« Métaphysique - Livre I (Cousin) » : différence entre les versions

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Laissons maintenant les Pythagoriciens ; ce que nous en avons dit, suffira. Quant à ceux qui posent pour principes les idées, d'abord, en cherchant à saisir les principes des êtres que nous voyons , ils en ont introduit d'autres en nombre égal à celui des premiers, comme si quelqu'un voulant compter des objets, et ne pouvant le faire, alors même qu'ils sont en assez petit nombre , s'avisait de les multiplier pour les compter. Les idées sont presque en aussi grand nombre que les choses pour l'explication desquelles on a eu recours aux idées. Chaque chose individuelle se trouve avoir un homonyme, non seulement les existences individuelles, mais toutes celles où l'unité est dans la pluralité, et cela pour les choses de ce monde et pour les choses éternelles. En second lieu, de tous les arguments dont on se sert pour établir l'existence des idées, aucun ne la démontre : la conclusion qu'on tire des uns n'est pas rigoureuse, et d'après les autres, il y aurait des idées là même où les Platoniciens n'en admettent pas. Ainsi d'après les considérations puisées dans la nature de la science, il y aura des idées de toutes les choses dont il y a science; et d'après l'argument qui se tire de l'unité impliquée dans toute pluralité, il y aura des idées des négations mêmes ; et par ce motif qu'on pense aux choses qui ont péri, il y en aura des choses qui ne sont plus : car nous nous en formons quelque image. En outre, on est conduit, en raisonnant rigoureusement, à supposer des idées pour le relatif dont on ne prétend pourtant pas qu'il forme par lui-même un genre à part, ou bien à l'hypothèse du troisième homme. Enfin, les raisonnements qu'on fait sur les idées renversent ce que les partisans des idées ont plus à coeur que l'existence même des idées : car il arrive que ce n'est plus la dyade qui est avant le nombre, mais le nombre qui est avant la dyade, que le relatif est antérieur à l'absolu, et toutes les conséquences en contradiction avec leurs propres principes, auxquelles ont été poussés certains partisans de la doctrine des idées. De plus, dans l'hypothèse sur laquelle on établit l'existence des idées , il y aura des idées non seulement pour les substances, mais aussi pour beaucoup d'autres choses : car ce ne sont pas les substances seules , mais les autres choses aussi que nous concevons sous la raison de l'unité, et toutes les sciences né portent pas seulement sur l'essence, mais sur d'autres choses encore; et il y a mille autres difficultés de ce genre. Mais de toute nécessité, ainsi que d'après les opinions établies sur les idées, si les idées sont quelque chose dont participent les êtres, il ne peut y avoir d'idées que des essences : car ce n'est pas par l'accident qu'il peut y avoir participation des idées; c'est par son côté substantiel que chaque chose doit participer d'elles. Par exemple si une chose participe du double en soi, elle participe de l'éternité, mais selon l'accident: car ce n'est que par accident que le double est éternel; en sorte que les idées seront l'essence, et que dans le monde sensible et au-dessus elles désigneront l'essence; ou sinon, que signifiera-t-il de dire qu'il doit y avoir quelque chose de plus que les choses particulières , à savoir, l'unité dans la pluralité? Si les idées et les choses qui en participent, sont du même genre, il y aura entre elles quelque chose de commun : car pourquoi y aurait-il dans les dualités périssables et les dualités multiples, mais éternelles, une dualité une et identique, plutôt que dans la dualité idéale et dans telle ou telle dualité déterminée ? Si, au contraire, elles ne sont pas du même genre, il n'y aura entre elles que le nom de commun , et ce sera comme si on donnait le nom d'homme à Callias et à un morceau de bois, sans avoir vu entre eux aucun rapport.
 
<div title="πάντων δὲ μάλιστα διαπορήσειεν"></div>
La plus grande difficulté, c'est de savoir ce que font les idées aux choses sensibles, soit à celles qui sont éternelles, soit à celles qui naissent et qui périssent : car elles ne sont causes pour elles ni d'aucun mouvement, ni d'aucun changement. D'autre part, elles ne servent en rien à la connaissance des choses, puisqu'elles n'en sont point l'essence : car alors elles seraient en elles; elles ne les font pas être non plus, puisqu'elles ne résident pas dans les choses qui participent d'elles. A moins qu'on ne dise peut-être qu'elles sont causes, comme serait, par exemple, la blancheur cause de l'objet blanc, en se mêlant à lui; mais il n'y a rien de solide dans cette opinion qu'Anaxagoras le premier, et après lui Eudoxe et quelques autres, ont mise en avant; et il est facile de rassembler contre une pareille hypothèse une foule de difficultés insolubles. Ainsi les choses ne sauraient venir des idées, clans aucun des cas dans lesquels, on a coutume de l'entendre. Dire que ce sont des exemplaires et que les autres choses en participent, c'est prononcer de vains mots et faire des métaphores poétiques; car, qu'est-ce qui produit jamais quelque chose en vue des idées? De plus , il se peut qu'il. existe ou qu'il naisse une chose semblable à une autre, sans avoir été modelée sur elle; et, par exemple, que Socrate existe ou n'existe pas, il pourrait naître un personnage tel que Socrate. D'un autre côté, il est également vrai que , en admettant un Socrate éternel , il faudra qu'il y ait plusieurs exemplaires et par conséquent plu-sieurs idées de la même chose; de l'homme, par exemple, il y aurait l'animal, le bipède, tout aussi bien que l'homme en soi. Il faut en outre qu'il y ait des idées exemplaires non seulement pour des choses sensibles , mais encore pour les idées elles-mêmes, comme le genre en tant que comprenant des espèces; de sorte que la même chose sera à la fois exemplaire et copie. De plus, il semble impossible que l'essence soit séparée de la chose dont elle est l'essence : si cela est, comment les idées qui sont les essences des choses , en seraient-elles séparées? On voit aussi dans le Phédon que les idées sont les causes de l'être et de la naissance : pourtant, les idées étant données, les choses qui en participent n'arrivent pas à la naissance, s'il n'y a un principe moteur; et il se fait beaucoup d'autres choses, comme une maison et un anneau, dont on ne dit pas qu'il y ait des idées; il est donc clair qu'il se peut que les autres choses aussi soient et deviennent par des causes semblables à celles qui font être et devenir les objets que nous venons de nommer.