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{{Titre|Coupons le cable !|[[André Léo]]|1899}}
 
<small>Il est plus que temps de réaliser le vœu de Voltaire : Écrasons l'infâme.</small>
 
<small>Il est plus que temps de débarrasser la Vie des exploiteurs de la Mort ! — De délivrer l'homme de l'esclavage et de l'obscurantisme. — Le Vivant de la Momie primitive !</small>
<small>
Assez de barbarie ! — En marche pour l'Ère nouvelle !</small>
 
 
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Ils ne se dirent pas, simples qu'ils étaient, que l'ordre et la régularité n'existent dans la Nature que parce qu'ils sont les conditions de la vie ; et que sans eux la vie ne pourrait exister.
 
Les religions officiellement connues, pour ne parler que des principales, remontent à une antiquité reculée. Ce sont le Paganisme, le Brahmanisme, les mythes égyptiens, la Bible, ou Livre Juif, et le Boudhisme. Celles-ci ont donné lieu à toutes les autres de l'Ere Moderne, comme si la supposition de l'existence des Dieux n'eût pu naître qu'aux premiers temps de l'espèce humaine, et, naturalisée par l'accoutumance, y dut chercher ses racines ? Le Christianisme, dont le développement date des IVeIV<sup>e</sup> et VeV<sup>e</sup> siècles, est fondé sur ''la Bible''. Le Mahométisme, au VIIeVII<sup>e</sup> siècle, s'y rattache par tradition. Et au XVIeXVI<sup>e</sup> siècle, le Protestantisme n'est que la réforme des abus et des excès du ''Catholicisme'', qui crut devoir se qualifier ''universel'', du moment où il fut scindé. D'autres croyances diverses, peu nombreuses en adhérents, portent le nom de sectes. Le ''Fétichisme'', qui attribue une sorte de divinité et une influence heureuse ou malheureuse à certains objets, fut la première de ces superstitions, et dure encore parmi les tribus sauvages.
 
La loi de cause et d'effet, si vaste, si précise et si générale dans la nature, dominait invinciblement l'esprit de l'homme primitif. Il bâtissait sa demeure ; il s'y préparait un lit de feuilles sèches. Il lançait la pierre de sa fronde aux animaux qu'il destinait à sa nourriture ; mais assurément ce n'était pas lui qui avait allumé le soleil et les étoiles et construit la voûte des cieux !
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Les deux principes se complètent l'un l'autre ; ils sont inséparables dans le passé. On voit des rois incroyants ; on n'en voit pas qui se dispensent d'honorer et de défendre le prêtre et ''la religion''. L'immuable, le prêtre, accepte forcément la chute du roi, mais il n'aspire qu'à le remplacer par un autre, même par ''plusieurs'' s'il le faut, comme dans les républiques aristocratiques ; toutefois, ''un'' roi, c'est le plus sûr. C'est au moins la paix et l'ignorance populaire pour une vie d'homme.
 
Les théologiens préconisent comme un grand progrès l'unité de Dieu. En effet, elle est le couronnement de l'idée hiérarchique. La pluralité des Dieux, comme celle des rois, engendre la discorde parmi leurs interprètes et leurs favoris. L'unité de Dieu c'est la monarchie absolue — une grande force de plus pour les arrêts divins et royaux. Ce fut l'idolâtrie qui fit la monarchie, laquelle est encore une idolâtrie chez ses fervents. Qui attaque un de ces pouvoirs, attaque bientôt l'autre. Notre XVIIIeXVIII<sup>e</sup> siècle mena l'attaque parallèlement. Il y a du Dieu dans le monarque ; et c'est pour cela que l'humanité presque entière a souffert pendant tant de siècles, et souffre encore, dans sa chair et dans son âme, les sujétions les plus viles et les plus cruelles ; respectant dans le monstre la volonté indiscutable du Dieu. Ensemble, ils commencent l'histoire, et, grâce à une politique habile, grâce à l'ignorante crédulité des peuples, aujourd'hui encore ils sont unis.
 
L'histoire écrite s'ouvre, pareille à un théâtre au lever du rideau, sur des civilisations déjà vieilles, placées sous le joug théocratique. Ce qu'on y voit au premier plan, ce sont les temples de Thèbes, de Memphis, d'Eleusis, de Delphes, etc., habités par des prêtres-rois, qui gouvernent les peuples courbés et soumis.
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Honorez-les ! Ils seront doux et onctueux. Mais si vous voulez juger leur caractère et leur gouvernement, lisez l'histoire ! C'est à eux que nous devons la société actuelle, la société hiérarchique, bâtie par eux, et dont nous jouissons encore ! ''Hièro'' signifie ''chose de prêtre, chose sacrée'' ! — Ne serait-il pas temps de la réviser ?
 
C'est dans les guerres de religion, fomentées par eux, que toute leur exubérance éclate. Les XIeXI<sup>e</sup>, XII<sup>e</sup>, et XIIIeXIII<sup>e</sup> siècles, en France, sont ensanglantés par le massacre des Albigeois, qui osent ne pas se conformer à toutes les décisions des conciles, et croient posséder une conscience libre. Ce pays était un des plus beaux et des plus riches de la France. Il fut anéanti, noyé dans le sang de ses habitants.
 
Au XIIIeXIII<sup>e</sup> siècle, sous le même prétexte, on extermine les Vaudois, habitants des belles vallées provençales, peuple doux et laborieux, de mœurs pures. Ceux qui échappèrent aux tueries, désertèrent la France, et allèrent s'établir en Piémont, privant la patrie française d'au moins 20.000 citoyens dignes et paisibles. Les pays qui nous avoisinent sont peuplés des victimes de notre clergé catholique : la Suisse, les bords du Rhin, certaines contrées de l'Allemagne, les Pays-Bas !...
 
Ce qui fait de l'ère moderne une des époques les plus tristes de l'histoire, et tout autre chose qu'un progrès moral, ce sont les cruautés religieuses ! La passion y atteint dans l'horreur ses dernières limites. A cet âge, l'Humanité eût dû grandir et fructifier, comme tout ce qui vit dans la nature, par les premières découvertes de la science, par le génie de ses enfants, l'étude de plus de justice ; par l'amour idéalisé dans la fraternité universelle. Mais elle fut arrêtée, épouvantée, détournée d'elle-même et de ses voies, pour s'appliquer à l'amour d'un fantoche haineux, puéril et méchant, qui interdit tout amour et toute recherche en dehors de lui, excite l'homme à renoncer à la vie terrestre, l'emmure dans la nuit, vide son cœur de toute affection humaine et lui fait renier sa propre nature ! Des siècles passent dans cet étouffement.
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Dès qu'on ose parler de réformes, de liberté, tout s'ébranle, se rue, entre en fureur ! C'est à partir du Christianisme qu'on voit de telles guerres, sous la conduite de chefs abominables, évêques ou seigneurs, les hommes, transformés en bêtes féroces, se baigner avec une joie furieuse dans le sang de leurs adversaires ! C'est alors que retentit l'affreuse parole : — Tuez tout, Dieu reconnaîtra les siens !... 

 
Au XIVeXIV<sup>e</sup> siècle, l'exubérance du Catholicisme, les décisions bizarres de ses conciles, ses excès de pouvoir, ses dogmes extravagants, la prétention obstinée d'arracher l'homme à sa propre vie, excitèrent de vives protestations en Angleterre, en Bavière, en France. On attaquait l'étrange composition du Dieu unique en trois personnes, la confession, et surtout l'Eucharistie. Quoi, le Créateur des mondes et de l'Humanité se réduirait à la capacité d'une pilule pour s'introduire dans la bouche et les entrailles de sa créature. Quelle bouffonnerie ! et quelles conséquences ! N'était-ce pas manquer de respect à Dieu ! On refusait de comprendre et d'accepter de telles choses ! Le ''protestant'' éclairé, sage, se séparait du troupeau chrétien. Il accusait Rome d'impiété, de folie, tout au moins d'insanité, et n'avait pas tort. Etait-on obligé de soumettre à de pareils dogmes la hauteur de sa conscience ? Non assurément ! Et pourquoi, d'autre part, le prêtre renoncerait-il à la vie complète, à la famille, instituée par Dieu même au jour de la création ? La religion ne pouvait impliquer le dédain de la Vie et de la Nature, œuvres divines ! On attaquait en outre le trafic honteux des indulgences ; les vœux monastiques, etc...
 
Ainsi parlaient Wiclef en Angleterre, Jean Huss et Luther en Allemagne, Calvin en France, et Michel Servet l'Aragonnais, autour desquels le sens commun et la dignité humaine augmentaient chaque jour le nombre des disciples. De grandes disputes éclatèrent ; de gros livres furent écrits ; les bulles papales fulminèrent, on les brûla. De leur côté, les catholiques apprêtèrent leurs armes et leurs bûchers. En France, sous la régence de Catherine de Médicis, le parlement porta peine de mort contre les hérétiques ; la Sorbonne, sans examen des doctrines, les condamna. On défendit les prêches dans les campagnes, et les bûchers s'allumèrent à Paris, à Toulouse, à Montpellier.
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Nous sommes à une époque où, par la force des choses, tout en est à devoir changer de fond en comble. Il nous faut passer de l'autorité divine implacable à la fraternité humaine ; de l'inégalité à la justice, de la force brutale à la douceur. C'est une évolution à faire pour continuer sainement et heureusement notre grande Révolution ! Que les hommes sérieux et de bonne volonté se chargent de cette mission sublime, à la fois, énergique et délicate ; ils trouveront des appuis dévoués ! Pour cela, il suffit que les servants de la religion nouvelle — de la religion de l'Humanité — en soient pénétrés eux-mêmes ; qu'ils ne tombent pas dans les violences qui tuèrent, pour plus d'un siècle, notre Révolution, si magnifique dans son premier essor ! Il faut pour cela nous débarrasser de nos ennemis intérieurs. Il faut que le Dieu des tonnerres et des éclairs du Sinaï, le Dieu de la guerre et de l'Enfer, se retire pour toujours en son tabernacle, et cède la terre à celui qu'il a égaré et tourmenté depuis tant de siècles : l'Individu humain, le simple travailleur !
 
Au nom du respect de nous-mêmes, au nom de nos enfants, dont le cerveau s'étiole et se rétrécit sous cet enseignement stupide et barbare, qui dévore l'avenir avant qu'il soit né ! Pour le rachat de ce siècle, avant qu'il s'éteigne ! Pour l'honneur, la régénération et l'avenir de l'Humanité !... En hommage à l'ère nouvelle, inaugurée depuis plus de cent ans, et si longtemps retardée par eux !... Délivrons-nous du prêtre et de la superstition antique !... Fermons définitivement l'ère barbare qu'ils nous ont faite ! Abandonnons le mensonge et la mort, pour entrer enfin dans la Vie. Proclamons la religion de la Conscience humaine, et à notre tour développons-la, d'après son principe : l'individu humain ! — Et maudits soient les gouvernants pleutres et indécis, qui se réfugieraient en des considérations mesquines, et de faux prétextes, pour ne point enterrer enfin le cadavre corrompu qui nous putréfie ! Au lieu de cette crainte d'agir, qui semble dans le parti républicain la maladie énervante de la moitié du XIXeXIX<sup>e</sup> siècle, qu'ils soient fiers d'attacher leurs noms à une œuvre des plus généreuses et des plus saines !
 
Que toutes nos communes soient consultées pour décider si elles veulent ou non conserver le prêtre. Mais il ne s'agit pas en ceci de majorité et de minorité : le vote sera, pour chacun, nominal et personnel. — Pour les majeurs, naturellement, et pour les femmes aussi bien que pour les hommes. — Ceux qui ne voudront pas de curé seront libres. Ceux qui voudront le conserver devront subvenir à son entretien. Ce sera, suivant le nombre des persistants, quelques francs à ajouter, en particulier, à la feuille des contributions. En certains cas, ''précités'', l'Etat pourrait même fournir un appoint à la somme insuffisante. On sera humain avant tout. Mais, très légitimement, on entend se débarrasser d'un culte, déjà fort délaissé, qui abaisse l'esprit de la Nation et trouble sa sécurité par des complots permanents, un culte qui n'est aujourd'hui qu'un anachronisme stupide et dangereux.