, sous la figure d’un âne aile. On entend un concert ridicule, intenorapu de temps en temps par l’âne qui se met à braire.)}}
{{scène|I}}
{{acteurs|Apollon, Thalie}}
{{Personnage|Apollon|c}}
Qui rend donc Pégase si hargneux
{{Personnage|Thalie|c}}
Ne vous souvenez-vous pas que ce n’est plus moi qui le panse
{{Personnage|Apollon|c}}
C’est sa faute. Pourquoi se laisse-t-il monter par le premier venu
{{Personnage|Thalie|c}}
Il est vrai que c’est la monture banale de tous les regrattiers du Parnasse
{{Personnage|Apollon|c}}
Puisqu’on a mis Pégase sur le pied d’un cheval de louage, c’est aux auteurs qui le louent à le nourrir.
{{Personnage|Thalie|c}}
Et comment voulez-vous que les auteurs nourrissent un cheval
{{Personnage|Apollon|c}}
Ils m’ont promis qu’ils ne feroient plus que de bonnes pièces
{{Personnage|Thalie|c}}
Il est vrai que les auteurs et les comédiens sont du naturel des bécasses
{{Personnage|Apollon|c}}
Le public a tort. Mais, à propos de sottises, qu’est-ce qu’une certaine pièce que les comédiens italiens ont affichée
{{Personnage|Thalie|c}}
C’est pour l’ordinaire le plus beau de leurs pièces
{{Personnage|Apollon|c}}
Apparemment que le dernier acte est le meilleur de tous.
{{Personnage|Thalie|c}}
Je ne crois pas pour cela qu’il soit bon
{{Personnage|Apollon|c}}
II est naturel de se réjouir des coups de dent que reçoivent ceux qui nous ont mordus, et je suis bien aise que les comédiens commencent à se rendre justice, et à tourner contre eux-mêmes les traits dont ils ont piqué les autres
{{Personnage|Thalie|c}}
Vraiment, ils ont bien fait pis
{{scène|II}}
{{acteurs|Apollon, Thalie, Une Muse}}
{{Personnage|La Muse|c}}
Il y a une petite fille qui demande à parler à Apollon.
{{scène|III}}
{{acteurs|Une Petite Fille,Apollon, Thalie}}
{{Personnage|La Petite Fille|c}}
N’est-ce pas vous, monsieur, qui êtes le seigneur de ce village-là, et qui vous appelez Apollon
{{Personnage|Apollon|c}}
Oui, belle mignonne. Qu’y a-t-il pour votre service
{{Personnage|Thalie|c}}
Voilà un tendron qui ne seroit pas mauvais pour remeubler le Parnasse, à la place de quelque Muse surannée.
{{Personnage|La Petite Fille|c}}
Je me suis échappée de chez nous pour vous faire une prière. J’aime la Comédie italienne à la folie, et ma bonne maman ne veut pas m’y mener.
{{Personnage|Thalie|c}}
C’est une folle. Il faut y aller sans elle
{{Personnage|Apollon|c}}
Votre mère a tort, ma belle enfant, de vous priver du plaisir le plus agréable et le plus innocent qu’il y ait aujourd’hui.
{{Personnage|Thalie|c}}
Assurément. Si j’étois mère, j’aimerois mieux que ma fille allât tout un hiver à la Comédie, qu’une fois au bois de Boulogne pendant la sève du mois de mai.
{{Personnage|La Petite Fille|c}}
Oh
{{Personnage|Apollon|c}}
La comédie forme l’esprit, élève le cœur, ennoblit les sentiments
{{Personnage|La Petite Fille|c}}
Oh
{{Personnage|Apollon|c}}
Mais quelle raison votre mère a-t-elle pour ne pas vous mener aux Italiens
{{Personnage|La Petite Fille|c}}
Elle dit qu’il y a quelquefois des paroles un peu libres
{{Personnage|Thalie|c}}
II y a tout plein de mères de ce naturel-là
{{Personnage|Apollon|c}}
Je ne sais pas quels peuvent être ces mots libertins qui effarouchent tant la maman. Pour moi, je n’y vois que des mots tout pleins de sel, qui, à la vérité, sont quelquefois à double entente
{{Personnage|La Petite Fille|c}}
Oh, dame
{{Personnage|Thalie|c}}
Cocu, peut-être
{{Personnage|La Petite Fille|c}}
Vous l’avez dit.
{{Personnage|Apollon|c}}
Et votre mère se scandalise de ce mot-là
{{Personnage|La Petite Fille|c}}
Assurément. Oh, dame
{{Personnage|Thalie|c}}
C’est que votre mère ne sait pas sa langue. Dans le nouveau dictionnaire, imprimé à Paris, ces mots-là sont synonymes, cocu marié, marié cocu, cela s’appelle jus vert, vert jus.
{{Personnage|La Petite Fille|c}}
Pour moi je n’entends point de mal là-dessous
{{Personnage|Thalie|c}}
Oh
{{Personnage|Apollon|c}}
Je vous assure, la belle, que désormais les mères seront contentes, et que je vais de ce pas vous mener avec moi chez les Italiens, où j’assemblerai les comédiens, et je leur ordonnerai de rayer de leurs comédies tous les mots trop éveillés, et notamment tous les cocus qu’il y aura.
{{Personnage|Thalie|c}}
Ne vous avisez pas de cela, monsieur. Si les comédiens rayoient de leurs comédies tous les cocus, ils balafreroient peut-être le père de mademoiselle, et pour lors ils auroient sur le dos deux personnes au lieu d’une.
{{Personnage|La Petite Fille|c}}
Ah
{{Personnage|Thalie|c}}
Donnez-vous-en bien de garde. Pour une femme qui aime la réforme, il y en a mille qui ne la sauroient souffrir
{{scène|IV}}
{{acteurs|Thalie, Apollon, Un Comédien, Un Auteur}}
{{PersonnageD|L’Auteur|c|tirant par la main le Comédien qui est à moitié habillé. }}
Non, monsieur, vous ne jouerez pas ma pièce aujourd’hui, et je vais vous le faire défendre par la Muse de la comédie.
{{Personnage|Le comédien|c}}
II n’y a Muse qui tienne
{{scène|V}}
{{acteurs|Thalie, Apollon, l’Auteur}}
{{Personnage|L’Auteur|c}}
{{didascalie|aux pieds de Thalie.|c}}
Ah
{{Personnage|Thalie|c}}
Cent personnes
{{Personnage|L’Auteur|c}}
Je ne demande que huitaine pour tout délai.
{{Personnage|Thalie|c}}
Mais dans huit jours, croyez-vous en être quitte à meilleur marché
{{Personnage|L’Auteur|c}}
Assurément
{{Personnage|Thalie|c}}
À vous entendre, monsieur l’Auteur, je parierois que votre pièce ne vaut pas grand’chose.
{{Personnage|L’Auteur|c}}
Hélas
{{Personnage|Thalie|c}}
Allons, allons, courage
{{Personnage|L’Auteur|c}}
Ma comédie n’est pas même achevée
{{Personnage|Thalie|c}}
Pourvu qu’il n’y ait que ce défaut-là, vous n’êtes pas à plaindre. C’est moi qui fais les lois de la comédie, et j’ordonne que ce prologue-ci passera pour un acte.
{{Personnage|L’Auteur|c}}
Ah, maudite comédie
{{scène|VI}}
{{acteurs|Thalie}}
{{didascalie|au parterre.|c}}
{{Personnage|La Muse|c}}
Messieurs, vous voyez bien que ce poète-ci n’a pas besoin de fort hiver. Si vous le carillonnez selon votre bonne et louable coutume, je vous le garantis défunt dans un quart d’heure
{{acte|I}}
{{didascalie|Le Théâtre représente une salle bien meublée.|c}}
{{scène|I}}
{{acteurs|Roquillard, Pierrot}}
{{Personnage|Roquillard|c}}
Certes, nul huissier, tant à verge qu’à cheval, n’oseroit avoir regardé la porte de ce mien château
{{Personnage|Pierrot|c}}
Diantre
{{Personnage|Roquillard|c}}
Et la raison
{{Personnage|Pierrot|c}}
C’est que le mariage ne sied point à une carcasse décharnée comme la vôtre
{{Personnage|Roquillard|c}}
Sais-tu bien que dans la famille des Roquillards les mâles n’entrent en vigueur que vers les soixante-dix ans
{{Personnage|Pierrot|c}}
On voit bien, monsieur, que vous avez été engendré de deux vieilles rosses
{{Personnage|Roquillard|c}}
Tais-toi
{{Personnage|Pierrot|c}}
Oh
{{Personnage|Roquillard|c}}
Tu vois aussi que je mets les fers au feu. J’attends journellement un gentilhomme de campagne, un docteur, un major et un comédien françois, tous partis sortables pour ma fille, selon qu’il m’a été raconté
{{Personnage|Pierrot|c}}
Pensez, monsieur, que vous ne lui baillerez pas tous les quatre à la fois
{{Personnage|Roquillard|c}}
Outre ce, Isabelle a quelque bon vouloir pour un quidam nommé Octave, comédien italien de sa vacation.
{{Personnage|Pierrot|c}}
Fi
{{Personnage|Roquillard|c}}
Ce néanmoins, je me sens de la propension pour le jeune homme
{{Personnage|Pierrot|c}}
Si vous m’aviez averti seulement huit jours plus tôt que vous vouliez vous défaire d’Isabelle, je m’en serois accommodé avec vous
{{Personnage|Roquillard|c}}
Comment donc
{{Personnage|Pierrot|c}}
Oui, monsieur
{{Personnage|Roquillard|c}}
Est-il possible
{{Personnage|Pierrot|c}}
Très assurément. Tenez, monsieur, pour faire un mariage tout entier, il faut, en premier lieu, que le garçon le veuille
{{Personnage|Roquillard|c}}
Certes, voilà une affaire bien avancée
{{scène|II}}
{{Personnage|Pierrot|c}}
{{didascalie|Seul.|c}}
Il n’y a que faire de l’avertir
{{scène|III}}
{{acteurs|Octave, Arlequin, Mezzetin}}
{{didascalie|Octave est instruit qu’il doit arriver un chasseur, un capitaine et un docteur chinois, pour demander Isabelle en mariage ; il détermine Arlequin et Mezzetin à se déguiser en ces différents personnages, et à les tourner en ridicule, pour dégoûter le père, et faire tomber son choix sur lui. Cette scène est tout italienne.|c}}
{{scène|IV}}
{{acteurs|Pasquariel, Pierrot, Marinette.}}
Cette scène est encore italienne et étrangère au sujet de la pièce
{{scène|V}}
{{acteurs|Isabelle, Colombine.}}
{{Personnage|Isabelle|c}}
Bon, bon
{{Personnage|Colombine|c}}
Il est bien question aujourd’hui de mouches et de fontanges
{{Personnage|Isabelle|c}}
Ah, ah
{{Personnage|Colombine|c}}
Oui, cela se passera avec un mari. Franchement, le métier de fille est bien ennuyeux, quand on veut le faire avec honneur. Je sais ce qu’il m’en coûte tous les jours pour conserver le peu de réputation qui me reste.
{{Personnage|Isabelle|c}}
Que veux-tu donc dire
{{Personnage|Colombine|c}}
Mon Dieu
{{Personnage|Isabelle|c}}
Tu te moques, Colombine
{{Personnage|Colombine|c}}
Mais les officiers s’en vont à la guerre.
{{Personnage|Isabelle|c}}
La campagne rit…
{{Personnage|Colombine|c}}
Oui, et Paris pleure.
{{Personnage|Isabelle|c}}
Les arbres reverdissent.
{{Personnage|Colombine|c}}
Et les filles sèchent sur pied. Je parie que c’est dans ce temps-là que vous êtes le plus dégoûtée de votre emploi de fille.
{{Personnage|Isabelle|c}}
Si j’en suis dégoûtée, c’est que les femmes aiment naturellement le changement
{{Personnage|Colombine|c}}
D’être mariée
{{Personnage|Isabelle|c}}
Je ne dis pas cela
{{Personnage|Colombine|c}}
Si fait bien moi. Il faut qu’il soit pâle, fluet, débile et raccourci, comme ces petits échantillons de magistrature, qui n’auroient pas la force de porter leurs robes sans l’aide de deux grands laquais.
{{Personnage|Isabelle|c}}
Oh
{{Personnage|Colombine|c}}
C’est que vous ne vous connoissez pas en hommes. Vous voudriez peut-être de ces bourgeois renforcés de l’ancien collège, moitié noblesse, moitié roture, ou de ces gros commis… là… de ces ballots vivants qui entrent et sortent de la douane sans rien payer
{{Personnage|Isabelle|c}}
Pour ceux-là, je les trouve trop matériels.
{{Personnage|Colombine|c}}
La pauvre enfant, elle ne se connoît pas en hommes
{{Personnage|Isabelle|c}}
Colombine, tu es une coquine. Tu ne me parles point de ce qui me paroît le plus fripon en amour. Est-ce que tu n’as jamais vu l’hiver, à la Comédie, ces jeunes officiers toujours brillants, qui font sans cesse le carrousel autour des actrices jolies
{{Personnage|Colombine|c}}
La pauvre enfant
{{Personnage|Isabelle|c}}
Pour ceux-là ils sont faits exprès pour mon humeur
{{Personnage|Colombine|c}}
Je vous en aurois bien proposé de cette manufacture-là
{{Personnage|Isabelle|c}}
Quoi, mais
{{Personnage|Colombine|c}}
Mais il vous faut un mari pour toute l’année, et ces messieurs-là ne servent que par quartier
{{didascalie|On donne du cor.|c}}
J’entends du bruit. Apparemment que voilà l’amant chasseur qui entre en danse.
{{scène|VI}}
{{acteurs|Mezzetin, Isabelle et Colombine.}}
{{Personnage|Mezzetin|c}}
Mademoiselle, je suis l’écuyer de monsieur le baron de la Dindonnière
{{Personnage|Isabelle|c}}
{{didascalie|À part.|c}}
Si le maître est aussi bien fabriqué que l’écuyer, voilà de quoi faire un bel attelage.
{{Personnage|Mezzetin|c}}
On dit comme ça qu’il doit bientôt chasser sur vos terres. La chasse sera bonne dans ce canton-là
{{Personnage|Colombine|c}}
Ma maîtresse est une terre conservée
{{Personnage|Mezzetin|c}}
Dame
{{didascalie|On donne du cor.|c}}
Tenez, le voilà.
{{scène|VII}}
{{acteurs|Arlequin, Isabelle, Colombine, deux Valets de chiens, avec des cors.}}
{{Personnage|Arlequin|c}}
{{didascalie|Sonnant du cor.|c}}
Ton, ton, ton, ton, ho, ho
{{didascalie|À Isabelle.|c}}
Mademoiselle, quand on chasse une jolie bête comme vous, on n’a pas besoin de chiens pour découvrir où vous êtes
{{didascalie|Il sonne du cor.|c}}
{{Personnage|Isabelle|c}}
Monsieur, je n’aime pas qu’on me fasse l’amour à son de trompe, et vous faites un peu trop de bruit pour prendre les lièvres au gîte.
{{Personnage|Arlequin|c}}
Vous moquez-vous
{{Personnage|Colombine|c}}
Ah
{{Personnage|Arlequin|c}}
Ne t’y frotte pas, ma mie
{{Personnage|Isabelle|c}}
Ah, mon Dieu
{{Personnage|Arlequin|c}}
Vous êtes charmée de ma personne, n’est-ce pas
{{didascalie|Il montre un dindon qu’il porte sur le poing.|c}}
Quand j’ai ce compère-là sur le poing, je ne manque guère ma proie. Nous avons dans notre famille le vol des filles et du dindon.
{{Personnage|Colombine|c}}
Les filles de ce pays-ci ne se prennent pourtant pas avec des poulets d’Inde
{{Personnage|Arlequin|c}}
{{didascalie|à Isabelle.|c}}
Votre chambrière a de l’esprit
{{Personnage|Colombine|c}}
Oh
{{Personnage|Arlequin|c}}
Oh
{{Personnage|Isabelle|c}}
Mais, Monsieur, vous ne parlez que de chasse
{{Personnage|Arlequin|c}}
Oh
{{Personnage|Isabelle|c}}
La compagnie est savante
{{Personnage|Arlequin|c}}
L’après-dînée, je monte ma jument poil d’étourneau, pour brossailler dans la forêt, et le lendemain, pour être de meilleur matin au bois, je me couche pour l’ordinaire tout botté et éperonné.
{{Personnage|Isabelle|c}}
Tout botté et éperonné
{{Personnage|Arlequin|c}}
Oh
{{Personnage|Isabelle|c}}
Quoi, monsieur
{{Personnage|Arlequin|c}}
Oh
{{Personnage|Colombine|c}}
Je suis votre très humble servante
{{Personnage|Arlequin|c}}
{{didascalie|à Colombine.|c}}
Tais-toi
On donne du cor, les chiens viennent sur le théâtre, courant après un sanglier.
{{Personnage|Colombine|c}}
Ah, mademoiselle
{{didascalie|Elles s’enfuient.|c}}
{{didascalie|La chasse du sanglier fait le divertissement du premier acte.|c}}
{{acte|II}}
{{scène|I}}
{{acteurs|Arlequin, Colombine.}}
Cette scène est italienne, et consiste en jeu de théâtre. Les deux fourbes se réjouissent du succès de leur fourberie, et Arlequin se propose de reparaître bientôt déguisé en docteur chinois.
{{scène|II}}
{{acteurs|Roquillard, Colombine.}}
{{Personnage|Colombine|c}}
Hé bien, monsieur, n’êtes-vous pas charmé de votre prétendu gendre, monsieur le baron de la Dindonnière
{{Personnage|Roquillard|c}}
Certes, il est mal avenant de sa personne, et j’en ai regret
{{Personnage|Colombine|c}}
Diantre
{{Personnage|Roquillard|c}}
Le malencontreux visage que ce baron de la Dindonnière
{{Personnage|Colombine|c}}
Ce ne seroit pas là le plus mauvais de l’affaire. Tandis qu’un mari court les bois, une femme peut chasser de son côté. Le meilleur gibier n’est pas toujours dans les forêts
{{Personnage|Roquillard|c}}
{{didascalie|s’adoucissant.|c}}
En sorte donc, Colombine, que cet homme-là n’est point de ton goût.
{{Personnage|Colombine|c}}
Non, ma foi
{{Personnage|Roquillard|c}}
Et moi, comment me trouves-tu
{{Personnage|Colombine|c}}
{{didascalie|le caressant.|c}}
Mille fois. Vous êtes fleuri, mûr, belle barbe, le cuir doux et bien corroyé. Bon, bon
{{Personnage|Roquillard|c}}
La coquine
{{Personnage|Colombine|c}}
Oui, monsieur, que je vous baise
{{Personnage|Roquillard|c}}
Il faut se donner patience, tu es encore jeune.
{{Personnage|Colombine|c}}
Une fille, pendant ce temps-là, ne laisse pas de s’user
{{Personnage|Roquillard|c}}
Va, va, ma bouchonne, console-toi
{{Personnage|Colombine|c}}
Dépêchez-vous donc, monsieur
{{scène|III}}
{{acteurs|Roquillard, Colombine Pierrot.}}
{{Personnage|Pierrot|c}}
Monsieur, il y a là-dedans un homme qui est habillé comme la porte d’un jeu de paume. Il demande à épouser votre fille
{{Personnage|Roquillard|c}}
Doucement, doucement
{{didascalie|À Colombine.|c}}
C’est apparemment le docteur dont je t’ai parlé.
{{Personnage|Pierrot|c}}
Dame
{{Personnage|Roquillard|c}}
Il ne faut pas prendre la poste pour venir au mariage
{{Personnage|Pierrot|c}}
Cela est vrai
{{scène|IV}}
{{acteurs|Arlequin, Roquillard, Colombine.}}
{{didascalie|On apporte un cabinet de la Chine, dans lequel est Arlequin en docteur chinois.|c}}
{{Personnage|Arlequin|c}}
{{didascalie|À la cantonade.|c}}
Taisez-vous, canaille ignorante et indocile
La lune est un astre commun
Ce qui dépend d’elle est tout un
La femme dépend de la lune
Ergo toute femme est commune.
Je n’ai que faire de vos conseils
{{Personnage|Roquillard|c}}
Monsieur…
{{Personnage|Arlequin|c}}
Je sais bien que le père est un sot
{{Personnage|Roquillard|c}}
Hé
{{Personnage|Arlequin|c}}
Je n’ignore pas que la fille ne soit une fieffée coquette
{{Personnage|Colombine|c}}
Monsieur, monsieur…
{{Personnage|Arlequin|c}}
Je suis persuadé que la suivante est une carogne
{{Personnage|Roquillard|c}} et {{Personnage|Colombine|c}}
Monsieur, monsieur…
{{Personnage|Arlequin|c}}
{{didascalie|À Roquillard.|c}}
Ah
{{Personnage|Roquillard|c}}
Oui, monsieur
{{Personnage|Arlequin|c}}
S’il est ainsi, audite, plaudite, et reculate. Moi, le pot pourri de la doctrine, le pâté en pot des belles-lettres, et le salmigondis de toutes les sciences, salue très élégamment Christophe Roquillard, l’égout de l’ignorance, la cruche de la stupidité, et le bassin de toutes les impertinences.
{{Personnage|Colombine|c}}
{{didascalie|À Roquillard.|c}}
Monsieur, voilà un habile homme
{{Personnage|Arlequin|c}}
Beau-père, avant que d’entrer en matière, combien avez-vous de filles à me donner
{{Personnage|Roquillard|c}}
Comment donc
{{Personnage|Arlequin|c}}
Vous ne savez donc pas que je suis philosophe, orateur, médecin, astrologue, jurisconsulte, géographe, logicien, barbier, cordonnier, apothicaire
{{Personnage|Colombine|c}}
Hé bien, monsieur, ne vous fâchez pas
{{Personnage|Arlequin|c}}
Je sais tout ce qu’on peut savoir dans les sciences et dans les arts
{{Personnage|Colombine|c}}
Quoi
{{Personnage|Arlequin|c}}
Bon
{{scène|V}}
{{acteurs|Arlequin, Roquillard, Colombine, La Rhétorique, Mezzetin}}
{{didascalie|Le cabinet de la Chine s’ouvre ; on en voit sortir la Rhétorique et une grosse Pagode.|c}}
{{Personnage|Roquillard|c}}
Diable
{{Personnage|Arlequin|c}}
Cela, monsieur
{{Personnage|Roquillard|c}}
Faites-la un peu venir
{{Personnage|Arlequin|c}}
La voici. Madame la Rhétorique, dites-nous qui est-ce qui persuade davantage en amour.
{{PersonnageD|La Rhétorique|c|chante.}}
Par mes discours doux et flatteurs,
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L’argent, pour réduire une belle,
Est encor plus puissant que moi.
{{Personnage|Arlequin|c}}
{{didascalie|Air : De mon pot, je vous en réponds.|c}}
Voulez-vous, en moins d’un jour,
Être heureux en amour
Laissez les fleurs de rhétorique
Le chemin en seroit trop long
Avec l’or, je vous en réponds
Mais sans cela, non, non.
Dites-nous à présent où va coucher un mari, dans le zodiaque, la première nuit de ses noces.
{{PersonnageD|La Rhétorique|c|chante.}}
Le soleil vagabond jamais ne se repose
Il va toujours de maison en maison.
Que de maris feroient la même chose,
S’il leur étoit permis de changer de prison
Mais d’un mari la demeure est certaine
Quelque chemin qu’il prenne,
Qu’il aille ou qu’il vienne,
Ligne 552 ⟶ 786 :
Toujours l’entraîne
Loger au croissant.
{{Personnage|Arlequin|c}}
{{didascalie|Air : De mon pot, je vous en réponds.|c}}
II va coucher tout de go
Au signe du Virgo
Mais dès la seconde journée,
Le Capricorne est sa maison.
De cela je vous en réponds
Mais du Virgo, non, non.
{{Personnage|Roquillard|c}}
Qu’est-ce que signifie cette figure là-bas
{{Personnage|Arlequin|c}}
C’est une Pagode.
{{Personnage|Roquillard|c}}
Une Pagode
{{Personnage|Arlequin|c}}
Une Pagode est… une Pagode. Que diable voulez-vous que je vous dise
{{Personnage|Roquillard|c}}
Mais à quoi est-elle propre
{{Personnage|Arlequin|c}}
Elle chante aussi. Je vais vous la faire venir.
{{PersonnageD|Mezzetin|c|en Pagode, chante.}}
Je viens exprès du Congo, ho, ho, ho
Pour boire à tire-larigot
Du vin de Normandie
Car dans ce temps-ci, hi, hi, hi
Rouen vaut mieux que Tessy.
Quoique Paris soit charmant, han, han, han
J’en partirois à l’instant,
Si l’on vendoit les filles,
Par faute de raisin, hin, hin, hin
Aussi cher que le vin.
{{didascalie|On remporte Mezzetin.|c}}
{{scène|VI}}
{{acteurs|Arlequin, Roquillard, Colombine.}}
{{Personnage|Roquillard|c}}
Voilà qui est admirable
{{Personnage|Arlequin|c}}
C’est la Rhétorique dansante. Je vais vous la faire danser avec toute sa suite.
{{didascalie|La Rhétorique dansante, figurée par Pasquariel, accompagnée de quatre Sauteurs, fait un ballet de postures ; ce qui ferme le divertissement du second acte.|c}}
{{acte|III}}
{{scène|I}}
{{acteurs|Isabelle, Colombine.}}
{{Personnage|Colombine|c}}
Je vous dis encore une fois, mademoiselle, que vous ne sauriez mieux faire, et qu’il faut nous en tenir à notre comédien italien.
{{Personnage|Isabelle|c}}
Je crois que tu as raison. Je me sens toutes les dispositions à devenir bonne comédienne
{{Personnage|Colombine|c}}
Oh
{{Personnage|Isabelle|c}}
Je crois que je me tirerai d’affaire dans ce pays-là. Je parois une fois davantage aux chandelles
{{Personnage|Colombine|c}}
Tant mieux
{{Personnage|Isabelle|c}}
Je n’ai qu’un défaut pour le théâtre, c’est que je n’ai point de mémoire. Par exemple, Colombine, si j’aimois un homme aujourd’hui, je crois que je ne m’en souviendrois pas demain.
{{Personnage|Colombine|c}}
La plupart des femmes sont comme vous
{{Personnage|Isabelle|c}}
Bon, bon
{{Personnage|Colombine|c}}
Je sois aussi âgée que vous, et un tête-à-tête ne laisse pas quelquefois de me faire trembler. Un jeune homme veut vous persuader qu’il vous aime
{{Personnage|Isabelle|c}}
D’accord, Colombine
{{Personnage|Colombine|c}}
Et si le jeune homme vous ferme la bouche d’un baiser, où en êtes-vous
{{Personnage|Isabelle|c}}
Que veux-tu
{{scène|II}}
{{acteurs|Isabelle, Octave.}}
{{Personnage|Octave|c}}
Enfin, charmante Isabelle, me voilà seul avec vous, et je puis en liberté…
{{didascalie|Il l’embrasse.|c}}
{{Personnage|Isabelle|c}}
Oh
{{Personnage|Octave|c}}
C’est le privilège de notre profession, mademoiselle
{{Personnage|Isabelle|c}}
Une fille n’est donc pas en sûreté avec vous autres messieurs
{{Personnage|Octave|c}}
Ne craignez rien, belle Isabelle
{{Personnage|Isabelle|c}}
Quand un comédien est fait comme vous, il a souvent la meilleure part dans la tendresse qu’il inspire.
{{Personnage|Octave|c}}
Que je serois heureux, si vous aviez de pareils sentiments pour moi
{{Personnage|Isabelle|c}}
Mon coeur… Oh
{{Personnage|Octave|c}}
Je suis le plus fortuné de tous les hommes. Mais pour gage de votre bonne volonté, il faut que vous me donniez votre main.
{{Personnage|Isabelle|c}}
Ma main
{{Personnage|Octave|c}}
Vous ne voulez pas m’accorder cette faveur
{{didascalie|Il se laisse aller dans les bras d’Isabelle.|c}}
{{Personnage|Isabelle|c}}
Ô ciel
{{scène|III}}
{{acteurs|Isabelle, Octave, Colombine.}}
{{Personnage|Isabelle|c}}
Comme vous criez
{{Personnage|Colombine|c}}
Ah
{{Personnage|Colombine|c}}
Un garçon qui s’évanouit dans les bras d’une fille
{{Personnage|Isabelle|c}}
Ah, Colombine
{{Personnage|Colombine|c}}
Je vais chercher de quoi le faire revenir. Tenez-le toujours bien fort.
{{scène|IV}}
{{acteurs|Isabelle, Octave.}}
{{Personnage|Isabelle|c}}
{{didascalie|pleurant.|c}}
Je crois qu’il est mort.
{{Personnage|Octave|c}}
Pas encore tout à fait
{{Personnage|Colombine|c}}
Colombine dit que quand une fille a les mains prises, elle ne sauroit plus se revancher.
{{Personnage|Octave|c}}
Vous ne le voulez pas
{{didascalie|Il retombe.|c}}
{{Personnage|Isabelle|c}}
Colombine
{{scène|V}}
{{acteurs|Isabelle, Octave, Colombine.}}
{{Personnage|Colombine|c}}
Ouais
{{Personnage|Isabelle|c}}
Ah
{{Personnage|Colombine|c}}
Hé bien
{{Personnage|Isabelle|c}}
Il m’a demandé ma main à baiser.
{{Personnage|Colombine|c}}
Hé bien
{{Personnage|Isabelle|c}}
Je n’ai pas voulu la lui donner.
{{Personnage|Colombine|c}}
Hé bien
{{Personnage|Isabelle|c}}
Et le voilà retombé.
{{Personnage|Colombine|c}}
Tant pis. Dans ces maux-là, les rechutes fréquentes sont dangereuses. Il ne faut pourtant pas laisser mourir un garçon pour une bagatelle.
{{didascalie|À Isabelle.|c}}
Çà, votre main.
{{didascalie|À Octave.|c}}
Çà, votre bouche. Cela ne vaut-il pas mieux que de l’eau de la reine d’Hongrie
{{didascalie|On entend un hautbois.|c}}
Sauvez-vous
{{scène|VI}}
{{acteurs|Roquillard, Isabelle, Colombine, Mezzetin.}}
{{Personnage|Mezzetin|c}}
De la joie, de la joie, morbleu
{{didascalie|À Isabelle.|c}}
Bonjour, la belle
{{Personnage|Roquillard|c}}
Oui, monsieur
{{Personnage|Mezzetin|c}}
{{didascalie|Allant sur lui.|c}}
Toi, le maître
{{Personnage|Colombine|c}}
Ce n’est point ici une hôtellerie, monsieur.
{{Personnage|Mezzetin|c}}
Mon capitaine
{{Personnage|Colombine|c}}
Il n’est pas dégoûté. Un ustensile comme moi n’est pas à l’usage d’un grivois.
{{Personnage|Mezzetin|c}}
{{didascalie|chante.|c}}
Dans le combat, je suis un diable
Mon nom de guerre est la Fureur
Mais chez un hôte un peu traitable,
Je suis, par ma bonté, surnommé la Douceur
Pourvu qu’il me laisse égorger sa volaille,
Vider sa futaille,
Ligne 746 ⟶ 1 067 :
Je suis doux comme un agneau.
Lorsque mon hôte est raisonnable,
Je ne cherche que son profit
Si je passe la nuit à table,
C’est pour ne point user ni ses draps ni son lit
Pourvu qu’il me donne pour mon ustensile
Sa femme, sa fille,
Ligne 754 ⟶ 1 075 :
Je suis doux comme un agneau.
Mais j’entends nos équipages.
{{scène|VII}}
{{acteurs|Arlequin, Isabelle, Roquillard, Colombine.}}
{{Personnage|Arlequin|c}}
Ne soyez point surprise, mademoiselle, de voir un amant démantelé
{{Personnage|Isabelle|c}}
Je ne croyois pas, monsieur, que mes yeux fissent des effets si terribles
{{Personnage|Arlequin|c}}
J’avoue, mademoiselle, qu’il y a quelque chose à refaire à mon attitude
{{Personnage|Roquillard|c}}
De pareilles incommodités sont lettres patentes de noblesse
{{Personnage|Arlequin|c}}
Vous étiez là, beau-père, dans un corps dont les membres ne courent pas grand risque, et où le vivandier a plus de pratiques que le chirurgien. Mais vous n’aurez pas plus tôt fait trente ou quarante campagnes dans mon régiment, qu’il ne vous restera pas une seule dent dans la bouche.
{{Personnage|Roquillard|c}}
Il me semble aussi qu’il y a quelque chose à redire à vos yeux.
{{Personnage|Arlequin|c}}
Oh
{{Personnage|Roquillard|c}}
Une bombe
{{Personnage|Arlequin|c}}
Et cela a un peu dérangé l’économie du nerf optique. Mais quoique je n’en voie goutte, je ne laisse pas de m’en servir utilement.
{{Personnage|Isabelle|c}}
Utilement
{{Personnage|Arlequin|c}}
Je m’en sers pour lire les mémoires de mes créanciers
{{Personnage|Pierrot|c}}
Vous étiez donc à Namur
{{Personnage|Arlequin|c}}
Si j’y étais
{{Personnage|Pierrot|c}}
Et en quelle qualité, monsieur, serviez-vous dans l’armée
{{Personnage|Arlequin|c}}
Moi, servir
{{Personnage|Pierrot|c}}
Vous aviez là, monsieur, un commandement digne de vos mérites.
{{Personnage|Arlequin|c}}
Trop heureux, mademoiselle, si avec la brouette de mon amour je pouvois enlever la crotte de votre indifférence, et vous épouser à la tête de ma compagnie
{{Personnage|Isabelle|c}}
Franchement, monsieur le Major, je voudrois bien épouser un homme tout entier.
{{Personnage|Arlequin|c}}
Que dites-vous, la majoresse de ma minorité
{{PersonnageD|Roquillard|c|lui frappant sur l’épaule.}}
Elle a raison
Je ne veux pas la lui donner, moi.
{{Personnage|Arlequin|c}}
{{didascalie|allant fièrement sur Roquillard.|c}}
Parlez, parlez donc, barbe de chat
{{didascalie|Des soldats de la suite du Major entourent Roquillard, en lui présentant de tous côtés la pointe de la hallebarde ; et pendant ce temps Arlequin emmène Isabelle. Les soldats et Roquillard forment une danse, qui sert de divertissement pour le troisième acte.|c}}
{{acte|IV}}
{{scène|I}}
{{acteurs|Octave, Colombine.}}
{{Personnage|Colombine|c}}
Tour alloit le mieux du monde
{{Personnage|Octave|c}}
Est-il possible
{{Personnage|Colombine|c}}
Dame
{{Personnage|Octave|c}}
Comment veux-tu que je lui fasse entendre mes raisons
{{Personnage|Colombine|c}}
Si vous voulez, je parlerai pour vous, et dans la dispute une femme vaut toujours mieux qu’un homme. J’ai servi autrefois un comédien italien, et j’en sais assez le fort et le foible.
{{Personnage|Octave|c}}
Ah, ma pauvre Colombine
{{Personnage|Colombine|c}}
Allez, ne vous mettez pas en peine
Il y a ici plusieurs scènes italiennes.
{{scène|II}}
{{acteurs|Tous les personnages de la pièce ; Colombine, Le Comédien Français ; Le Parterre.}}
{{didascalie|L’orchestre joue une marche, et l’on voit entrer deux troupes de comédiens, l’une comique, à la tête de laquelle est Colombine, et l’autre héroïque, ayant à sa tête un comédien françois, habillé à la romaine. Ce rôle est joué par Arlequin.|c}}
{{Personnage|Colombine|c}}
Vous voyez devant vous Octave, fidèle de nom, Vénitien d’extraction, amoureux de profession, et acteur sérieux de la troupe risible des comédiens italiens.
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Halte-là
{{Personnage|Colombine|c}}
On voit bien que vous vous ressentez toujours de la fierté romaine
{{Personnage|Un portier|c}}
{{didascalie|à Roquillard.|c}}
Monsieur, il y a là-bas un gros homme qui fait le diable à quatre pour entrer
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Malepeste
{{didascalie|Le Parterre, habillé de diverses façons, ayant plusieurs têtes, un grand sifflet à son côté et d’autres à sa ceinture, prend Roquillard par le bras et le jette par terre.|c}}
À bas, coquin.
{{Personnage|Roquillard|c}}
Le Parterre a le ton impératif.
{{Personnage|Le Parterre|c}}
{{didascalie|à Roquillard.|c}}
Qui vous fait si téméraire, mon ami, d’usurper ma juridiction
Il donne un coup de sifflet,
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
{{didascalie|déclamant.|c}}
Prends un siége, Parterre, prends, et sur toute chose,
N’écoute point la brigue en jugeant notre cause
Prête, sans nous troubler, l’oreille à nos discours
D’aucun coup de sifflet n’en interromps le cours.
{{didascalie|On apporte un fauteuil au Parterre.|c}}
{{Personnage|Le Parterre|c}}
{{didascalie|repoussant le fauteuil.|c}}
Tu te moques, mon ami
{{Personnage|Colombine|c}}
Le style impérial, l’attitude romaine et le clinquant héroïque de ce déclamateur, pourroient m’alarmer, si je parlois devant un juge moins éclairé que Son Excellence Monseigneur le Parterre.
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Ah, ah
{{Personnage|Le Parterre|c}}
Ils ont beau faire, ils n’en sont pas quittes à meilleur marché que les Français
{{Personnage|Colombine|c}}
Non, ce n’est point la flatterie qui me dénoue.la langue
{{Personnage|Le Parterre|c}}
Hélas
{{Personnage|Colombine|c}}
Néron, empereur et comédien italien, fait assez voir la prééminence dont il est question. Tout le monde sait qu’il courut la Grèce dans une de nos troupes, et l’histoire ne fait point mention qu’il ait jamais monté sur le théâtre du faubourg Saint-Germain.
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Néron
{{Personnage|Le Parterre|c}}
Si ce n’est à l’Opéra.
{{Personnage|Colombine|c}}
En effet, pour donner à l’univers un comédien italien, il faut que la nature fasse des efforts extraordinaires. Un bon Arlequin est naturae laborantis opus
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Vous les rossignols
{{Personnage|Le Parterre|c}}
Cela n’est pas vrai. Les Italiens me donnent le mardi et le vendredi pour me reposer
{{Personnage|Colombine|c}}
Si l’on regarde I’intérêt, qui est le seul point de vue dans les mariages d’aujourd’hui, un comédien italien l’emportera toujours sur un françois. Il fait moins de dépense en habits, sa part est plus grosse, et il ne faut quelquefois qu’une médiocre comédie pour faire rouler toute l’année un comédien italien
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Je le crois bien
{{Personnage|Colombine|c}}
Nos équipages seroient aussi superbes que les vôtres, si nous voulions faire des exactions sur le public, et mettre, comme vous, nos premières représentations au double.
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Est-ce qu’un bourgeois doit plaindre trente sous pour être logé pendant deux heures dans l’hôtel le plus magnifique et le plus doré qui soit à Paris
{{Personnage|Colombine|c}}
Hé
{{Personnage|Le Parterre|c}}
J’en connois qui laissent quelquefois leurs femmes seules au logis, et qui les retrouvent ici en fort bonne compagnie.
{{Personnage|Colombine|c}}
Le tout mûrement considéré, je conclus qu’un comédien italien est préférable, par toutes sortes de raisons, à un comédien françois.
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Je déclame pour maître Titus de la Discorde, comédien d’heureuse mémoire, chevalier, seigneur du Cid, baron de Bérénice, Phèdre, Iphigénie, et autres pièces de sa dépendance
{{Personnage|Le Parterre|c}}
Voilà de belles qualités
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Cicéron dans son opinion pro Roscio Amerino comoedo, compare une troupe de comédiens à un coche attelé de différents animaux. Le cheval veut aller à droite, l’âne à gauche, le bœuf tire à plein collier, tandis que la mule rétive et malicieuse s’arrête tout court.
{{Personnage|Le Parterre|c}}
Et moi, je suis le charretier qui fouette ceux qui ne tirent pas propos.
{{didascalie|Il fait aller son sifflet.|c}}
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Qui peut douter, messieurs, que cette peinture ne représente au naturel l’attelage des comédiens italiens
{{Personnage|Colombine|c}}
Cela est faux. La mule est un animal stérile, et.tout le monde sait que Marinette et Colombine ont des enfants tous les neuf mois.
{{Personnage|Le Parterre|c}}
{{didascalie|en montrant Marinette grosse.|c}}
Exemplum ut talpa.
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Qu’est-ce qu’un comédien italien
{{Personnage|Colombine|c}}
Sans parents
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Ces alliances-là ne lui donnent pas le droit de bourgeoisie
{{Personnage|Le Parterre|c}}
Cette hypothèque-là est bien casuelle. Il ne faut que le mauvais vent d’un sifflet pour envoyer la récolte à tous les diables.
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Quand un comédien françois n’auroit pour tout bien que sa seule garde-robe, il seroit plus riche que toute l’Italie ensemble, et trouvera toujours une ressource chez le fripier. Le moindre petit confident a de quoi habiller, dans un jour de triomphe, toute la république romaine.
{{Personnage|Colombine|c}}
Cela est vrai. Mais si tous les marchands à qui ils doivent leur tiroient chacun leurs plumes, ils feroient le rôle de la corneille d’Ésope, et seroient obligés de jouer les empereurs en pinchina.
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Je tombe d’accord que l’on doit quelque petite chose dans la rue Saint-Honoré
{{Personnage|Le Parterre|c}}
On ne devroit pas faire crédit à ces messieurs-là. Ils me font toujours payer comptant, et ne me rendent jamais juste la passe de ma pièce de quinze sols.
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Peut-on faire quelque parallèle entre le mérite d’un comédien françois et celui d’un comédien italien
Paraissez, Navarrois, Maures et Castillans,
Et tout ce que l’Espagne a nourri de vaillants.
Veut-il inspirer la pitié
N’allons pas plus avant
Je ne me soutiens plus, la force m’abandonne
Mes yeux sont éblouis du jour que je revois
Et mes genoux tremblants se dérobent sous moi.
Voilà ce qui s’appelle retourner un cœur comme une omelette
{{Personnage|Colombine|c}}
Je ne sais quelle couleur les passions prennent sur le visage de vos comédiens
{{Personnage|Le Parterre|c}}
Je crois que les deux troupes se servent du même peintre
{{Personnage|Le Comédien Français|c}}
Quae cum ita sint, je conclus que Roquillard est un sot, s’il ne marie sa fille à la Discorde. En la donnant à un comédien italien, il lui donne tout au plus un homme. Arlequin est toujours Arlequin
{{Personnage|Le Parterre|c}}
{{didascalie|prononçant son jugement.|c}}
Pour reconnoître en quelque façon le désintéressement de la troupe italienne, qui ne m’a jamais fait payer que quinze sous, et qui m’a donné la comédie gratis à la prise de Namur, j’ordonne qu’Octave épousera Isabelle.
{{
O tempora
{{Personnage|Le Parterre|c}}
Mes jugements sont sans appel.
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