« Éric Le Mendiant/1 » : différence entre les versions

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Il pouvait être sept heures.
 
La journée promettait d’être superbe ; le ciel étendait au-dessus de leurs têtes son éclatante tenture bleue, frangée de nuages blancs ; le soleil sortait étincelant des montagnes loin-taineslointaines ; le souffle frais du matin courbait les arbres en fleur, et semait sur la route les gouttes odorantes que la rosée venait d’y verser. Il régnait de toutes parts un calme, une paix, une sorte de recueillement pieux, mêlé de doux et ineffables tressaille-mentstressaillements ; on eût dit que la terre encore à demi assoupie luttait en soupirant contre les dernières étreintes de la nuit, et qu’elle murmurait doucement sa prière au dieu du jour.
 
Le paysan portait le costume breton dans toute son austère simplicité – Lele chapeau rond à larges bords, la veste de drap noir, le long gilet brun, la ceinture de couleurs diverses, la culotte large et flottante, les guêtres de toile, et les souliers fer-résferrés. – Il était grand et fort, robuste et nerveux, fumait une pipe grossière, et s’appuyait, en marchant, sur un énorme ''peu''-''bas'', ce rude instrument des ''vendette'' bretonnes.
 
Cet homme pouvait avoir une cinquantaine d’années envi-ronenviron ; mais il était encore si extraordinairement bien taillé, son visage, qui rappelait dans son ovale anguleux, le type primitif des Kimris, présentait un cachet si éclatant de fermeté et d’ardeur, il y avait dans son regard tant de feu, dans son allure, tant d’activité, que c’est à peine si on lui eût donné quarante ans.
 
On l’appelait dans le pays le père Tanneguy, et c’était le dernier descendant mâle de la famille des Tanneguy-Duchâtel.
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Quant à la jeune fille qui le suivait, c’était sa propre fille ; elle s’appelait ''Margaït'', ce qui veut dire Marguerite en breton.
 
Marguerite avait seize ans : belle, comme doivent l’être les anges, elle n’avait point encore réveillé son âme, qui dormait enveloppée dans les douces illusions de l’enfance. Elle vivait auprès de son père, heureuse, souriante, folle, et ne cherchait point à deviner pourquoi, à de certains moments, elle sentait son cœur battre avec précipitation, pourquoi une tristesse indé-finieindéfinie imprégnait parfois sa pensée d’amertume et de mélancolie : quand ces vagues aspirations s’emparaient d’elle, ouvrant tout à coup sous ses pas des routes ignorées, elle accourait auprès de son père, lui racontait avec naïveté ses tourments et ses désirs ; et trouvant alors une force surnaturelle dans la parole douce et grave du vieillard, la tempête passionnelle soulevée dans son cœur se taisait, et la tristesse fuyait, la laissant candide et calme comme auparavant !…
 
Le jour elle courait, suivant dans ses capricieux détours la petite rivière artificielle qui alimentait les prairies dépendantes de la ferme : elle allait gaie, rieuse, folâtre, cueillant les perven-ches et les bluets, pourchassant le papillon aux ailes diaprées, écoutant le chant des oiseaux ou le cri des bêtes fauves.