« Marie Tudor (Victor Hugo) » : différence entre les versions

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La Reine
YuTu sais maintenant que c’est Fabiano Fabiani, Comte De Clanbrassil ?
 
Jane
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Réponds.
 
Jane, d’ uned’une voix faible.
Oui.
 
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Jane
La première fois que je l’ai vu, c’était… — mais à quoi bon tout cela ? Une malheureuse fille du peuple, pauvre et vaine,
folle et coquette, amoureuse de parures et de beaux dehors, qui se laisse éblouir par la belle mise d’un grand seigneur.
éblouir par la belle mise d’un grand seigneur. Voilà tout. Je suis séduite, je suis déshonorée, je suis perdue. Je n’ai rien à ajouter à cela. Mon dieu ! Vous ne voyez donc
pas que chaque mot que je dis me fait mourir, madame.
 
La Reine
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La Reine
Moi ! Un châtiment pour toi ! Est-ce que je m’occupe de toi, folle ! Qui es-tu, malheureuse créature, pour que la reine s’occupe
de toi ? Non, mon affaire, c’est Fabiano. Quant à toi, femme, c’est un autre que moi qui se chargera de te punir.
 
Jane
Eh bien, madame, quelque soit celui que vous en chargerez, quelque soit le châtiment, je subirai tout sans me plaindre, je vous
Eh bien, madame, quelque soit celui que vous en chargerez, quelque soit le châtiment, je subirai tout sans me plaindre, je vous remercierai même, si vous avez pitié d’une prière que je vais vous faire. Il y a un homme qui m’a prise orpheline au berceau, qui m’a adoptée, qui m’a élevée, qui m’a nourrie, qui m’a aimée et qui m’aime encore ; un homme dont je suis bien indigne, envers qui j’ai été bien criminelle, et dont l’image est pourtant au fond de mon cœur chère, auguste et sacrée comme celle de Dieu ; un homme qui sans doute à l’heure où je vous parle trouve sa maison vide et abandonnée, et dévastée, et n’y comprend rien et s’arrache les cheveux de désespoir. Hé bien, ce que je demande à votre majesté, madame, c’est qu’il n’y comprenne jamais rien, c’est que je disparaisse sans qu’il sache jamais ce que je suis devenue, ni ce que j’ai fait, ni ce que vous avez fait de moi. Hélas, mon dieu ! Je ne sais pas si je me fais bien comprendre ; mais vous devez sentir que j’ai là un ami, un noble et généreux ami, — pauvre Gilbert ! Oh oui, c’est bien vrai ! -qui m’estime et qui me croit pure, et que je ne veux pas qu’il me haïsse et qu’ il me méprise… — vous me comprenez, n’est-ce pas, madame ? L’estime de cet homme,
remercierai même, si vous avez pitié d’une prière que je vais vous faire. Il y a un homme qui m’a prise orpheline au berceau, qui
c’est pour moi bien plus que la vie, allez ! Et puis, cela lui ferait un si affreux chagrin ! Tant de surprise ! Il n’y croirait pas d’abord. Non, il n’y croirait pas. Mon dieu ! Pauvre Gilbert ! Oh, madame ! Ayez pitié de lui et de moi. Il ne vous a rien fait,
m’a adoptée, qui m’a élevée, qui m’a nourrie, qui m’a aimée et qui m’aime encore ; un homme dont je suis bien indigne, envers qui
lui. Qu’il ne sache rien de ceci, au nom du ciel ! Au nom du ciel ! Qu’il ne sache pas que je suis coupable, il se tuerait. Qu’il ne sache pas que je suis morte, il mourrait.
j’ai été bien criminelle, et dont l’image est pourtant au fond de mon cœur chère, auguste et sacrée comme celle de Dieu ; un homme
qui sans doute à l’heure où je vous parle trouve sa maison vide et abandonnée, et dévastée, et n’y comprend rien et s’arrache les
cheveux de désespoir. Hé bien, ce que je demande à votre majesté, madame, c’est qu’il n’y comprenne jamais rien, c’est que je
disparaisse sans qu’il sache jamais ce que je suis devenue, ni ce que j’ai fait, ni ce que vous avez fait de moi. Hélas, mon dieu !
Je ne sais pas si je me fais bien comprendre ; mais vous devez sentir que j’ai là un ami, un noble et généreux ami, pauvre Gilbert !
Oh oui, c’est bien vrai ! Qui m’estime et qui me croit pure, et que je ne veux pas qu’il me haïsse et qu’il me méprise… — vous me
comprenez, n’est-ce pas, madame ? L’estime de cet homme, c’est pour moi bien plus que la vie, allez ! Et puis, cela lui ferait un si
c’est pour moi bien plus que la vie, allez ! Et puis, cela lui ferait un si affreux chagrin ! Tant de surprise ! Il n’y croirait pas d’abord. Non, il n’y croirait pas. Mon dieu ! Pauvre Gilbert ! Oh, madame ! Ayez pitié de lui et de moi. Il ne vous a rien fait,
Ayez pitié de lui et de moi. Il ne vous a rien fait, lui. Qu’il ne sache rien de ceci, au nom du ciel ! Au nom du ciel ! Qu’il ne
lui. Qu’il ne sache rien de ceci, au nom du ciel ! Au nom du ciel ! Qu’il ne sache pas que je suis coupable, il se tuerait. Qu’il ne sache pas que je suis morte, il mourrait.
 
La Reine
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Gilbert
Voici, madame. -c’ est bien simple. C’est une dette de reconnaissance que j’acquitte envers un seigneur de votre cour qui m’a fait
beaucoup travailler dans mon métier de ciseleur.
 
La Reine
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Gilbert
Ce seigneur a une liaison secrète avec une femme qu’il ne peut épouser, parce qu’elle tient à une famille proscrite. Cette femme,
qui a vécu cachée jusqu’à présent, c’est la fille unique et l’héritière du dernier Lord Talbot, décapité sous le Roi Henri VIII.
 
La Reine
Comment ! Es-tu sûr de ce que tu dis là ? Jean Talbot, le bon lord catholique, le loyal défenseur de ma mère d’Aragon, il a laissé
une fille, dis-tu ? Sur ma couronne, si cela est vrai, cet enfant est mon enfant ; et ce que Jean Talbot a fait pour la mère de
mon enfant ; et ce que Jean Talbot a fait pour la mère de Marie D’Angleterre, Marie D’Angleterre le fera pour la fille de Jean Talbot.
 
Gilbert
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La Reine
D’ ailleurs, si nous n’avons pas de preuves, nous en ferons. Nous ne sommes pas la reine pour rien.
en ferons. Nous ne sommes pas la reine pour rien.
 
Gilbert
Votre majesté rendra à la fille de Lord Talbot les biens, les titres, le rang, le nom, les armes et la devise de son père. Votre
majesté la releverarelèvera de toute proscription et lui garantira la vie sauve. Votre majesté la mariera à ce seigneur qui est le seul
homme qu’ elle puisse épouser. à ces conditions, madame, vous pourrez disposer de moi, de ma liberté, de ma vie et de ma volonté,
selon votre plaisir.
 
La Reine
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Gilbert
Votre majesté fera ce que je viens de dire. La reine d’Angleterre me le jure, à moi, Gilbert, l’ouvrier ciseleur, sur sa couronne
que voici et sur l’évangile ouvert que voilà.
 
La Reine
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Gilbert
le pacte est conclu, madame. Faites préparer une tombe pour moi, et un lit nuptial pour les époux. Le seigneur dont je parlais, c’ est
c’est Fabiani, Comte De Clanbrassil. L’héritière de Talbot, la voici.
 
Jane
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La Reine
Est-ce que j’ai affaire à un insensé ? Qu’est-ce que cela signifie ? Maître ! Faites attention à ceci, que vous êtes hardi de vous
railler de la reine d’Angleterre ; que les chambres royales sont des lieux où il faut prendre garde aux paroles qu’ on dit, et qu’il
y a des occasions où la bouche fait tomber la tête !
 
Gilbert
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La Reine
Bah ! Vision ! Chimère ! Folie ! Les preuves, les avez-vous ?
avez-vous ?
 
Gilbert
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La Reine
Est-ce que j’ai le temps de lire vos papiers, moi ? Est-ce que je vous ai demandé vos papiers ? Qu’est-ce que cela me fait, vos papiers ?
Sur mon âme, s’ils prouvent quelque chose, je les jetterai au feu, et il ne restera rien.
au feu, et il ne restera rien.
 
Gilbert
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Gilbert
Sur la couronne et sur l’ évangile, madame ! C’est-à-dire, sur votre tête et sur votre âme, sur votre vie dans ce monde et sur votre vie
votre vie dans ce monde et sur votre vie dans l’autre.
 
La Reine
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Gilbert
Ce que je veux ? Jane a perdu son rang, rendez-le lui ! Jane a perdu l’honneur, rendez-le lui ! Proclamez-la fille de Lord Talbot et
femme de Lord Clanbrassil, — et puis, prenez ma vie !
 
La Reine
Ta vie ! Mais que veux-tu que j’en fasse de ta vie à présent ? Je n’en voulais que pour me venger de cet homme, de Fabiano ! Tu ne comprends donc rien ? Je ne te comprends pas non plus,
comprends donc rien ? Je ne te comprends pas non plus, moi. Tu parlais de vengeance ! C’est comme cela que tu te venges ? Ces gens du
moi. Tu parlais de vengeance ! C’est comme cela que tu te venges ? Ces gens du peuple sont stupides ! Et puis, est-ce que je crois à ta ridicule histoire d’une héritière de Talbot ? Les papiers ! Tu me montre les papiers ! Je ne veux pas les regarder. Ah ! Une femme te trahit, et tu fais le généreux ! à ton aise. Je ne suis pas généreuse, moi ! J’ai la rage et la haine dans le cœur. Je me vengerai, et tu m’y aideras. Mais cet homme est fou ! Il est fou ! Il est fou ! Mon dieu ! Pourquoi en ai-je besoin ? C’est désespérant d’avoir affaire à des gens pareils dans des affaires sérieuses !
peuple sont stupides ! Et puis, est-ce que je crois à ta ridicule histoire d’une héritière de Talbot ? Les papiers ! Tu me
montre les papiers ! Je ne veux pas les regarder. Ah ! Une femme te trahit, et tu fais le généreux ! à ton aise. Je ne suis pas
généreuse, moi ! J’ai la rage et la haine dans le cœur. Je me vengerai, et tu m’y aideras. Mais cet homme est fou ! Il est fou !
Il est fou ! Mon dieu ! Pourquoi en ai-je besoin ? C’est désespérant d’avoir affaire à des gens pareils dans des affaires sérieuses !
 
Gilbert
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Gilbert
Si ce cas-là arrivait, pourvu que la couronne de comtesse de Waterford soit solennellement replacée par la reine sur la tête
sacrée et inviolable de Jane Talbot que voici, je ferai, moi, tout ce que la reine m’imposera.
 
La Reine
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La Reine
Tu diras ce qu’il faudra dire ? Tu mourras de la mort qu’ nqu’on voudra ?
 
Gilbert
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La Reine
laLa chose peut s’arranger ainsi. Cela suffit. J’ai ta parole, tu as la mienne. C’est dit.
(Elle paraît réfléchir un moment à Jane.)
— vousVous êtes inutile ici, sortez, vous. On vous rappellera.
à Jane.)
— vous êtes inutile ici, sortez, vous. On vous rappellera.
 
Jane
Ô Gilbert ! Qu’avez-vous fait-là ? ô Gilbert ! Je suis une misérable, et je n’ose lever les yeux sur vous ! ô Gilbert !
Vous êtes plus qu’ un ange, car vous avez tout à la fois les vertus d’un ange et les passions d’un homme !
(Elle sort.)