« Marie Tudor (Victor Hugo) » : différence entre les versions
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Gilbert
Je ne puis. Vous savez, je vous l’ai déjà dit, Jane, j’ai un travail à terminer à mon atelier cette nuit. Un manche de poignard à ciseler pour
je ne sais quel Lord Clanbrassil, que je n’ ai jamais vu, et qui me l’a fait demander pour demain matin. Jane
Alors,
Gilbert
Non, Jane, encore un instant. Ah ! Mon dieu ! Que j’ai de peine à me séparer de vous, fût-ce pour quelques heures ! Qu’il est bien vrai
que vous êtes ma vie et ma joie ! Il faut pourtant que j’aille travailler, nous sommes si pauvres ! Je ne veux pas entrer, car je resterais, et cependant je ne puis partir, homme faible que je suis ! Tenez, asseyons-nous quelques minutes à la porte, sur ce banc ; il me semble qu’il me sera moins difficile de m’en aller que si j’entrais dans la maison, et surtout dans votre chambre. Donnez-moi votre main. (Il s’assied et lui prend les deux mains dans les siennes, elle debout.)
Jane ! M’aimes-tu ?
Jane
Oh ! Je vous dois tout, Gilbert ! Je le sais, quoique vous me l’ayez caché
abandonnée par mes sur moi comme ceux d’ une mère. Qu’est-ce que je serais sans vous, mon dieu ! Tout ce que j’ai, vous me l’avez donné, tout ce que je suis, Gilbert
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Jane
Quel
encore que vous passez la nuit aujourd’hui petites coquetteries de femme, vous en avez pitié, vous les satisfaites. Gilbert, je ne songe à vous que les larmes aux yeux. Vous avez Gilbert
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Gilbert
M’ aimes-tu ? M’aimes-tu ? Oh ! Tout cela ne me dit pas que tu m’aimes. C’est de ce mot là que j’ai besoin, Jane ! De la reconnaissance,
toujours de la reconnaissance ! Oh ! Je la foule aux pieds, la reconnaissance ! Je veux de l’amour, ou rien. ans tu es ma fille, tu vas être ma femme maintenant. Je t’avais adoptée, je veux t’épouser. Dans huit jours ! Tu sais, tu me l’as promis, tu as consenti, tu es ma fiancée. Oh ! Tu m’aimais quand tu m’as promis cela. ô Jane ! Il y a eu un temps, te rappelles-tu, où tu me disais : je t’aime ! En levant tes beaux yeux au ciel. C’est toujours comme cela que je te veux. Depuis plusieurs mois il me semble que quelque chose est changé en toi, depuis trois semaines surtout que mon travail m’oblige à m’absenter quelquefois les nuits. ô Jane ! Je veux que tu m’aimes, moi. Je suis habitué à cela. Toi, si gaie auparavant, tu es toujours triste et préoccupée à présent, pas froide, pauvre enfant, tu fais ton possible pour Qu’as-tu ? Est-ce que tu ne m’aimes plus ? Sans doute je suis un honnête homme, sans doute je suis un bon ouvrier ; sans doute, sans doute, mais je voudrais être un voleur et un assassin et être aimé de toi ! Jane
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Gilbert
De joie ! N’est-ce pas ? Dis-moi que c’est de joie. Oh ! J’ai besoin de le croire. Il n’y a que cela au monde, être aimé. Je ne suis
qu’un pauvre mot d’amour de toi, Jane, laisse toute la reconnaissance de mon côté. Je me damnerai et je commettrai un crime quand tu voudras. Tu seras ma femme, n’est-ce pas, et tu m’aimes ? Vois-tu, Jane, pour un regard de toi je donnerais mon travail et ma peine ; pour un sourire, ma vie ; pour un baiser, mon âme ! Jane
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Gilbert
Écoute, Jane ! Ris si tu veux, je suis fou, je suis jaloux ! C’est comme cela. Ne t’offense pas. Depuis quelque temps il me semble
que je vois bien des jeunes seigneurs rôder par ici. Sais-tu, Jane, que j’ai trente-quatre ans ? Quel malheur pour un misérable ouvrier gauche et mal vêtu comme moi, qui n’est plus jeune, qui n’est pas beau, d’aimer une belle et charmante enfant de dix-sept ans, qui attire les beaux jeunes gentilshommes dorés et chamarrés comme une lumière attire les papillons ! Oh ! Je souffre, va ! Je ne t’offense jamais dans ma pensée, toi si honnête, toi si pure, toi dont le front n’a encore été touché que par mes lèvres ! Je trouve seulement quelquefois que tu as trop de plaisir à voir passer les beaux habits de satin et de velours sous lesquels il y a si peu de cœurs et si peu d’âmes ! Pardonne-moi. vient-il par ici tant de jeunes gentilshommes ? Pourquoi ne suis-je pas jeune, beau, noble et riche ? Gilbert, l’ouvrier ciseleur, voilà tout. Eux c’est Lord Chandos, Lord Gerard Fitz-Gerard, le Comte passe ma vie à ciseler pour eux des poignées d’ épées dont je voudrais leur mettre la lame dans le ventre. Jane
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Jane
Mon, bien bon.
Gilbert
Oh ! Que je t’aime. Tous les jours davantage. Je voudrais mourir pour toi. Aime-moi ou ne m’aime pas, tu en es bien la maîtresse.
Je suis fou. Pardonne-moi tout ce que je t’ai dit. Il est tard, il faut que je te quitte, adieu. Mon dieu ! Que c’est triste de te quitter ! Rentre chez toi. Est-ce que tu n’as pas ta clef ? Jane
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Voici la mienne. — à demain matin. — Jane, n’oublie pas ceci. Encore aujourd’hui ton père ; dans huit jours ton mari.
Jane, restée seule.
Mon mari ! Oh non, je ne commettrai pas ce crime. Pauvre Gilbert ! Il m'aime ! Celui
préféré la vanité à l’amour ! Malheureuse fille que je suis, dans la dépendance de qui suis-je maintenant ? Oh ! Je suis bien ingrate et bien coupable ! J’entends marcher, rentrons vite. (Elle entre dans la maison.)
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