« Note sur les sceaux de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem » : différence entre les versions

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{{Titre|[[M. J. Delaville Le Roux]]<br /><small>Associé correspondant national de la Société nationale des Antiquaires de France.</small><br /><br />|[[Note sur les sceaux de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem]]<br /><br /><br /><br /><small>Extrait des ''Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France'', tome XLI.</small><br /><br /><br /><br /><br /><br />|PARIS<br />1881|clé de rangement}}
 
L'étude des sceaux de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem n'a jusqu'à présent donné lieu à aucun travail d'ensemble; on a décrit et étudié quelques sceaux, mais on était la plupart du temps arrêté par des problèmes, dont la solution eût exigé tout un ensemble d'observations antérieures se soutenant l'une l'autre, et permettant ainsi d'établir, à l'aide d'un grand nombre de faits concordants, des inductions irréfutables. Je n'ai pas la prétention de résoudre ici toutes ces questions restées jusqu'ici en suspens, et moins encore de me livrer à l'étude générale de la sigillographie de l'ordre de l'Hôpital ; un tel travail, pour être mené à bonne fin, demande de longues années ; mais j'ai cru qu'il était possible d'arriver à résoudre ces problèmes en les abordant d'un autre côté qu'on ne l'avait fait jusqu'à présent. Au lieu de commencer par m'occuper des monuments eux-mêmes, j'ai pensé qu'en dépouillant les documents d'archives, les statuts de l'ordre, les données diverses qu'offrent les manuscrits historiques, on pourrait trouver à ''priori'' sur la sigillographie de l'ordre de Saint-Jean des renseignements intéressants, et que partant de ces renseignements on pourrait arriver aux solutions désirées en les rapprochant des observations que mes devanciers avaient faites à ''posteriori''.
 
Le résultat obtenu n'a pas trompé mon attente, et ce travail de rapprochement m'a amené à pouvoir non seulement répondre à la plupart des questions qui se posaient aux érudits, mais encore établir la justesse et la légitimité des documents écrits relatifs à la matière : contrôlant ainsi des textes par les monuments et des monuments par les textes.
 
Nous avons, sur la sigillographie de l'ordre de Jérusalem, un document de première importance qui passe ne revue non seulement les sceaux du grand maître, mais encore ceux des principaux dignitaires de l'ordre ; document d'autant plus précieux que nous pouvons conclure de la justesse avec laquelle y sont décrits les spécimens connus, à l'exactitude de la description qu'il nous donne des types encore inconnus et beaucoup plus nombreux qu'il énumère.
 
Il est tiré d'un manuscrit des statuts de l'ordre de Jérusalem, écrit dans les dernières années du XIII<sup>e</sup> siècle ; nous pensons même que le passage que nous reproduisons ici est plus ancien et a été transcrit à nouveau d'après une version antérieure dans le manuscrit, puisqu'il y est fait mention du châtelain du Krac, et que cette forteresse fut enlevée aux Hospitaliers sous le magistère de Hugues Revel (1271) ; de même le seceau capitulaire, établi, comme nous le verrons plus loin, par une décision du chapitre général de 1278, n'est pas mentionné dans notre document. Nous croyons donc qu'il convient d'en reporter l'âge au milieu du XIII<sup>e</sup> siècle. En voici le texte :
 
<div style="text-align:center;">''Ci dit des bulles que le maistre et les autres baillis del hospital bullent.''</div>
 
« Premièrement le maistre bulle de II bulles , I de plomb, autre de cire. Et celle de plomb est de l'une partie le maistre à genoillons par devant la crois ; d'autre partie est I cors d'ome mort d'avant devant I tabernacle. Et cele de cire noire a dimi home.
 
« 2. ─ Apres le grant comandeor general d'outre mer bulle d'une bulle come le maistre en cire.
 
« 3. ─ Le grant comandeor desa mer bulle de cire vert al oizieal grif.
 
« 4. ─ Le mareschal de cire vert avec I chevalier armé o totes armes avec I confanon en la main.
 
« 5. ─ L'ospitalier bulle de cire noire avec I lit où il ai I malade et I fraire qui que li doint à mangier.
 
« 6. ─ Le comandor de Chipre bulle d'une bulle euque y a une barca sens arbre et sens veille.
 
« 7. ─ Le comandor d'Ermenie bulle d'un demi-leon.
 
« 8. ─ Le chastellan dou Margat bulle d'une oliflant.
 
« 9. ─ Le chastelain dou Crac d'un chastel.
 
« 10. ─ Le drapier et le tresaurier bullent chascun de lor bulles.
 
« 11. ─ Le prior de saint Gile de cire noire avec I agnus Dei.
 
« 12. ─ Le prior de France bulle de cire vert avec I algie à II flordiles de costé.
 
« 13. ─ Le grant comandor de Alamaigne bulle d'une bulle de cire vermeille ou I saint Johan Batptiste.
 
« 14. ─ Le grant comandor d'Espaigne bulle d'une bulle avec I aigle de cire vert.
 
« 15. ─ Le chastellain d'Anposte bulle de cire vert avec I chastell.
 
« 16. ─ Le prior de Navare bulle de sa bulle.
 
« 17. ─ Le prior de Castelle avec I castel o cire noire.
 
« 18. ─ Le prior de Catulia bulla de cire vert, la meite seyal del rey d'Aragon, el altre meytet I crois<ref>Bibl. nat., franç. 6049, f. 298.299.</ref>. »
 
Il est difficile, croyons-nous, de trouver un texte plsu précis et plus complet. Nous allons, dans le présent travail, grouper autour de lui ce que nous savons des sceaux des grands maîtres, du couvent et des dignitaires de l'ordre ; nous espérons ainsi compléter en plusieurs points les mentions qu'il nous fournit et confirmer en même temps leur exactitude.
 
==I. SCEAUX DES GRANDS MAITRES ET DU COUVENT.==
 
===§ I. ''Sceaux de cire et de plomb.''===
 
Les grands maîtres de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem ont eu, dès le XII<sup>e</sup> siècle, deux sceaux différents, l'un en cire ─ ce fait nous est attesté par les statuts de l'ordre, dès l'époque d'Alphonse de Portugal (avant 1204), ─ l'autre en plomb, contemporain de la fondation de l'ordre, et dont nous connaissons des exemplaires dès l'époque de Castus et de Rostagnus (1169-1171).
 
Il est assez difficile de préciser l'usage que les grands maîtres faisaient de l'un et de l'autre ; les termes des statuts ne sont pas suffisants pour éclaircir la question :
 
« Quand le maistre et le covent s'assemblent pour faire grant comandour en l'ospital, il est establi premier, e a la bulle dou maistre de cyre, et il bulle de cele par tous les leus là où le maistre n'en est, et a commandement par tous les leus desà mer.....
 
« Et après le grant commandeour estoit establi le tresorier. il bulloit en nom [de la bulle] du maistre, de la bulle du maistre en cire, et sa bulle duroit tant comme la bulle de la table de l'ospital de Jérusalem<ref>Statuts de l'ordre. (Alphonse de Portugal, n<sup>os</sup> 26 et 29. ─ Bible. nat., fonds franç. 1978, p. 50-1 ; 13531, f. 20.)</ref>. »
 
Nous croyons cependant, en tenant compte de la nature des documents scellés de cire qui nous sont parvenus des textes cités plus haut, qu'on doit admettre que le sceau de plomb était réservé aux actes les plus importants, à ceux dans lesquels le grand maître n'était pas seul en cause, mais agissait de concert avec le couvent ; le sceau de cire servait, au contraire, à sceller les actes d'un caractère particulier, que le grand maître suffisait à accomplir sans l'assistance du chapitre de l'ordre.
 
La bulle de la table de l'Hôpital de Jérusalem, dont parlent les statuts d'Alphonse de Portugal, ne devait être autre chose que la bulle de plomb, portant d'un côté l'effigie du grand maître en exercice et de l'autre celle de l'Hôpital. ─ A chaque changement de maître il fallait changer le type de l'avers ; il fallait aussi reprendre la bulle de cire des mains du grand commandeur ou du trésorier ; comme la bulle de plomb, elle devenait sans effet. Peut-être cependant appelait-on ainsi une bulle de cire qui, au XIV<sup>e</sup> siècle, était désignée sous le nom de « bulle commune de cire », et dont nous ne connaissons aucun exemplaire, à moins pourtant que le sceau que Pauli a reproduit, sous le n° 30 de sa planche III, ne soit cette bulle de la table de l'Hôpital. Elle porte l'agneau pascal avec l'inscription SIGILLVM S. IOANNIS ─ et au revers une croix grecque avec la légende : † HOSPITALIS. IHRLM.
 
Il nous reste enfin à parler d'une autre bulle de plomb, la bulle capitulaire, dont nous connaissons exactement l'origine et la destination. Sa création fut décidée en 1278 sous le magistère de Nicolas Lorgne ; les actes auxquels elle dut être appendue furent spécifiés avec précision au chapitre génréal tenu à Acre, cette mêem année, comme on le verra par le document qui suit :
 
<div style="text-align:center;">''Chapitre d'Acre de 1278 (Nicolas Lorgne)''<ref>Bibl. nat. franç. 13531, f. 25. ─ Cf. 1778, f. 70-1. ─ Cet établissement est analysé assez inexactement dans les ''Statuts'' de l'ordre édité par J. Bosio à Rome en 1589, tit. VII, 38, p. 124.</ref>.</div>
 
« Premierement fu establi par le commun acort du convent que uns coins deusses estre faiz, les quiex coins fussent au nom du maistre et du convent ; des quiex coins se doivent buller toutes les chartes des donacions qui se feront perpetuaus ou à vie par acort du convent soit à frere ou agent du siecle ou à autre gent d'iglise.
 
« Item, encore doivent estre bullées de ces coins toutes manieres de vendicions ou eschanges qui se feroient par conseil du convent et du maistre. C'est assavoir des possessions et des choses establies.
 
« Item, il est establi que de la meisme bulle fussetn bullées les chartes des reparacions et de toutes les baillies par chapitre general et toutes la repelacion des maisons qui auroient esté données à vie de frere par acort du maistre et du convent.
 
« Item, est establi que toutes manieres d'obligacions qui se feront par conseil do maistre et du convent et de composicions et de changes d'une possession à autre et de toutes manieres d'emprises et de toutes manieres de procuracions qui à riens puissent estre valables soient bullées de la dessus dite bulle.
 
« Item, encore fu establi que la dite bulle fust souz la bulle du maistre et en la garde du tresorier souz la bulle du grant comandour d'Acre et du mareschal et de l'ospitalier.
 
« Item, il est establi que, sur touz les faiz qui ne sont escripz en cest establiment, que la bulle du maistre que il a, sa en arrieres, eu soit de plon ou de cire soit valable et obeye aussi comme elle a esté ça en arrieres. »
 
Quelques années plus tard, les abus qui se produisaient dans l'expédition des actes et la complaisance apportée apr les fonctionnaires qui avaient charge de les sceller, attirèrent l'attention du chapitre général (Limasson, 28 sept. 1302) et il fut décidé que les bulles ne devaient être apposées qu'après la lecture de l'acte, en présence du grand commandeur, du maréchal, de l'hospitalier, du trésorier et de clui qui « escript les accordemens qui se font au chapitre<ref>Établissements de Guillaume de Villaret. ─ Bibl. nat., fonds franç. 13531, f. 32 v°.</ref> » ; les sceaux des prieurs donnèrent également lieu à plusieurs réglementations dont nous parlerons plus bas.
 
Au milieu du XIV<sup>e</sup> siècle, une tentative en sens contraire eut lieu sous Roger des Pins ; le chapitre décida que la bulle du grand maître suffirait pour authentiquer les donations de baillies faites temporairement ; mais quelques années plus tard on sentit la nécessité de revenir sur cette résolution, et sous Raymond Bérenger on rétablit l'obligation de la bulle commune pour ces sortes de donations, ─ sauf pour les censives à Rhodes que le grand maître put donner sous son seul sceau<ref>Établissement de Roger des Pins, n° 14 (18 février 1358, n. s.). ─ « Item est establi que lettre de baillie qui sera donné à temps sur année deça mer au convent au conseil des preudhommes soit bullée seullement de la bulle du maistre et que autant de auctorité et de valeur ait comme se elle fust bullée de la bulle commune du maistre et du convent. » (Bibl. nat., fonds franç. 1080, f. 48 v°.)<br /> Établissement de Raymond Béranger, n° 7 (5 mars 1367, n. s.). ─ « Item est establi que, non obstant l'establissement de maistre Rogier des Pins, les lettres des prieurs et des baillis et maisons qui seront donnés par le maistre et le convent soyent bullées de la bulle commune, et à donner terres ou vignes à sensive en l'isle de Rodes soit vaillable la bulle du maistre en aultres choses comme est acoustumé. » (Bibl. nat., fonds franç. 1980, f. 50.)</ref>.
 
L'absence du grand maître de Rhodes rendait souvent difficile l'expédition des affaires, et notamment celle des actes qu'on ne pouvait sceller ; sous la lieutenance de Bertrand Flote, le chapitre général (20 fév. 1379 n. s.) donna valeur égale au sceau du lieutenant apposé en l'absence du grand maître.
 
Nous citons ici le texte de cet établissement parce qu'il donne de nombreux détails sur la manière dont s'expédiaient les actes à la chancellerie de l'ordre :
 
« Item, que les graces faictes ou temps passé aulx freres du convent et à aultres delà mer par le lieutenant de maistre et le convent n'ont pas esté enterinées ne misses à execucion pour la cause et occasion de ce que elles estoient bullées de la bulle commune de cire et non de bulle de plomb comme de maistre et de convent ; pour laquelle chose ceulx aulxqueulx furent faictes les graces ont souffert maintes paines et travaulx ; pour quoi, à l'instance et requeste des freres des VII langues ad ce, pour occasion de ce que dit est, les graces faictes par les dessus dis aulx freres deça mer et delà mer ne puissent estre empeschées ne reffusées que elles ne ayent leur effect, est establi que le lieutenant du magister, ledit maistre estant hors de l'isle de Rodes, doye et puisse buller de bulle de plomb commune de lui et de convent, et que tous freres et subjects de l'ospital en vertu de sainte obedience et du sacrement qu'ilz ont en la religion doyent et soient tenus de obeir aulx lettres seellées de telle bulle et à icelles adjouster et donner plainiere foy sans contredit. Et est establi que la dicte bulle soit tenue et gardée pour la maniere que a esté acoustumé de garder et tenir la bulle commune du maistre et de convent. Et encores est establi que le maistre venu et estant au convent, la dicte bulle en assemblée soit cassée, le serement premierement fait, et toutes les lettres et graces aultres baillées de la dicte bulle demourans et estans en leur valeur et vigueur selon la forme et le contenu d'icelles, par le maistre à present ne ses successeurs ne puisse estre reffusée des dictes graces et lectres la confirmacion à ceulx qui la vouldroit avoir<ref>Bibl. nat., fonds franç. 1080, f. 56 v°-57.</ref>. »
 
Le sceau capitulaire subsista jusqu'à nos jours, et est encore employé à la chacellerie de l'ordre actuel, à Rome<ref>La même bulle, au lieu d'être scellée en plomb, est employée, de nos jours, simplement sur papier renforcé d'un pain à cacheter pour sceller les extraits de décrets ou de délibérations conciliaires.</ref>. Les deux sceaux du grand maître existaient encore au XVIII<sup>e</sup> siècle, et leur usage était défini ; la bulle de plomb, ayant d'un côté sa figure, et de l'autre le coin commun, servait à sceller toutes les patentes expédiées par prééminence magistrale ; l'autre, d'argent, qu'on bullait en cire noire, était réservée aux autres patentes<ref>Cette bulle était plaquée sur cire noire. Nous en avons des exemples nombreux, notamment de Lascaris et de Cotoner. (Arch. des Aff. étrang. Malte, ''passim''.)</ref>. Enfin un cachet avait été ajouté aux sceaux primitifs, il était aux armes du grand maître, qui l'employait à cacheter ses lettres aux princes étrangers et aux personnes de qualité<ref>Arch. nat., MM. I, p. 26.</ref>. Actuellement, le grand magistère se sert de deux sceaux aux armes de l'ordre, ayant pour inscription, l'un : MAGISTERIUM ORD. S. JOAN. HIER., et l'autre : GRAN MAGISTERO DELL'ORDINE SOV. DI MALTA. Si l'on y ajoute un timbre à sec, qui autour de la croix à huit pointes porte l'inscription : CANCELLERIA DEL S. M. O. GEROSOLIMITANO, et qui est apposé aux actes émanant de la chancellerie et signés par le chancelier, on voit comment ont été remplacés les sceaux et les cachets du grand maître : ils ont
 
[[Image:Delaville Sceaux p 13a]]
 
pris un caractère impersonnel en devenant les sceaux du ''magistère'', et non plus ceux du ''grand maître''.
 
===§ II. ''Types de sceaux''.===
 
Le type de plomb des sceaux magistraux est toujours le même. Il s'est conservé ainsi depuis l'origine de l'ordre jusqu'à sa chute ; le plus ancien que nous connaissions est celui de Castus, en 1169. Il est rond, avec la figure du grand maître de profil, tourné à droite, les mains jointes, agenouillé devant une croix à double traverse ; des deux côtés de la hampe sont les lettres A Ω. La légende, entre deux grenetis, en assez gros caractères porte : † CASTVS CVSTOS. Au revers un personnage couché. Au-dessus de lui, un édifice à coupole centrale et deux coupoles latérales plus petites avec lampe suspendue à cette coupole ; une croix à la tête du personnage couché et une croix à ses pieds. Comme légende : † HOSPITALIS HIERVSALEM, entre deux grenetis, en gros caractères.
 
Ce sceau a été publié dans Pauli<ref>Pauli. ''Cod. Dipl.'' I, tabl. VIII, n° 2. ─ Arch. de Malte, div. I, vol. XVI, pièce 1. ─ Voir ''planche'' II, n<sup>os</sup> 1-2.</ref> ; il est conservé à Malte ; nous en donnons une reproduction plus fidèle.
 
Une seule modification s'est produite dans le type de sceau : au bas de la croix on a pris, dès le commencement du XIV<sup>e</sup> siècle<ref>Le crâne d'Adam apparaît sous Guillaume de Villaret ; M. Schlumberger ne le reconnaît pas dans le sceau de son successeur Foulques de Villaret ; mais, à partir d'Hélion de Villeneuve, il figure dans tous les sceaux jusqu'à la fin du XV<sup>e</sup> siècle.</ref>, l'habitude de placer une figure dans laquelle on a cru reconnaître le crâne d'Adam sur lequel la tradition voulait qu'eût été plantée la croix au Calvaire ; cette pièce s'est bientôt transformée en une sorte de M oncial ; dans les sceaux des prieurs d'Angleterre, dont le type est analogue, la croix repose sur un monticule ; peut-être le monticule successivement réduit a-t-il donné naissance à une sorte de boule, analogue à celle qui figure dans le sceau de Rostagnus<ref>Schlumberger. Revue archéologique, 1876 : ''Deux sceaux et une monnaie des grands-maîtres de l'Hôpital'', p. 3.</ref>, signalé par M. Schlumberger, et de là les graveurs ont-ils fait ce que nous voyons sur plusieurs des sceaux de l'Hôpital.
 
Quoi qu'il en soit, le sceau du grand maître J.-B. Orsini (1467-76) est le dernier sur lequel nous trouvons cette pièce ; le cardinal d'Aubusson (1476-1503) s'affranchit du type consacré, en plaçant la croix sur une sorte de prie-Dieu avec le chapeau cardinalice et les armoiries de sa maison ; l'artiste a cédé à une préoccupation artistique, mais ce sceau n'est qu'une exception<ref>V. Arch. de Malte, div. I, vol. XVI, pièce 72.</ref> ; les successeurs du cardinal rentrent dans la tradition.
 
quant à la légende, elle s'est peu modifiée. A celle du XII<sup>e</sup> siècle, on ajoute le mot ''frater'' après le magistère de Guérin de Montaigu (1210-1230)<ref>Schlumberger : ''Sceaux et bulles de l'Orient latin au moyen âge'', 1879, p. 49.</ref> ; sous Hélion de Villeneuve, elle devient FRATER ELIONUS CUSTOS PAUPERUM (gravé PAM <!--AM surlignés--> chez lui) ; enfin à partir du grand maître J.-F. d'Heredia, elle est : JOHNS <!--N surligné--> FERDINANDI D. EREDIA MAGISTER, pour subsister ainsi sans changements.
 
Le type du revers a donné lieu chez les numismates à beaucoup de conjectures. Le personnage couché est pour les uns un malade atteint de la peste, pour les autres le Christ au tombeau<ref>Pour la première opinion, Friedlænder : ''Zeitschrift für Numismatik.'' Berlin, IV, 1878, p. 221, et : ''Münzen des Johanniter-Ordens auf Rhodus.'' Berlin, 1843, p. 10 ; V. Langlois : ''Recherches sur les monnaies frappées à Rhodes,'' p. 9, d'après Friedlænder ; K. Herquet : ''Juan Ferrandez de Heredia,'' Mülhausen i. Th, 1878, p. 87 ; pour la seconde, Demay : ''le Costume au moyen âge d'après les sceaux.'' Paris, 1880, p. 336 ; Wossberg : ''Die Siegel der Mark Braudenburg,'' Berlin, 1868, p. 23. ─ G. Schlumberger : ''Sceaux des chevaliers de l'Hôpital'' (Rev. arch. 1876, p. 5-6) ne se prononce pas.</ref>. Le texte que nous avons publié donne tort à ceux-ci comme à ceux-là. D'après ce texte, ce n'est pas un malade, ─ le malade ne figurait que sur le sceau de l'hospitalier, accompagné d'un frère qui lui donnait à manger ; ce n'est pas non plus l'image du Christ, mais un « cors d'ome mort d'avant » placé devant un tabernacle. Cette interprétation, devenue certaine par le texte cité plus haut, avait déjà été formellement donnée dès 1781 par le Père P. A. Paoli, neveu de l'auteur du ''Codice Diplomatico ;'' elle avait échappé jusqu'à ce jour à tous les commentateurs. Le Père Paoli repousse l'hypothèse de ceux qui voyaient dans cette représentation un malade couché sur un lit d'hôpital ; il y reconnaît le Saint-Sépulcre et un mort dans son cercueil. Il est entouré de bandelettes, dit-il, à la mode orientale, et le corps est exposé sous la lampe et les voûtes du Saint-Sépulcre ; les voûtes, ajoute-t-il, ne diffèrent pas de celels qui figurent dans les sceaux du prieur et des chanoines de ce monastère. L'encensoir, qu'on voit aux pieds du mort, symbolise les pieux hommages qu'on rend à quiconque a cessé de vivre, et tout cet appareil serait déplacé s'il s'agissait d'un malade. Il est naturel que les Hospitaliers aient choisi la plus humble de leurs pratiques charitables pour personnifier par elle leur ordre sur leurs sceaux. La pompe de la sépulture était du reste dans les habitudes des Hospitaliers, et ils avaient obtenu des privilèges spéciaux du Saint-Siège pour ensevelir leurs confrères ; en faisant figurer sur leurs sceaux une image destinée à rappeler ce souvenir, ils ne faisaient que suivre l'exemple des princes croisés qui, presque tous, mettaient sur leurs monnaies ou leurs sceaux l'emblème de leur dévotion particulière<ref>P.-A. Paoli : ''Dell' origine ed istituto del sacro militar ordine di S. G. Gerosolimitano.'' Rome, 1781, chap. VIII, § 18 ; XI, § 30.</ref>.
 
Il reste un point à éclaircir, c'est l'apparition autour de la tête du mort d'un nimbe, parfaitement indiqué dans un grand nombre de sceaux. On comprend que le nimbe n'ait eu aucune raison d'être s'il se fût agi d'un pestiféré ; il est plus facile de penser que le graveur ait cru représenter non un mort, mais le Christ au tombeau ou quelque saint ; il est alors naturel d'admettre qu'il ait interprété l'oreillé sur lequel reposait la tête du mort pour en faire un nimbe, et comme le sentiment chrétien était loni de s'opposer à sanctifier les morts, il n'est pas étonnant que l'erreur commise par l'artiste ait subsisté, et que le symbole primitif se soit ainsi petit à petit transformé. Ce nimbe commence à se montrer sous Guillaume et Foulques de Villaret ; il est parfaitement caractérisé sous Hélion de Villeneuve et se perpétue dès lors dans la représentation du revers du sceau du grand maître.
 
Voici la liste des sceaux des grands maîtres que nous connaissons, et dont la description a été donnée ; ceux qui sont précédés d'un astérisque sont aujourd'hui perdus :
 
1. ─ * Raymond du Puy. ─ Pauli. ''Cod. Dipl.'' I. tab. VIII, n° 1 ; Pacciaudi. ''Memorie de' gran maestri'' I, 154 (d'après Pauli) ; P. Ant. Paoli, ''Dell' origine ed istituto,'' tab. unica, n° 1 (d'après Pauli).
 
2. ─ Castus [1169]. ─ Arch. de Malte, div. I. vol. XVI, pièce 1 ; Pauli, ''Cod. dipl.'' I, tab. VIII, n° 2 ; Pacciaudi, d'après pauli, II, 75.
 
 
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