« Les Prolégomènes » : différence entre les versions
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Que Dieu répande ses bénédictions sur notre seigneur Mohammed, sur sa famille et sur ses Compagnons !
Voici ce que dit Abd er Rahman Ibn Mohammed Ibn Khaldoun el Hadrami , le pauvre serviteur qui sollicite la miséricorde du Seigneur, dont les bontés l’ont déjà comblé. Puisse Dieu le très haut le soutenir par sa grâce !
Louanges à Dieu, qui possède la gloire et la puissance, qui tient en sa main l’empire du ciel et de la terre, qui porte les noms et les attributs les plus beaux ! (Louanges) à l’Être qui sait tout, auquel rien n’échappe de ce que manifeste la parole et de ce que cache le silence ! (Louanges) à l’Être tout puissant auquel rien ne résiste, rien ne se dérobe ni dans les cieux, ni sur la terre ! De cette terre il nous a formés individuellement, et il nous la fait habiter en corps de
Salut et bénédiction sur notre seigneur Mohammed, le prophète arabe, dont le nom est écrit dans le Pentateuque et indiqué dans l’Évangile ! Salut à celui pour l’enfantement duquel l’univers était en travail avant que commençât la succession des samedis et des dimanches, avant l’existence de l’espace qui sépare Zohel de Béhémout ! Salut à celui dont la véracité a été attestée par l’araignée et la colombe ! Salut à sa famille et à ses compagnons, qui, par leur zèle à l’aimer et à le suivre, ont acquis une gloire immortelle et qui, pour seconder ses efforts, se tinrent réunis en un seul corps, tandis que la discorde régnait parmi leurs ennemis ! Que Dieu répande sur lui et sur eux ses bénédictions tant que l’islamisme jouira de sa prospérité et que l’infidélité verra briser les liens fragiles de son existence !
Passons à notre sujet : l’histoire est une de ces branches de
Envisageons l’histoire dans sa forme extérieure : elle sert à retracer les événements qui ont marqué le cours des siècles et des dynasties, et qui ont eu pour témoins les générations passées. C’est pour elle que l’on a cultivé le style orné et employé les expressions figurées ; c’est elle qui fait le charme des assemblées littéraires, où les amateurs se pressent en foule ; c’est elle qui nous apprend à
Regardons ensuite les caractères intérieurs de la science historique : ce sont l’examen et la vérification des faits, l’investigation attentive des causes qui les ont produits, la connaissance profonde de la manière dont les événements se sont passés et dont ils ont pris naissance. L’histoire forme donc une branche importante de la philosophie et mérite d’être comptée au nombre des sciences.
Depuis l’établissement de l’islamisme, les historiens les plus distingués ont embrassé dans leurs recherches tous les événements des siècles passés, afin de pouvoir les inscrire dans des volumes et les enregistrer ; mais les charlatans (de la littérature) y ont introduit des indications fausses, tirées de leur propre imagination, et des embellissements fabriqués à l’aide de traditions de faible autorité. La
Plusieurs écrivains ont rédigé des chroniques très détaillées, ayant compilé et mis par écrit l’histoire générale des peuples et des dynasties ; mais, parmi eux, il y en a peu qui jouissent d’une grande renommée, d’une haute autorité, et qui, dans leurs ouvrages, aient reproduit en entier les renseignements fournis par leurs devanciers. Le nombre de ces bons auteurs dépasse à peine celui des doigts de la main, ou des (trois) voyelles finales qui indiquent l’influence des régissants grammaticaux. Tels sont Ibn Ishac , Taberi , El Kelbi , Mohammed Ibn Omar el Ouakedi , Seïf Ibn Omar el Acedi , Masoudi , et d’autres hommes célèbres qui se sont élevés au dessus de la foule des auteurs ordinaires. Il est vrai que dans les écrits de Masoudi et de Ouakedi on trouve beaucoup à reprendre et à blâmer : chose facile à vérifier et généralement admise par les savants versés dans l’étude des traditions historiques et dont l’opinion fait autorité. Cela n’a pas empêché la plupart des historiens de donner la préférence aux récits de ces deux auteurs, de suivre leur méthode de composition et de marcher sur leurs traces. Déterminer la fausseté ou l’exactitude des renseignements est l’œuvre du critique intelligent qui s’en rapporte toujours à la balance de son propre jugement. Les événements qui ont lieu dans la société humaine offrent des caractères d’une nature particulière, caractères auxquels on doit avoir égard lorsqu’on entreprend de raconter les faits ou de reproduire les récits et les documents qui concernent les temps passés.
La plupart des chroniques laissées par ces auteurs sont rédigées sur un même plan et ont pour sujet l’histoire générale des peuples ; circonstance qu’il faut attribuer à l’occupation de tant de pays et de royaumes par les deux grandes dynasties musulmanes
Ceux qui ont écrit après eux ne furent que de simples imitateurs, à l’esprit lourd, à l’intelligence bornée, des gens sans jugement, qui se contentèrent de suivre en tout point le même plan que leurs
D’autres, qui vinrent après eux, affectèrent un excès de brièveté et se contentèrent de mentionner les noms des rois, sans rapporter les généalogies ni l’histoire de ces princes ; ils y ajoutèrent seulement le nombre des années de leur règne, exprimé au moyen des chiffres appelés ghobar. C’est ce qu’a fait Ibn Rechik dans son Mîzan el-Amel , ainsi que plusieurs autres écrivains peu dignes d’attention. Dans quelque cas que ce soit , aucun égard n’est dû aux paroles du passé et du présent, je suis parvenu à réveiller mon esprit, à l’arracher au sommeil de l’insouciance et de la paresse, et, bien que peu riche en savoir, j’ai fait avec moi-même un excellent marché en me décidant à composer un ouvrage. J’ai donc écrit un livre sur l’histoire , dans lequel j’ai levé le voile qui couvrait les origines des nations. Je l’ai divisé en chapitres, dont les uns renferment l’exposition des faits, et les autres des considérations générales. J’y ai indiqué d’abord les causes qui ont amené la naissance des empires et de la civilisation, en prenant pour sujet primitif de mon travail l’histoire des deux races qui , de nos temps, habitent le Maghreb et en ont
J’ai discuté avec grand soin les questions qui se rattachent au sujet de cet ouvrage ; j’ai mis mon travail à la portée des érudits et des hommes du monde ; pour son arrangement et sa distribution, j’ai suivi un plan original, ayant imaginé une méthode nouvelle d’écrire l’histoire, et choisi une voie qui surprendra le lecteur, une marche et un système tout à fait à moi. En traitant de ce qui est relatif à la civilisation et à l’établissement des villes, j’ai développé tout ce qu’offre la société humaine en fait de circonstances caractéristiques. De cette manière, je fais comprendre les causes des événements, et savoir par quelle voie les fondateurs des empires sont entrés dans la carrière. Le lecteur, ne se trouvant plus dans l’obligation de croire aveuglément aux récits qu’on lui a présentés, pourra maintenant bien connaître l’histoire des siècles et des peuples qui l’ont précédé ; il sera même capable de prévoir les événements qui peuvent surgir dans l’avenir.
J’ai divisé mon ouvrage en trois livres, précédés de plusieurs chapitres préliminaires (Mocaddemat, c’est à dire Prolégomènes) renfermant des considérations sur l’excellence de la science historique, l’établissement des principes qui doivent lui servir de règles, et un aperçu des erreurs dans lesquelles les historiens sont exposés à tomber.
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Le troisième livre comprend l’histoire des Berbers et de leurs parents, les Zenata, avec l’indication de leur origine, de leurs diverses tribus, des empires qu’ils ont fondés, surtout dans le Maghreb.
Ayant ensuite fait le voyage de l’Orient afin d’y puiser des lumières, d’accomplir le devoir du pèlerinage et de me conformer à l’exemple du Prophète en visitant la Mecque et en faisant le tour de la Maison Sainte, j’eus l’occasion d’examiner les monuments, les archives et les livres de cette contrée. J’acquis alors ce qui m’avait manqué auparavant, c’est à dire, la connaissance de l’histoire des souverains étrangers qui ont dominé sur cette région, ainsi que des dynasties turques et des pays qui leur ont été soumis. J’ajoutai ces faits à ceux que j’avais précédemment. inscrits sur ces pages, les intercalant dans l’histoire des nations (musulmanes) qui étaient contemporaines de ces peuples, et dans mes notices des princes qui ont régné sur diverses parties du monde. M’étant astreint à suivre toujours un même système, celui de condenser et d’abréger, j’ai pu éviter bien des difficultés et atteindre facilement le but que j’avais en vue. M’introduisant, par la porte des causes générales, dans l’étude des faits particuliers, j’embrassai, dans un récit compréhensif, l’histoire du genre humain ; aussi ce livre peut être regardé comme le véritable dompteur de tout ce qu’il y a de plus rebelle parmi les principes philosophiques qui se dérobent à l’intelligence ; il assigne aux événements politiques leurs causes et leurs origines, et forme un recueil philosophique, un répertoire historique.
Comme il renferme l’histoire des Arabes et des Berbers, peuples dont les uns habitent des maisons et les autres des tentes ; qu’il traite des grands empires contemporains de ces races ; qu’il fournit des leçons et des exemples instructifs touchant les causes primaires des événements et les faits qui en sont résultés, je lui ai donné pour titre : Kitab el îber, oua dîouan el mobteda oua’l khaber ; fi aiyam il Arab oua’l Adjem oua’l Berber, oua men aasarahom min dhoui ’s soltan il akber (le Livre des exemples instructifs et le Recueil du sujet et de
Pour ce qui concerne l’origine des peuples et des empires, les synchronismes des nations anciennes, les causes qui ont entretenu l’activité ou amené des changements chez les générations passées et chez les diverses nations ; pour tout ce qui tient à la civilisation, comme la souveraineté, la religion, la cité, le domicile, la puissance, l’abaissement, l’accroissement de la population, sa diminution, les sciences, les arts, le gain , la perte, les événements amenés par des [[Catégorie:Moyen Âge]]révolutions et retentissant au loin, la vie nomade, celle des villes, les faits accomplis et ceux auxquels on doit s’attendre, j’ai tout embrassé et j’en ai exposé clairement les preuves et les causes. De cette manière, l’ouvrage est devenu un recueil unique, attendu que j’y ai consigné une foule de notions importantes et de doctrines
J’avoue toutefois que, parmi les hommes des différents siècles, nul n’a été plus incapable que moi de parcourir un champ si vaste ; aussi je prie les hommes habiles et instruits d’examiner mon
===Introduction.===
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