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En tout lieu et à tout instant (en tout événement), il y a un univers euclidien tangent à l'univers réel ;
c'est celui d'observateurs liés à un système matériel en chute libre.
 
Réciproquement, si l'emploi d'un système de référence convenable permet de supprimer le champ de gravitation, au moins localement, l'emploi d'un système de référence quelconque est équivalent à l'introduction d'un champ de gravitation convenablement distribué (principe d'équivalence d'Einstein). En effet, si l'on suppose qu'on imprime au boulet de Jules Verne un mouvement de translation d'accélération quelconque, tout se passera pour les observateurs qui lui sont liés, à cause de la constance de g pour tous les corps, comme s'il était apparu un champ de gravitation uniforme d'intensité égale à l'accélération d'ensemble communiquée. De même, si le boulet est mis en rotation, les lois de la physique par rapport à des axes qui lui sont liés seront les mêmes que dans un champ de gravitation non uniforme distribué comme le champ d'accélération centrifuge. Sur la Terre, en particulier, les mesures faites au moyen du pendule donnent un champ de gravitation dont l'expérience seule ne permet pas de séparer les effets dus à la force centrifuge. Il est donc possible, et c'est là l'énoncé du principe de relativité généralisé, d'énoncer les lois de la Physique sous la même forme pour tous les systèmes de référence en mouvement quelconque, grâce à l'introduction de champs de gravitation convenablement distribués. La traduction analytique se fait comme en théorie des surfaces. L'emploi d'un système de référence quelconque (mollusque de M. Einstein) revient à caractériser ou repérer chaque événement par quatre coordonnées quelconques (x(1), x(2), x(3), x(4)) analogues aux u et v de Gauss. L'emploi du système de référence en chute libre permet en chaque événement (comme celui du plan tangent à une surface) d'évaluer le ds^2 entre deux événements infiniment voisins en fonction des dx(1), dx(2), dx(3), dx(4) sous la forme analogue à (9) :
(à suivre)
 
(11) ds^2 = Sigma[g(i,k)*d(x(i))*d(x(k))]
 
les indices i et k prenant les valeurs 1, 2, 3 et 4. Les équations du mouvement d'un point libre défini toujours par la condition géodésique (6) s'expriment sous une forme indépendante du système de référence, grâce à l'introduction des g(i,k) analogues aux E, F, G de Gauss, et la forme de ces équations montre que les g(i,k) jouent un rôle analogue à celui du potentiel de gravitation dans la mécanique ordinaire ; on les appelle pour cette raison les potentiels de gravitation généralisés. Les propriétés cinématiques de l'univers sont caractérisées par les g(i,k), variables en général avec les x(i), comme les propriétés géométriques d'une surface sont caractérisées par les E, F, G. Le mouvement d'un point libre est une géodésique de cet univers, et le trajet d'un rayon lumineux est une géodésique de longueur nulle. Les lois de la Physique se trouvent étroitement déterminées par la condition de prendre une forme indépendante du système de référence, invariante
ou covariante pour des changements quelconques de ce système. En particulier, M. Einstein a pu obtenir les équations qui déterminent la distribution du champ ou des potentiels de gravitation en fonction de la distribution de la matière et du rayonnement, c'est-à-dire de l'énergie présente. Ces équations doivent remplacer celles qui expriment la loi de gravitation de Newton et qui prennent, dans le vide, la forme de Laplace :
 
(12) Laplacien (phi) = 0,
 
et dans la matière la forme de Poisson :
 
(13) Laplacien (phi) = 4*Pi*G*rho,
 
où phi est le potentiel de gravitation au sens ordinaire, G la constante de la gravitation et rho la densité de la matière. En imposant aux équations cherchées, par analogie avec (12) et (13), la condition de ne faire intervenir que les g(i,k) avec leurs dérivées premières et secondes, et celle de conserver leur forme pour tous les changements de coordonnées, M. Einstein a pu résoudre le problème en utilisant l'existence d'un élément, analogue à la courbure totale de Gauss, et qui remplit les conditions imposées, élément connu sous le nom de tenseur de Riemann-Christoffel. Les équations ainsi obtenues pour déterminer la distribution du champ de gravitation généralisée ont pu être intégrées, approximativement par M. Einstein et complètement par M. Schwarzschild, dans le cas d'un centre matériel unique de masse M.
 
On obtient pour le ds^2 en coordonnées sphériques r, thêta, phi, l'expression
 
(14) ds^2 = [1-(2*G*M)/((V^2)*r)]*(dt^2) - (1/(V^2))*[(r^2)*((d(thêta))^2) + (r^2)*(sin^2(thêta))*((d(phi))^2) + (1 - (2*G*M)/((V^2)*r))^(-1)*(dr^2)]
 
Les géodésiques de cet univers s'obtiennent sans difficulté et correspondent, pour celles qui restent à distance finie, à un mouvement elliptique de Kepler avec rotation du périhélie d'une quantité par tour
 
delta(omega) = (3*G*M)/[(V^2)*a*(1-e^2)]
 
a étant le demi-grand axe et e l'excentricité de l'orbite elliptique.
Cette formule donne exactement le mouvement du périhélie de Mercure (43 secondes par siècle) quand on y donne à M la valeur de la masse du Soleil, à a et e les valeurs connues pour Mercure.
Le trajet d'un rayon lumineux étant une géodésique de longueur nulle, on obtient facilement une trajectoire incurvée vers le centre d'attraction avec une déviation totale entre les directions extrêmes
 
alpha = (4*G*M)/(R*(V^2))
 
R étant la distance minima du rayon au centre d'attraction. Pour une étoile vue au voisinage immédiat du bord
du Soleil, cette formule donne la valeur (R étant pris égal au rayon du Soleil),
 
alpha = 1 ", 74,
 
exactement vérifiée par les mesures faites au cours de l'éclipse totale du 29 mai 1919. Enfin, pour des événements qui se passent en un même point à distance R du centre (dr = d(thêta) = d(phi) = 0 et r = R), la formule (14) donne
 
ds^2 = (1 - (2*G*M)/(R*(V^2))*(dt^2).
 
La même succession d'événements (vibration lumineuse d'un atome) se passant à grande distance du Soleil (sur la Terre, par exemple) on aurait le même ds^2 (si les deux successions se produisent sur un atome en chute libre dans les deux cas), mais un dt différent du précédent et donné par (R étant supposé infini)
 
ds^2 = (dt')^2,
 
d'où
 
dt = (dt')/[sqrt(1-(2*G*M)/(R*V^2))] = (dt')*[1+(G*M)/(R*(V^2))]
 
en première approximation. Donc la période des vibrations lumineuses d'un même atome doit être plus longue à la surface du Soleil
que sur la Terre, les raies spectrales du spectre solaire doivent être déplacées vers le rouge d'une quantité
 
(delta(lambda))/(lambda) = (G*M)/(R*(V^2)) = 2,11.10^(-6),
 
par rapport aux raies correspondantes émises par une source terrestre, c'est-à-dire d'environ un millième d'unité Angström dans le jaune. Une Note, parue dans le journal anglais Nature du 29 janvier dernier, annonce de la part de M. Einstein que cette prévision vient d'être vérifiée expérimentalement. Cette prévision suppose d'ailleurs, ainsi qu'il résulte du raisonnement précédent, que les atomes ou molécules de la chromosphère, dans laquelle se produisent les raies d'absorption du spectre solaire, se comportent comme étant en chute libre pendant la plus grande partie du temps et ne soient pas déformées par la réaction nécessaire pour les maintenir en équilibre dans le champ de gravitation du Soleil. Cette condition est certainement remplie dans les régions élevées de la chromosphère.
 
Paul Langevin