« La physique depuis vingt ans/Le Temps, l’espace et la causalité dans la physique contemporaine » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Texte complet, erreurs de syntaxe corrigées
Mise en forme : paragraphes, formules
Ligne 111 :
Comme la géométrie, la mécanique possède un langage intrinsèque, qui traduit cette invariance de la forme par des relations entre des éléments invariants, indépendants du système de référence. Ces éléments invariants sont les uns scalaires, c’est-à-dire non dirigés, comme le temps et la masse, les autres vectoriels comme l’accélération ou la force. Nous pouvons en effet représenter l’accélération d’un mobile par un vecteur {{lang|grc|γ}}, c’est-à-dire par une droite dirigée ayant pour projections, sur un système d’axes quelconque, les composantes, de l’accélération ; la force par un autre vecteur '''F''' de projections X, Y, Z et les lois de la dynamique du point s’exprimeraient par la seule formule intrinsèque
 
{{centré|<math>\scriptstyle \mboxmathbf{F} = m \gamma</math>}}
{{interligne}}
 
{{Astérisme}}
 
On peut d'uned’une façon analogue dégager, pour l'ensemblel’ensemble des notions de l'espacel’espace et du temps, une réalité indépendante des systèmes de référence en mouvement les uns par rapport aux autres auxquels on peut la rapporter, de même qu'enqu’en géométrie nous avons introduit un espace indépendant des systèmes d'axesd’axes particuliers. Minkowski a proposé de donner le nom dd’''Univers'' à cette réalité, définie comme étant l'ensemblel’ensemble des ''événements'', comme l'espacel’espace est l'ensemblel’ensemble des points.

Un événement correspond, au point de vue de l'espacel’espace et du temps, à ceci qu'ilqu’il existe ou se passe quelque chose en un certain point à un certain instant, le point et l'instantl’instant dépendant du système de référence, mais l'événementl’événement en étant conçu comme indépendant, de même qu'enqu’en géométrie les coordonnées d’un point dépendent du système d’axes, mais le point lui-même est conçu de manière intrinsèque.
 
géométrie les coordonnées d'un point dépendent du système d'axes, mais le point lui-même est conçu de manière intrinsèque.
Dans ce langage, l’espace sera défini comme l’ensemble des événements simultanés ; de manière plus précise cette conception nous conduit à définir la forme d'und’un corps en mouvement comme l'ensemblel’ensemble des positions occupées simultanément par les différents points matériels qui composent ce corps. Cela revient à dire encore que, pour définir l'espacel’espace, on ne peut envisager que l'étatl’état du système à un moment donné, on doit faire dans l'ensemblel’ensemble plus complexe de ll’Univers ''Univers une coupe à temps donné''. La conception particulièrement simple de l'Universl’Univers qui est compatible avec la mécanique et que définit le groupe de Galilée, possède cette propriété que la forme d'und’un corps est indépendante du système de référence ; ou encore que tous ces systèmes ont le même espace comme ils ont le même temps d'aprèsd’après l'hypothèsel’hypothèse du temps absolu. L'universL’univers de la mécanique, invariant dans son ensemble, se décompose ainsi en deux constituants, l’espace et le temps, séparément invariants ; nous verrons qu’il n’en est plus ainsi dans la conception de l’univers compatible avec les théories nouvelles et ceci explique pourquoi la notion générale d’Univers, tacitement contenue dans les raisonnements anciens, ne s’est explicitée d’une façon nécessaire que depuis l’abandon du groupe de Galilée exigé par les découvertes expérimentales récentes.
Dans ce langage, l'espace sera défini comme l'ensemble des événements simultanés ; de manière plus précise cette conception
nous conduit à définir la forme d'un corps en mouvement comme l'ensemble des positions occupées simultanément par les différents points matériels qui composent ce corps. Cela revient à dire encore que, pour définir l'espace, on ne peut envisager que l'état du système à un moment donné, on doit faire dans l'ensemble plus complexe de l'Univers une coupe à temps donné. La conception particulièrement simple de l'Univers qui est compatible avec la mécanique et que définit le groupe de Galilée, possède cette propriété que la forme d'un corps est indépendante du système de référence ; ou encore que tous ces systèmes ont le même espace comme ils ont le même temps d'après l'hypothèse du temps absolu. L'univers de la mécanique,
invariant dans son ensemble, se décompose ainsi en deux constituants, l'espace et le temps, séparément invariants ; nous verrons qu'il n'en est plus ainsi dans la conception de l'univers compatible avec les théories nouvelles et ceci explique pourquoi la notion générale d'Univers, tacitement contenue dans les raisonnements anciens, ne s'est explicitée d'une façon nécessaire que depuis l'abandon du groupe de Galilée exigé par les découvertes expérimentales récentes.
 
{{Astérisme}}
 
On a cru. possible, pendant le XVIIIe{{s|XVIII|e|-}} et pendant la plus {{corr|grand|grande}} partie du XIXe siècle{{s|XIX}}, de donner de tous les phénomènes physique des explications mécaniques invoquant les lois du mouvement comme phénomènes simples servant de point de départ à toute explication. Les lois de la physique devraient, à ce point de vue, posséder comme celles de la mécanique, la propriété de conserver leur forme pour toutes les transformations du groupe de Galilée compatibles avec la notion du temps absolu.
 
Nous allons montrer que dans cette hypothèse du temps absolu et en admettant, pour les phénomènes optiques, la théorie des
Nous allons montrer que dans cette hypothèse du temps absolu et en admettant, pour les phénomènes optiques, la théorie des ondulations que l'expériencel’expérience a imposée, il est impossible que la propagation de la lumière se fasse avec la même vitesse dans toutes les directions, à la fois pour divers groupes d'observateursd’observateurs en mouvement les uns par rapport aux autres. Nous allons examiner, en nous plaçant au point de vue des anciennes conceptions, la signification de l'expériencel’expérience célèbre de Michelson et Morley, destinée à comparer ces vitesses de propagation. Étant donnée l'imperfection de nos moyens directs de mesure du
 
temps, on ne peut songer à comparer entre eux les temps mis par la lumière pour parcourir un même chemin dans deux directions
Étant donnée l’imperfection de nos moyens directs de mesure du temps, on ne peut songer à comparer entre eux les temps mis par la lumière pour parcourir un même chemin dans deux directions opposées AB et BA. Les mesures de vitesse de la lumière se font toujours en ramenant, par une réflexion, la perturbation lumineuse à son point de départ et en mesurant le temps qui sépare l'émissionl’émission du retour ; avec une précision plus grande encore, grâce à l'emploil’emploi des interférences, il est possible de comparer les durées d'allerd’aller et retour dans deux directions perpendiculaires.
 
''Raisonnement I.'' — Supposons d'abordd’abord l'expériencel’expérience faite par des observateurs qui admettent que la lumière se propage avec la même vitesse dans toutes les directions, et raisonnons dans le système de référence lié à ces observateurs et à leurs appareils. Sur une plateformeplate-forme horizontale se trouve une source de lumière S dont la radiation tombe sur une lame de verre O, inclinée à 45° : une partie de la lumière incidente se réfléchit vers le miroir M, revient en O et traverse la lame pour tomber dans la lunette L ; l'autrel’autre partie de la radiation a traversé la lame O, s'ests’est réfléchie sur le miroir N et, revenue en O, s'ys’y réfléchit pour se superposer dans la lunette L au premier rayon et interférer avec lui. L'aspectL’aspect des interférences ainsi produites, et visible dans le champ de la lunette L, permet de savoir si les temps nécessaires à l'allerl’aller et retour de OM et de ON sont égaux ou non. Si ces temps sont égaux, les perturbations lumineuses apportées au foyer de la lunette par les deux rayons concordent et on a un maximum d'intensitéd’intensité lumineuse en ce point. Si la lumière se propage avec la même vitesse V dans les quatre directions OM, MO, ON, NO, les deux temps d'allerd’aller et retour sont 2ON/<math>\scriptstyle \frac{2 \mathrm{ON}}{\mathrm{V}}</math> et 2OM/V<math>\scriptstyle \frac{2 \mathrm{OM}}{\mathrm{V}}</math>. Si l'appareill’appareil est réglé de manière à donner l'aspectl’aspect d'interférenced’interférence qui correspond à l'égalitél’égalité des temps, on en conclut OM = ON et l'aspect des franges devra rester le même pour une rotation quelconque de la plate-forme, en particulier lorsqu'une rotation de 90° aura permuté les directions OM et ON.
 
{{centré|<math>\scriptstyle \mathrm{OM} = \mathrm{ON}</math>}}
 
 
et l’aspect des franges devra rester le même pour une rotation quelconque de la plate-forme, en particulier lorsqu’une rotation de 90° aura permuté les directions OM et ON.
 
Inversement, la permanence d'aspectd’aspect du phénomène optique, pendant la rotation, montre l'équivalencel’équivalence des diverses directions au point de vue de la propagation. Un fait remarquable est que cette expérience, réalisée par Michelson et Morley dans des conditions de précision telle qu'onqu’on aurait pu déceler une différence de l'ordrel’ordre du milliardième entre les deux durées de propagation, a toujours donné, en toute saison, un résultat complètement négatif au point de vue d'uned’une influence de l'orientationl’orientation de la plate-forme sur l'aspectl’aspect des franges d'interférenced’interférence dans le champ de la lunette. Montrons que ce résultat est en contradiction avec les conceptions habituelles de l'espace et du temps si l'on conserve la théorie des ondulations en optique.
Raisonnement I. — Supposons d'abord l'expérience faite par des observateurs qui admettent que la lumière se propage avec la même vitesse dans toutes les directions, et raisonnons dans le système de référence lié à ces observateurs et à leurs appareils. Sur une plateforme horizontale se trouve une source de lumière S dont la radiation tombe sur une lame de verre O, inclinée à 45° : une partie de la lumière incidente se réfléchit vers le miroir M, revient en O et traverse la lame pour tomber dans la lunette L ; l'autre partie de la radiation a traversé la lame O, s'est réfléchie sur le miroir N et, revenue en O, s'y réfléchit pour se superposer dans la lunette L au premier rayon et interférer avec lui. L'aspect des interférences ainsi produites, et visible dans le champ de la lunette L, permet de savoir si les temps nécessaires à l'aller et retour de OM et de ON sont égaux ou non. Si ces temps sont égaux, les perturbations lumineuses apportées au foyer de la lunette par les deux rayons concordent et on a un maximum d'intensité lumineuse en ce point. Si la lumière se propage avec la même vitesse V dans les quatre directions OM, MO, ON, NO, les deux temps d'aller et retour sont 2ON/V et 2OM/V . Si l'appareil est réglé de manière à donner l'aspect d'interférence qui correspond à l'égalité des temps, on en conclut OM = ON et l'aspect des franges devra rester le même pour une rotation quelconque de la plate-forme, en particulier lorsqu'une rotation de 90° aura permuté les directions OM et ON.
 
Montrons que ce résultat est en contradiction avec les conceptions habituelles de l’espace et du temps si l’on conserve la théorie des ondulations en optique.
Inversement, la permanence d'aspect du phénomène optique, pendant la rotation, montre l'équivalence des diverses directions au point de vue de la propagation. Un fait remarquable est que cette expérience, réalisée par Michelson et Morley dans des conditions de précision telle qu'on aurait pu déceler une différence de l'ordre du milliardième entre les deux durées de propagation, a toujours donné, en toute saison, un résultat complètement négatif au point de vue d'une influence de l'orientation de la plate-forme sur l'aspect des franges d'interférence dans le champ de la lunette. Montrons que ce résultat est en contradiction avec les conceptions habituelles de l'espace et du temps si l'on conserve la théorie des ondulations en optique.
 
''Raisonnement II.'' — Prenons une première position de la Terre pour laquelle l'expériencel’expérience a montré que la lumière se propage de la même manière dans toutes les directions et examinons, au point de vue du système de référence lié à la Terre à ce moment de sa course, l'expériencel’expérience faite six mois plus tard par des observateurs O' qui se meuvent par rapport aux premiers O, avec une vitesse ''v'' égale à 60 kilomètres par seconde. Supposons d'abordd’abord l'appareill’appareil orienté de manière que la direction ON soit parallèle à cette vitesse ''v''. La source S se meut, à présent, par rapport aux observateurs O ; mais dans la théorie des ondulations, la lumière qu'ellequ’elle émet doit se propager de manière indépendante du mouvement de la source, c'estc’est-à-dire, toujours pour les observateurs O, avec une même vitesse V dans toutes les directions. Quand la lumière, transmise à travers la lame O, se propage vers le miroir N, celui-ci, pour les observateurs O, fuit devant la lumière avec la vitesse ''v'' ; cette lumière, qui se propage avec la vitesse V, mettra, par suite, pour atteindre le miroir, un temps : <math>\scriptstyle \frac{\mathrm{ON}}{\mathrm{V} - v}</math>. Au retour la lame O vient au-devant de la lumière avec la vitesse v. La durée du retour sera par conséquent <math>\scriptstyle \frac{\mathrm{ON}}{\mathrm{V} + v}</math> et le temps total pour l’aller ci retour sera
toujours pour les observateurs O, avec une même vitesse V dans toutes les directions. Quand la lumière, transmise à travers la lame O, se propage vers le miroir N, celui-ci, pour les observateurs O, fuit devant la lumière avec la vitesse v ; cette lumière, qui se propage avec la vitesse V, mettra, par suite, pour atteindre le miroir, un temps : ON/(V-v) . Au retour la lame O vient au-devant de la lumière avec la vitesse v. La durée du retour sera par conséquent ON/(V+v) et le temps total pour l'aller ci retour sera
 
{{centré|<math>\scriptstyle t_{1} = \frac{\mathrm{ON}}{\mathrm{V}-v} + \frac{\mathrm{ON}}{\mathrm{V}+v} = \mathrm{ON} \frac{2V2\mathrm{V}}{\mathrm{V}^2-v^2}</math>}}
 
La lumière réfléchie sur la lame O vers le miroir M trouvera à son retour, la lame O déplacée et devra parcourir les deux côtés du triangle isocèle OM1O1OM{{ind|1}}O{{ind|1}} dont la hauteur est égale à OM et tel que les chemins OM1O1OM{{ind|1}}O{{ind|1}} et OO1OO{{ind|1}} sont parcourus pendant le même temps, le premier par la lumière avec la vitesse V, le second par la lame O avec la vitesse ''v''. Ce temps a pour valeur
 
{{centré|<math>\scriptstyle t_{2} = \frac{OO1\mathrm{OO}_1}{v} = \frac{2 \fracmathrm{OM1OM}_1}{v} = \frac{2 \fracmathrm{OM}}{\sqrt{\mathrm{V}^2-v^2}}</math>}}
 
Si l'appareill’appareil est réglé pour donner l'aspectl’aspect de franges qui correspondent à l'égalitél’égalité des temps, on doit avoir t1t{{ind|1}} = t2t{{ind|2}} d'oùd’où
 
{{centré|<math>\scriptstyle \frac{\mathrm{ON}}{\mathrm{OM}} = \sqrt{1 - \sqrt{ \frac{v^2}{\mathrm{V}^2}}</math>}}
 
Supposons maintenant qu'onqu’on fasse tourner la plate-forme de 90°. Les distances ON et OM permutent leurs directions. La durée d'allerd’aller et retour dans la direction de la vitesse v devient
 
{{centré|<math>\scriptstyle t'_{1}_1 = \mathrm{OM} \times \frac{2V2 \mathrm{V}}{\mathrm{V}^2-v^2}</math>}}
 
et dans la direction perpendiculaire
 
{{centré|<math>\scriptstyle t'_{2}_2 = \frac{2 \fracmathrm{ON}}{\sqrt{\mathrm{V}^2-v^2}}</math>}}
 
Le rapport de ces temps est
 
{{centré|<math>\scriptstyle \frac{t'_{2}_2}{t'_{1}_1} = \sqrt{1 - \frac{v^2}{\mathrm{V}^2}} \times \frac{\mathrm{ON}}{\mathrm{OM}} = 1 - \frac{v^2}{\mathrm{V}^2}</math>}}
 
Les durées de propagation doivent donc être inégales : l'écartl’écart relatif étant égal au carré du rapport de la vitesse ''v'' à la vitesse de la lumière. Pour ''v'' = 60 &nbsp;km. par seconde et V = 300 000 {{formatnum:300000}}&nbsp;km., cet écart est de 1 / {{sfrac|25 000 000}} ou 40 milliardièmes, c'estc’est-à-dire tel que la précision des mesures est largement suffisante pour le mettre en évidence s'ils’il existe. On devrait s'attendres’attendre à ce que l'égalitél’égalité des durées de parcours, réalisée pour une première position de la plate-forme cesse d'existerd’exister quand on fait tourner celle-ci, que l'aspectl’aspect des interférences vues dans la lunette change à mesure que la plate-forme tourne.
 
Contrairement à cette prévision, l'expériencel’expérience donne toujours un résultat complètement négatif. On peut donc affirmer que l'associationl’association de la théorie des ondulations en optique et d'und’un univers régi par le groupe de Galilée est en contradiction avec l'expériencel’expérience. D'autresD’autres phénomènes que la propagation de la lumière ont été utilisés pour essayer de mettre en évidence le mouvement d'ensembled’ensemble d'und’un système par des expériences intérieures au système. Les phénomènes électromagnétiques autres que ceux de l'optiquel’optique, qui en constituent une branche particulière, conduisent à des résultats analogues qu'onqu’on discuterait comme nous l'avonsl’avons fait pour l'expériencel’expérience de Michelson et Morley.
 
{{Astérisme}}