« Contes choisis des frères Grimm/L’Homme à la peau d’ours » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe-bot (discussion | contributions)
m Phe: match
Phe (discussion | contributions)
mAucun résumé des modifications
Ligne 35 :
Le soldat passa l’habit, et, mettant la main dans sa poche, il trouva que le diable ne l’avait pas trompé. Il endossa aussi la peau d’ours et se mit à parcourir le monde, se donnant du bon temps ne se refusant rien de ce qui fait engraisser les gens et maigrir leur bourse. La première année, il était encore passable, mais la seconde, il avait déjà l’air d’un monstre. Ses cheveux lui couvraient presque entièrement la face, sa barbe était emmêlée et comme feutrée, et son visage tellement couvert de crasse que, si on y avait semé de l’herbe, elle aurait levé. Il faisait fuir tout le monde. Mais cependant, comme il donnait à tous les pauvres en leur demandant de prier Dieu pour qu’il ne mourût pas dans les sept ans, et comme il parlait en homme de bien, il trouvait toujours un gîte.
 
La quatrième année, il entra dans une auberge,
==[[Page:Baudry - Contes choisis des frères Grimm.djvu/137]]==
l’hôte ne voulait pas le recevoir, même dans l’écurie de peur qu’il n’effarouchât les chevaux. Mais Peau-d’ours ayant tiré de sa poche une poignée de ducats, l’hôte se laissa gagner et lui donna une chambre sur la cour de derrière, à condition qu’il ne se laisserait pas voir, pour ne pas perdre de réputation l’établissement.
 
Un soir, Peau-d’ours était assis dans sa chambre, souhaitant de tout cœur le fin des sept années, quand il entendit quelqu’un pleurer dans la chambre à côté. Comme il avait bon cœur, il ouvrit la porte et vit un vieillard qui sanglotait en tenant sa tête entre ses mains. Mais en voyant entrer Peau-d’ours, l’homme, effrayé, voulut se sauver. Enfin il se calma en entendant une voix humaine qui lui parlait, et Peau-d’ours finit, à force de paroles amicales, par lui faire raconter la cause de son chagrin. Il avait perdu toute sa fortune, et était réduit avec ses filles à une telle misère, qu’il ne pouvait payer l’hôte et qu’on allait le mettre en prison. « Si vous n’avez pas d’autre souci, lui dit Peau-d’ours, j’ai assez d’argent pour vous tirer de là. » Et ayant fait venir l’hôte, il le paya et donna encore au malheureux une forte somme pour ses besoins.
 
Le vieillard ainsi délivré ne savait comment témoigner sa reconnaissance. « Viens avec moi, dit-il ; mes filles sont des merveilles de beauté tu en
==[[Page:Baudry - Contes choisis des frères Grimm.djvu/138]]==
en choisiras une pour ta femme. Elle ne s’y refusera pas quand elle saura ce que tu viens de faire pour moi. A la vérité tu as l’air un peu bizarre, mais une femme t’aura bientôt reformé. »
 
Peau-d’ours consentit à accompagner le vieillard. Mais quand l’armée aperçut cet horrible visage, elle fut épouvantée qu’elle s’enfuit en poussant des cris. La seconde le considéra de pied ferme et le toisa de la tête aux pieds, mais elle lui dit : « Comment accepter un mari qui n’a pas figure humaine ? J’aimerais mieux cet ours rasé que j’ai vu un jour à la foire, et qui était habillé comme un homme, avec une pelisse de hussard et des gants blancs. Au moins il n’était que laid ; on pouvait s’y accoutumer. »
 
Mais la plus jeune dit : « Cher père, ce doit être un brave homme, puisqu’il nous a secourus ; vous lui avez promis une femme : il faut faire honneur et votre parole. » Malheureusement, le visage de Peau-d’ours était couvert de poil et de crasse ; sans cela on eût pu y voir briller la joie qui épanouit son cœur quand il entendit ces paroles. Il prit un anneau à son doigt, le brisa en deux et en donna une moitié à sa fiancée, en lui recommandant de la bien conserver pendant qu’il gardait l’autre. Dans la moitié qu’il donnait, il inscrivit son propre nom, et celui de la jeune fille dans celle qu’il gardait pour lui. Puis il prit congé d’elle en disant «:
==[[Page:Baudry - Contes choisis des frères Grimm.djvu/139]]==
« Je vous quitte pour trois ans. Si je reviens, nous nous marierons mais si je ne reviens pas, c’est que je serai mort, et vous serez libre. Priez Dieu qu’il me conserve la vie. »
 
La pauvre fiancée prit le deuil, et les larmes lui venaient aux yeux quand elle pensait à son fiancé. Ses sœurs l’accablaient des plaisanteries les plus désobligeantes. « Prends bien garde, disait l’aînée, quand tu lui donneras ta main, qu’il ne t’écorche avec sa patte.