« Marie Tudor (Victor Hugo) » : différence entre les versions

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La Reine.
Ah ! Le changement vous étonne ! Ah ! Je ne me ressemble plus à moi-même ! Hé bien ! Qu’est-ce que cela me fait ?
C’est comme cela. Maintenant je ne veux plus qu’il meuremeurt !
 
Simon Renard.
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La Reine.
Comme j’avais arrêté avant-hier que l’exécution aurait lieu hier ; comme j’avais arrêté dimanche que l’exécution
aurait lieu lundi. Aujourd’hui j’arrête que l’exécution aura lieu demain.
 
Simon Renard.
En effet, depuis le deuxième dimanche de l’avent que l’arrêt de la chambre étoilée a été prononcé, et que les deux
condamnés sont revenus à la tour, précédés du bourreau, la hache tournée vers leur visage, il y a trois semaines de cela,
votre majesté remet chaque jour la chose au lendemain.
 
La Reine.
Eh bien ! Est-ce que vous ne comprenez pas ce que cela signifie, monsieur ? Est-ce qu’il faut tout vous dire, et qu’une femme
mette son cœur à nu devant vous, parce qu’elle est reine, la malheureuse, et que vous représentez ici le prince d’Espagne mon
futur mari ? Mon dieu, monsieur, vous ne savez pas cela, vous autres, chez une femme, le cœur a sa pudeur comme le corps.
Hé bien oui, puisque vous voulez le savoir, puisque vous faites semblant de ne rien comprendre, oui, je remets tous les jours l’ exécution de Fabiani au
l’exécution de Fabiani au lendemain, parce que chaque matin, voyez-vous, la force me manque à l’idée que la cloche de la tour
de Londres va sonner la mort de cet homme, parce que je me sens défaillir à la pensée qu’on aiguise une hache pour cet homme,
parce que je me sens mourir de songer qu’on va clouer une bière pour cet homme, parce que je suis femme, parce que je suis faible,
que je suis faible, parce que je suis folle, parce que j’aime cet homme, pardieu ! -enEn avez-vous assez ? êtes-vous satisfait ? Comprenez-vous ?
Oh ! Je trouverai moyen de me venger un jour sur vous de tout ce que vous me faites dire, allez !
 
Simon Renard.
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La Reine.
Si le prince d’Espagne n’est pas content, qu’il le dise, nous en épouserons un autre. Nous ne manquons pas de prétendansprétendants.
Le fils du roi des romains, le prince de Piémont, l’infant de Portugal, le cardinal Polus, le roi de Danemarck et lord Courtenay
sont aussi bons gentilshommes que lui.
 
Simon Renard.
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La Reine.
Un baron anglais, monsieur, vaut un prince espagnol. D’ailleurs lord Courtenay descend des empereurs d’orient.
Et puis, fâchez-vous si vous voulez !
 
Simon Renard.
Fabiani s’est fait haïr de tout ce qui a un coeurcœur dans Londres.
 
La Reine.
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Simon Renard.
Les bourgeois sont d’accord sur son compte avec les seigneurs. S’ ilS’il n’est pas mis à mort aujourd’hui même comme l’a promis votre majesté…
 
La Reine.
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La Reine.
J’ aiJ’ai mes lansquenets.
 
Simon Renard.
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La Reine.
J’ aiJ’ai le bourreau.
 
Simon Renard.
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La Reine.
Voici un blanc-seing qu’il m’a fait remettre, et dans lequel je jure sur ma couronne impériale que je la lui ferai.
La couronne de mon père vaut le livre d’heures de ma mère. Un serment détruit l’autre.
D’ailleurs, qui vous dit que je lui ferai grâce ?
 
Simon Renard.
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La Reine.
Qu’est-ce que cela me fait ? Tous les hommes en font autant. Je ne veux pas qu’il meure. Tenez, mylord,… — monsieur
Monsieur le bailli, veux-je dire ! Mon dieu ! Vous me troublez tellement l’esprit que je ne sais vraiment plus à qui je parle ! — tenez
Tenez, je sais tout ce que vous allez me dire. Que c’est un homme vil, un lâche, un misérable ! Je le sais comme vous, et
j’en rougis ; mais je l’aime. Que voulez-vous que j’y fasse ? J’aimerais peut-être moins un honnête homme. D’ailleurs,
qui êtes-vous tous tantautant que vous êtes ? Valez-vous mieux que lui ? Vous allez me dire que c’est un favori, et que la nation anglaise
favori, et que la nation anglaise n’aime pas les favoris. Est-ce que je ne sais pas que vous ne voulez le renverser que pour mettre à sa place le comte de Kildare, ce fat, cet irlandais ! Qu’il
ce fat, cet irlandais ! Qu’il fait couper vingt têtes par jour ! Qu’ est-ce que cela vous fait ? Et ne me parlez pas du prince d’Espagne.
Vous vous en moquez bien. Ne me parlez pas du mécontentement de Monsieur De Noailles, l’ambassadeur de France. Monsieur De Noailles
est un sot, et je le lui dirai à lui-même. D’ailleurs je suis une femme, moi, je veux et je ne veux plus, je ne suis pas tout d’une pièce.
La vie de cet homme est nécessaire à ma vie. Ne prenez pas cet air de candeur virginale et de bonne foi, je vous en supplie.
Je connais toutes vos intrigues. Entre nous, vous savez comme moi qu’il n’a pas commis le crime pour lequel il est condamné.
C’est arrangé. Je ne veux pas que Fabiani meuremeurt. Suis-je la maîtresse ou non ? Tenez, monsieur le bailli, parlons d’autre chose, voulez-vous ?
 
Simon Renard.
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La Reine, seule.
Il est sorti d’un air singulier. Cet homme est capable d’émouvoir quelque sédition. Il faut que j’aille en hâte à la
maison de ville. — holàHolà, quelqu’un !
 
(Maître Éneas et Joshua paraissent.)