« Jour de fête » : différence entre les versions
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Ligne 19 :
J’étais parti pour fuir la fête, la fête odieuse et tapageuse, la fête à pétards et drapeaux, qui déchire l’oreille et crève les yeux.
Pourquoi dire où j’allais ? Qu’importe ! je suivais à pied le bord d’une rivière, et j’apercevais au loin les trois clochers d’une église ancienne au-dessus d’une petite ville où j’arriverais tantôt. L’herbe jeune, brillante, l’herbe du printemps poussait sur la berge en pente jusqu’à l’eau, et l’eau coulait vive et claire, dans ce lit vert et luisant, une eau joyeuse qui semblait courir comme une bête en gaieté dans une prairie.
Ligne 33 :
Jamais l’œil ardent d’un amoureux n’a cherché le secret caché dans l’œil de sa bien-aimée avec plus d’angoisse et de ténacité que l’œil du pêcheur qui cherche à deviner quelle bête a mordillé l’appât dans la profondeur de l’eau.
Chantez donc la passion, ô poètes ! La voilà !
Est-il possible que des hommes d’intelligence reviennent durant toute leur vie passer leurs jours, du matin au soir, à désirer, de toute leur âme, de toute la force de leurs espérances, cueillir au fond de l’eau, avec une pointe d’acier, un tout petit poisson, qu’ils ne prendront peut-être jamais !
Ligne 43 :
Sur une terrasse qui dominait la rivière, une femme accoudée songeait. Où donc allait son rêve ? Vers l’impossible, vers l’irréalisable espoir, ou vers quelque bonheur vulgaire accompli déjà.
Quoi de plus charmant qu’une femme qui rêve ? Toute la poésie du monde est là dans l’inconnu de sa pensée. Je la regardais. Elle ne me voyait pas.
Ligne 63 :
Je me trouvai, par hasard, devant l’église dont j’avais vu de loin, la veille, les deux tours. J’y entrai. Elle était vide, haute, froide, morte. Au fond du chœur obscur, brillait, comme un point d’or, la lampe du tabernacle. Et je m’assis dans ce repos glacé.
Au
Je songeais à mille choses obscures du fond de la pensée, qui montent à la surface, un jour, on ne sait pourquoi. Et je me disais que les églises ont du bon, les jours où l’on ne chante pas dedans.
Quelqu’un entrait d’un pas rapide et léger. Je retournai la tête. C’était une femme ! Elle alla vite, voilée, le front baissé, jusqu’à la grille du chœur ; puis elle tomba sur les genoux, comme tombe un animal blessé. Elle se croyait seule, bien seule, ne m’ayant pas vu derrière un pilier. Elle mit sa face dans ses mains, et je l’entendis pleurer.
Oh ! elle pleurait les larmes brûlantes des
Les sons d’une fanfare bruyante, éclatant dans une rue voisine, m’arrivaient affaiblis à travers les murs de l’église ; mais tout le bruit du peuple en gaieté ne me paraissait plus qu’une insignifiante rumeur à côté du petit sanglot qui passait à travers les doigts fins de cette femme.
Ah ! pauvre cœur, pauvre cœur, comme je la sentais, sa peine inconnue ! Quoi de plus triste sur la terre que d’entendre pleurer une femme ?
Je me dis soudain :
Hier, elle attendait. Quoi ? Une lettre ? Une lettre qui lui avait dit
Et je songeais, prêt à sangloter moi-même, tant est puissante la contagion des larmes :
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