« Petite garnison marocaine » : différence entre les versions

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Ce déploiement de forces y subissait, d’ailleurs, les caprices des circonstances. La « colonne d’observation » stationnée à Guicer, le bataillon, la batterie et l’escadron de l’a arrière-garde tactique » s’étaient volatilisés dans les groupemens hétéroclites que le général Moinier conduisait à Fez, dans les postes qui protégeaient les communications entre la capitale et l’Océan. Mais on n’avait jamais cessé d’occuper Dar-Chafaï, que l’on croyait toujours exposé à quelque retour offensif des Tadla. C’était exagérer la valeur combative de ces guerriers, et l’on pouvait attribuer au « mirage africain » la nature et la durée de l’impression causée chez nous par les résultats de la colonne Aubert. Dans ce pays où quelques tués, une dizaine de blessés pour un effectif de trois mille combattans font qualifier toute rencontre de « sanglant combat, » on oubliait qu’un millier d’hommes avait poussé une pointe de cent cinquante kilomètres dans le pays des Tadla, fait sauter pour l’exemple la porte de leur kasbah principale, passé sur le corps de tous les guerriers confédérés qui voulaient barrer la route du retour, pour ne se souvenir que des 20 tués et des 60 blessés dont le commandant Aubert avait payé son exploit. Ces pertes semblaient colossales aux libérateurs de Fez, aux vainqueurs de Bahlil et de Meknès. Elles paraient d’une auréole d’invincibilité les guerriers sans cohésion et mal armés que notre victoire sans lendemain transformait en triomphateurs. Les effectifs qu’on estimait nécessaires pour réduire leur ''siba'' chronique semblaient si considérables, que
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l’expansion de notre influence dans la vallée de l’Oum-es-Rbia était remise à une date indéterminée. Les notables prévoyans qui manifestaient, dans les tribus Tadla, leurs sympathies pour nous, étaient abandonnés sans protection aux vengeances de nos ennemis. Ceux-ci, encouragés par notre inertie, proclamaient que leur territoire serait notre tombeau ; ils menaçaient d’un pillage général les Beni-Meskine qui avaient accepté une tutelle déshonorante, dont le poste de Dar-Chafaï était le témoignage. Ainsi, depuis deux ans, les Tadla défiaient notre offensive, et nous attendions leur attaque. Et le touriste, à qui la situation des deux partis était expliquée, ne manquait pas de la comparer à celle des deux écoliers qui vont vider un différend : « Tu vois la paille que je mets sur mon épaule ? touches-y si tu oses! — Je la toucherai, si je veux! — Eh bien! touche-la! — Oui, quand je voudrai! je ne te crains pas! » La discussion continuerait, interminable, si quelque camarade impatienté ne poussait l’un contre l’autre les adversaires, que cette intervention décide à se prendre aux cheveux.
 
L’intervention se produira tôt ou tard, sous une forme inattendue. D’ailleurs, le résultat du conflit n’est pas douteux. Si nous savons agir sur la cupidité, la vanité sans bornes des Marocains, gagner de proche en proche des partisans, pratiquer la politique facile de la division, apprécier justement la valeur des irréductibles, allier la force à la mobilité, agir comme au Tonkin, au Soudan, à Madagascar, au Ouadaï, nous verrons que les Tadla, pareils à toutes les grandes tribus marocaines, sont plus terribles de loin que de près. Peut-être nous opposeront-ils, pour sauver l’honneur, une résistance plus bruyante qu’efficace, et mobiliseront-ils tous leurs guerriers dans une impressionnante coalition. Nous devons souhaiter cette attitude au lieu de la redouter, car elle démontrerait d’un seul coup la supériorité de nos armes dans une rencontre qui sera le prologue indispensable à la « tache d’huile » des organisateurs.
 
Les premiers occupans de Dar-Chafaï ne devaient pas avoir un tel optimisme. Ils avaient machiné la kasbah pour une lutte désespérée contre des assaillans impétueux. Les remparts étaient couverts d’abris, où de nombreuses sentinelles avaient monté une garde vigilante ; les murs des bâtimens, percés comme des écumoires par les créneaux d’infanterie, par les portes des lignes de communications intérieures, étaient prêts à cracher