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elle, renaît sous une autre forme. Elle a touché à tant de gens et à
elle, renaît sous une autre forme. Elle a touché à tant de gens et à tant de choses qu’elle se renouvelle sans cesse, au moment où on s’y attend le moins, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, comme si tout le corps social et politique en avait été infesté. Personne assurément n’aurait pu croire que la grande-chancellerie de la Légion d’honneur, qui échappe par sa composition même à tout soupçon non seulement de complaisance, mais de faiblesse, en serait un jour atteinte par un ricochet inopiné. Il en a été ainsi pourtant. On a dit beaucoup, pendant la discussion, que le peuple était « simpliste ». Nous n’aimons pas ce mot qui est né au hasard des improvisations parlementaires : il signifie sans doute que le peuple n’aperçoit pas les choses dans leur complexité, mais que ses yeux en sont frappés par une résultante toujours simple et, par cela même, inexacte. Aussi, bon gré mal gré, l’impression produite par la question Eiffel et par la discussion qu’elle a provoquée est que quelqu’un n’a pas fait tout son devoir ; mais qui ? on n’en sait rien. La confusion du débat s’est répandue dans les esprits. Est-ce le gouvernement qui a eu tort ? est-ce la grande-chancellerie ? est-ce la Chambre ? La difficulté où l’on est de répondre avec certitude a rendu l’incertitude plus pénible. Lorsque de pareilles questions sont posées, il faut les résoudre tout de suite, et ne pas en remettre la solution à une loi ultérieure. Au surplus, c’est se bercer d’une illusion un peu puérile que de croire ici à l’efficacité d’une loi quelconque. On pourra faire toutes celles qu’on voudra sans que la conscience publique soit en rien allégée. M. le garde des sceaux a essayé de le faire sentir à la Chambre. « Je pense, a-t-il déclaré, que si vous modifiez les lois organiques de la Légion d’honneur tout en y maintenant un conseil de discipline, si vous confiez l’appréciation des faits disciplinaires à des juges, vous aurez substitué des hommes à des hommes sans supprimer la possibilité d’erreurs. » Alors que faire ? M. Trarieux ne l’a pas dit. Il s’est même refusé à user de l’initiative gouvernementale pour préparer un projet de loi quelconque ; et si, un peu plus tard, M. le président du Conseil, entraîné par le mouvement de la Chambre, a promis au contraire de déposer ce projet, il s’est appuyé, pour en montrer l’utilité, sur les argumens les plus étrangers à la cause. De quoi s’agissait-il, en effet ? De la non-radiation de M. Eiffel. Et de quoi a parlé M. Ribot ? Du droit, exorbitant d’après lui, qu’une loi récente a attribué à la grande-chancellerie de donner son avis sur les propositions de décoration faites par le gouvernement. La grande-chancellerie a-t-elle exercé ce droit ? C’est probable ; n’est-ce pas pour cela qu’on le lui avait donné ? L’avait-elle demandé, sollicité ? Non, assurément ; mais à cette époque la Chambre était beaucoup moins frappée de la nécessité de faire sortir de la Légion d’honneur quelques-uns de ses membres que de la facilité avec laquelle on les y avait fait entrer. C’est contre ce mal qu’elle a voulu
tant de choses qu’elle se renouvelle sans cesse, au moment où on
s’y attend le moins, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, comme
si tout le corps social et politique en avait été infesté. Personne assurément
n’aurait pu croire que la grande-chancellerie de la Légion
d’honneur, qui échappe par sa composition même à tout soupçon non
seulement de complaisance, mais de faiblesse, en serait un jour
atteinte par un ricochet inopiné. Il en a été ainsi pourtant. On a dit
beaucoup, pendant la discussion, que le peuple était « simpliste ».
Nous n’aimons pas ce mot qui est né au hasard des improvisations
parlementaires : il signifie sans doute que le peuple n’aperçoit pas les
choses dans leur complexité, mais que ses yeux en sont frappés par
une résultante toujours simple et, par cela même, inexacte. Aussi,
bon gré mal gré, l’impression produite par la question Eiffel et par
la discussion qu’elle a provoquée est que quelqu’un n’a pas fait tout
son devoir ; mais qui ? on n’en sait rien. La confusion du débat s’est
répandue dans les esprits. Est-ce le gouvernement qui a eu tort ? est-ce
la grande-chancellerie ? est-ce la Chambre ? La difficulté où l’on est
de répondre avec certitude a rendu l’incertitude plus pénible. Lorsque
de pareilles questions sont posées, il faut les résoudre tout de suite, et
ne pas en remettre la solution à une loi ultérieure. Au surplus, c’est
se bercer d’une illusion un peu puérile que de croire ici à l’efficacité
d’une loi quelconque. On pourra faire toutes celles qu’on voudra sans
que la conscience publique soit en rien allégée. M. le garde des sceaux
a essayé de le faire sentir à la Chambre. « Je pense, a-t-il déclaré,
que si vous modifiez les lois organiques de la Légion d’honneur tout en
y maintenant un conseil de discipline, si vous confiez l’appréciation
des faits disciplinaires à des juges, vous aurez substitué des hommes
à des hommes sans supprimer la possibilité d’erreurs. » Alors que
faire ? M. Trarieux ne l’a pas dit. Il s’est même refusé à user de l’initiative
gouvernementale pour préparer un projet de loi quelconque ; et
si, un peu plus tard, M. le président du Conseil, entraîné par le mouvement
de la Chambre, a promis au contraire de déposer ce projet, il
s’est appuyé, pour en montrer l’utilité, sur les argumens les plus
étrangers à la cause. De quoi s’agissait-il, en effet ? De la non-radiation
de M. Eiffel. Et de quoi a parlé M. Ribot ? Du droit, exorbitant d’après
lui, qu’une loi récente a attribué à la grande-chancellerie de donner
son avis sur les propositions de décoration faites par le gouvernement.
La grande-chancellerie a-t-elle exercé ce droit ? C’est probable ;
n’est-ce pas pour cela qu’on le lui avait donné ? L’avait-elle demandé,
sollicité ? Non, assurément ; mais à cette époque la Chambre était
beaucoup moins frappée de la nécessité de faire sortir de la Légion
d’honneur quelques-uns de ses membres que de la facilité avec
laquelle on les y avait fait entrer. C’est contre ce mal qu’elle a voulu