« Le Fils naturel ou les Épreuves de la vertu » : différence entre les versions

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'''Rosalie : '''
Parlez. Je vous écoute. ( Rosalie s'appuie sur le dos d'un ,fauteuil, la tête sur une main, Dorval continue ; )
Parlez. Je vous écoute. ( Rosalie s'appuie sur le dos d'un ,fauteuil, la tête sur une main, Dorval continue ; ) Songez, Mademoiselle, qu'une seule idée fâcheuse qui nous fuit, suffit pour anéantir le bonheur; et que la conscience d'une mauvaise action est la plus fâcheuse de toutes les idées. ( Vivement et rapidement.) Quand nous avons commis le mal, il ne nous quitte plus; il s'établit au fond de notre âme avec la honte et le remords; nous le portons avec nous, et il nous tourmente. Si vous suivez un penchant injuste, il y a des regards qu'il faut éviter pour jamais, et ces regards sont ceux des deux personnes que nous révérons le plus sur la terre. Il faut s'éloigner , fuir devant eux, et marcher dans le monde la tête baissée. ( Rosalie soupire. ) Et loin de Clairville et de Constance, où irions-nous? que deviendrions-nous? quelle serait notre société? Être méchant c'est se condamner à vivre, à se plaire avec les méchants ; c'est vouloir demeurer confondu dans une foule d'êtres sans principes, sans mœurs et sans caractère, vivre dans un mensonge continuel d'une vie incertaine et troublée; louer, en rougissant, la vertu qu'on a abandonnée; entendre dans la bouche des autres le blâme des actions qu'on a faites; chercher le repos dans des systèmes que le souffle d'un homme de bien renverse ; se fermer pour toujours la source des véritables joies, des seules qui soient honnêtes, austères et sublimes; et se livrer, pour fuir à l'ennui de tous ces amusements frivoles ou le jour s'écoule dans l'oubli de soi-même et où la vie s'échappe et se perd. Rosalie, je n’exagère point. Lorsque le fil du labyrinthe se rompt, on n'est plus maître de son sort; on ne fait jusqu'où l'on peut s'égarer.
 
'''Dorval : '''
Parlez. Je vous écoute. ( Rosalie s'appuie sur le dos d'un ,fauteuil, la tête sur une main, Dorval continue ; ) Songez, Mademoiselle, qu'une seule idée fâcheuse qui nous fuit, suffit pour anéantir le bonheur; et que la conscience d'une mauvaise action est la plus fâcheuse de toutes les idées. ( Vivement et rapidement.) Quand nous avons commis le mal, il ne nous quitte plus; il s'établit au fond de notre âme avec la honte et le remords; nous le portons avec nous, et il nous tourmente. Si vous suivez un penchant injuste, il y a des regards qu'il faut éviter pour jamais, et ces regards sont ceux des deux personnes que nous révérons le plus sur la terre. Il faut s'éloigner , fuir devant eux, et marcher dans le monde la tête baissée. ( Rosalie soupire. ) Et loin de Clairville et de Constance, où irions-nous? que deviendrions-nous? quelle serait notre société? Être méchant c'est se condamner à vivre, à se plaire avec les méchants ; c'est vouloir demeurer confondu dans une foule d'êtres sans principes, sans mœurs et sans caractère, vivre dans un mensonge continuel d'une vie incertaine et troublée; louer, en rougissant, la vertu qu'on a abandonnée; entendre dans la bouche des autres le blâme des actions qu'on a faites; chercher le repos dans des systèmes que le souffle d'un homme de bien renverse ; se fermer pour toujours la source des véritables joies, des seules qui soient honnêtes, austères et sublimes; et se livrer, pour fuir à l'ennui de tous ces amusements frivoles ou le jour s'écoule dans l'oubli de soi-même et où la vie s'échappe et se perd. Rosalie, je n’exagère point. Lorsque le fil du labyrinthe se rompt, on n'est plus maître de son sort; on ne fait jusqu'où l'on peut s'égarer.
 
Vous êtes effrayée! et vous ne connaissez encore qu'une partie de votre péril. Rosalie, vous avez été sur le point de perdre le plus grand bien qu'une femme puisse posséder sur la terre ; un bien qu'elle doit incessamment demander au Ciel qui en avare : un époux vertueux. Vous alliez marquer par une injustice le jour le plus plus solennel de votre vie et vous condamner à rougir au souvenir d'un instant qu'on ne doit se rappeler qu'avec un sentiment délicieux Songez qu'au pied de ces autels où vous auriez reçu mes serments, où j'aurais exigé les vôtres, l'idée de Clairville trahi et désespéré vous aurait suivie. Vous eussiez vu le regard sévère de Constance attaché sur vous. Quels auraient été les témoins effrayants de notre union. Et ce mot si doux à prononcer et à entendre, lorsqu'il assure et qu'il comble le bonheur de deux êtres dont l'innocence et la vertu consacraient les désirs ce mot fatal eût scellé pour jamais notre injustice et notre malheur. Oui, Mademoiselle, pour jamais. L'ivresse passe. On se voit tels qu'on est. On se méprise. On s'accuse, et la misère commence. ( Il échappe ici à Rosalie quelques larmes qu'elle essuie furtivement. ) En effet, quelle confiance avoir en une femme, lorsqu'elle a pu trahir son amant ? En un homme, lorsqu'il a pu tromper son ami? Mademoiselle, il faut que celui qui ose s'engager en des liens indissolubles , voie dans sa compagne la première des femmes ; et malgré elle, Rosalie ne verrait en moi que le dernier des hommes. Cela ne peut être. Je ne saurais trop respecter la mère de mes enfants; et je ne saurais en être trop considéré. Vous rougissez. Vous baissez les yeux.
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==== scène IV ====
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