« Essai sur l’origine des langues » : différence entre les versions

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{{Centré|''Que le premier langage dût être figuré.''}}
 
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{{c|Chapitre IV}}
 
{{Centré|''Des caracteres distinctifs de la premiere Langue & des changemens qu'elle dût éprouver.''}}
 
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{{c|Chapitre V}}
 
{{Centré|''De l'Ecriture.''}}
 
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{{c|Chapitre VI}}
 
{{Centré|''S'il est probable qu'Homere ait su écrire.''}}
 
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{{c|Chapitre VII}}
 
{{Centré|''De la Prosodie moderne.''}}
 
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{{c|Chapitre VIII}}
 
{{Centré|''Différence générale & locale dans l'Origine des Langues.''}}
 
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{{c|Chapitre IX}}
 
{{Centré|''Formation des Langues Méridionales.''}}
 
Dans les premiers tems (*)
 
[* J'appelle les premiers tems ceux de la dispersion des hommes, à quelque âge du genre-humain qu'on veuille en fixer l'époque.]
 
les hommes épars sur la face de la terre n'avoient de société que celle de la famille, de la loix que celles de la nature, de langue que le geste & quelques sons inarticulés (†).
 
[† Les véritables langues n'ont point une origine domestique, il n'y a qu'une convention plus générale & plus durable qui les puisse établir. Les Sauvages de l'Amérique ne parlent presque jamais que hors de chez eux ; chacun garde le silence dans sa cabane, il parle par signes à sa famille, & ces signes sont peu fréquens, parce qu'un Sauvage est moins inquiet, moins impatient qu'un Européen, qu'il n'a pas tant de besoins, & qu'il prend soins d'y pourvoir lui-même.]
 
Ils n'étoient liés par aucune idée de fraternité commune, & n'ayant aucun arbitre que la force, ils se croyoient ennemis les uns des autres. C'étoient leur foiblesse & leur ignorance qui leur donnoient cette opinion. Ne connoissant rien, ils craignoient tout, ils attaquoient pour se défendre. Un homme abandonné seul sur la face de la terre, à la merci du genre-humain, devoit être un animal féroce. Il étoit prêt à faire aux autres tout le mal qu'il craignoit d'eux. La crainte & la foiblesse sont les sources de la cruauté.
 
Les affections sociales ne se développent en nous qu'avec nos lumieres. La pitié, bien que naturelle au cœur de l'homme, resteroit éternellement inactive sans l'imagination qui la met en jeu. Comment nous laissons-nous émouvoir à la pitié ? En nous transportant hors de nous-mêmes ; en nous identifiant avec l'être souffrant. Nous ne souffrons qu'autant que nous jugeons qu'il souffre ; ce n'est pas dans nous, c'est dans lui que nous souffrons. Qu'on songe combien ce transport suppose de connoissances acquises ! Comment imaginerois-je des maux dont je n'ai nulle idée ? Comment souffrirois-je en voyant souffrir un autre, si j'ignore ce qu'il y a de commun entre lui & moi ? Celui qui n'a jamais réfléchi, ne peut être ni clément, ni juste, ni pitoyable : il ne peut pas non plus être méchant & vindicatif. Celui qui n'imagine rien, ne sent que lui-même ; il est seul au milieu du genre-humain.