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duc de Morny à ma tante Rosine. Elle fit un « chut ! » rieur. Maman soupira en approchant des laines tout près de ses yeux pour les échantillonner.

« ...Mais il faut être riche pour entrer au couvent, et tu n’as pas le sou !... » grommela le notaire du Havre. Je me penchai vers Mlle de Brabender et lui soufflai à l’oreille : « J’ai l’argent que papa m’a laissé. » Le méchant homme avait entendu. « ...Ton père t’a laissé de l’argent pour te marier ! — Eh bien, j’épouserai le bon Dieu ! »

Et ma voix, cette fois, était résolue ; et je devins rouge. Et pour la seconde fois dans ma vie, je me sentis le désir, la volonté de combattre. Je n’avais plus peur. On m’agaçait trop.

Je lâchai mes deux tendres protectrices, et m’avançai vers le groupe : « Je veux être religieuse ! Je le veux ! Je sais que papa m’a laissé de l’argent pour me marier ; mais je sais aussi que les religieuses épousent le Sauveur. Maman m’a dit que cela lui était égal ; alors, je ne lui fais pas de peine, à maman. On m’aime plus au couvent qu’ici ! »

Alors, mon oncle m’attira vers lui : « Ma chérie, me dit-il, ta foi me semble surtout un besoin d’aimer... — ...et d’être aimée », murmura tout bas Mme Guérard. Tout le monde jeta un regard vers maman qui haussa légèrement les épaules. Ce regard me semblait lourd de reproches, et je me sentis mordue au cœur par le remords. Je m’approchai de ma mère et, lui jetant les bras autour du cou : « N’est-ce pas que tu veux bien que je sois religieuse, et que cela ne te fera pas de peine ? »

Maman caressa mes cheveux dont elle était fière : « Si ! cela me fera de la peine ! Car tu sais bien qu’après ta sœur, tu es ce que j’aime le plus au monde. » Elle