« Tite et Bérénice » : différence entre les versions

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{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Laisse-moi mon chagrin, tout injuste qu’il est :
Je le chasse, il revient ; je l’étouffe, il renaît ;
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Mon coeur dans tout l’empire est le seul mécontent.
 
{{Personnage|Plautine|c|Red}}
Que trouvez-vous, madame, ou d’amer ou de rude
À voir qu’un tel bonheur n’ait plus d’incertitude ?
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Ne peut plus le forcer d’éteindre un feu si beau.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
C’est là ce qui me gêne, et l’image importune
Qui trouble les douceurs de toute ma fortune :
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Et s’efforce à m’aimer ; mais il ne m’aime pas.
 
{{Personnage|Plautine|c|Red}}
À cet effort pour vous qui pourrait le contraindre ?
Maître de l’univers, a-t-il un maître à craindre ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
J’ai quelques droits, Plautine, à l’empire romain,
Que le choix d’un époux peut mettre en bonne main :
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Mais pour le coeur, te dis-je, il n’est pas tout à moi.
 
{{Personnage|Plautine|c|Red}}
La chose est bien égale, il n’a pas tout le vôtre :
S’il aime un autre objet, vous en aimez un autre ;
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Votre ardeur pour son rang fait pour lui tous vos feux.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Ne dis point qu’entre nous la chose soit égale.
Un divorce avec moi n’a rien qui le ravale :
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Et du rang qui lui reste, il ne me reste rien.
 
{{Personnage|Plautine|c|Red}}
Que ce que vous avez d’ambitieux caprice,
Pardonnez-moi ce mot, vous fait un dur supplice !
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De vous donner entière, ou ne vous donnez point.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Si l’amour quelquefois souffre qu’on le contraigne,
Il souffre rarement qu’une autre ardeur l’éteigne ;
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Et ne me saurais voir d’accord avec moi-même.
 
{{Personnage|Plautine|c|Red}}
Ah ! Si Domitian devenait empereur,
Que vous auriez bientôt calmé tout ce grand coeur !
Que bientôt… Mais il vient. Ce grand coeur en soupire !
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Hélas ! Plus je le vois, moins je sais que lui dire.
Je l’aime, et le dédaigne ; et n’osant m’attendrir,
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{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Faut-il mourir, madame ? Et si proche du terme,
Votre illustre inconstance est-elle encor si ferme,
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Puissent dans quatre jours se promettre ma mort ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Ce qu’on m’offre, seigneur, me ferait peu d’envie,
S’il en coûtait à Rome une si belle vie ;
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Que de faire une perte aisée à réparer.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Aisée à réparer ! Un choix qui m’a su plaire,
Et qui ne plaît pas moins à l’empereur mon frère,
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Que vous sachiez leur prix, et le mettiez si bas ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Quoi qu’on ait pour soi-même ou d’amour ou d’estime,
Ne s’en croire pas trop n’est pas faire un grand crime.
Ligne 233 :
Telle que je puis être, obtenez-moi d’un frère.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Hélas ! Si je n’ai pu vous obtenir d’un père,
Si même je ne puis vous obtenir de vous,
Qu’obtiendrai-je d’un frère amoureux et jaloux ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Et moi, résisterai-je à sa toute-puissance,
Quand vous n’y répondez qu’avec obéissance ?
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Que puis-je contre lui, quand vous n’y pouvez rien ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Je ne puis rien sans vous, et pourrais tout, madame,
Si je pouvais encor m’assurer de votre âme.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Pouvez-vous en douter, après deux ans de pleurs
Qu’à vos yeux j’ai donnés à nos communs malheurs ?
Ligne 257 :
Quel que fût leur amour, quel que fût leur mérite…
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Oui, vous m’avez aimé jusqu’à l’amour de Tite.
Mais de ces soupirants qui vous offraient leur foi
Ligne 266 :
Mais les temps sont changés, madame, et vous aussi.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Non, seigneur : je vous aime, et garde au fond de l’âme
Tout ce que j’eus pour vous de tendresse et de flamme :
Ligne 272 :
Mais enfin l’empereur veut être mon époux.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Ah ! Si vous n’acceptez sa main qu’avec contrainte,
Venez, venez, madame, autoriser ma plainte.
Ligne 279 :
Dites que vous m’aimez, et que tout son empire…
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
C’est ce qu’à dire vrai j’aurai peine à lui dire,
Seigneur ; et le respect qui n’y peut consentir…
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Non, votre ambition ne se peut démentir.
Ne la déguisez plus, montrez-la toute entière,
Ligne 290 :
Cette âme…
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Voyez-la cette âme toute à vous,
Voyez-y tout ce feu que vous y fîtes naître ;
Ligne 318 :
Dites-lui que le droit qu’a ce sang à l’empire…
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
C’est là ce qu’à mon tour j’aurai peine à lui dire,
Madame ; et le devoir qui n’y peut consentir…
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
À mes vives douleurs daignez donc compatir,
Seigneur : j’achète assez le rang d’impératrice,
Sans qu’un reproche injuste augmente mon supplice.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Eh bien ! Dans cet hymen, qui n’en a que pour moi,
J’applaudirai moi-même à votre peu de foi ;
Je dirai que le ciel doit à votre mérite…
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Non, seigneur ; faites mieux, et quittez qui vous quitte ;
Rome a mille beautés dignes de votre coeur ;
Ligne 354 :
 
 
{{Personnage|Albin|c|Red}}
Elle se défend bien, seigneur ; et dans la cour…
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Aucun n’a plus d’esprit, Albin, et moins d’amour.
J’admire, ainsi que toi, dans ce qu’elle m’oppose,
Ligne 366 :
L’empereur convaincu me rendrait ma maîtresse.
 
{{Personnage|Albin|c|Red}}
Cependant n’est-ce rien que ce coeur soit à vous ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
D’un bonheur si mal sûr je ne suis point jaloux,
Et trouve peu de jour à croire qu’elle m’aime,
Quand elle ne regarde et n’aime que soi-même.
 
{{Personnage|Albin|c|Red}}
Seigneur, s’il m’est permis de parler librement,
Dans toute la nature aime-t-on autrement ?
Ligne 394 :
Et vous n’aimez que vous, quand vous croyez l’aimer.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
En l’état où je suis, les maux dont je soupire
M’ôtent la liberté de te rien contredire ;
Ligne 401 :
N’est-il point de secret, n’est-il point d’artifice ? …
 
{{Personnage|Albin|c|Red}}
Oui, seigneur, il en est. Rappelons Bérénice ;
Sous le nom de césar pratiquons son retour,
Qui retarde l’hymen et suspende l’amour.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Que je verrais, Albin, ma volage punie,
Si de ces grands apprêts pour la cérémonie,
Ligne 416 :
Ne la saurait ici rendre dans quatre jours.
 
{{Personnage|Albin|c|Red}}
N’importe : en l’attendant préparons sa victoire ;
Dans l’esprit d’un rival ranimons sa mémoire ;
Ligne 434 :
Nous aurons quatre mois au lieu de quatre jours.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Mais j’aime Domitie ; et lui parler contre elle,
C’est me mettre au hasard d’irriter l’infidèle.
Ligne 442 :
Toute ingrate qu’elle est, je tremble à lui déplaire.
 
{{Personnage|Albin|c|Red}}
Seigneur, quelle mesure avez-vous à garder ?
Quand on voit tout perdu, craint-on de hasarder ?
Ligne 448 :
Que vous peut importer son amour ou sa haine ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Qu’un salutaire avis fait une douce loi
À qui peut avoir l’âme aussi libre que toi !
Ligne 456 :
Et la raison pour lui n’est pas toujours raison.
 
{{Personnage|Albin|c|Red}}
Et si je vous disais que déjà Bérénice
Est dans Rome, inconnue, et par mon artifice ?
Ligne 462 :
Pour de ce grand hymen renverser les apprêts ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Albin, serait-il vrai ?
 
{{Personnage|Albin|c|Red}}
La nouvelle vous flatte :
Peut-être est-elle fausse ; attendez qu’elle éclate ;
Surtout à l’empereur déguisez-la si bien…
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Va : je lui parlerai comme n’en sachant rien.
 
Ligne 478 :
 
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Quoi ? Des ambassadeurs que Bérénice envoie
Viennent ici, dis-tu, me témoigner sa joie,
Ligne 484 :
Sur ce comble de gloire où je viens de monter ?
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
En attendant votre ordre, ils sont au port d’Ostie.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Ainsi, grâces aux dieux, sa flamme est amortie ;
Et de pareils devoirs sont pour moi des froideurs,
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Que pour braver l’amant qu’elle charmait en vain.
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Si vous la revoyiez, je plaindrais Domitie.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Contre tous ses attraits ma raison endurcie
Ferait de Domitie encor la sûreté ;
Ligne 530 :
Dès que mon souvenir lui rend sa Bérénice.
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Si de tels souvenirs vous sont encor si doux,
L’hyménée a, seigneur, peu de charmes pour vous.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Si de tels souvenirs ne me faisaient la guerre,
Serait-il potentat plus heureux sur la terre ?
Ligne 556 :
De préparer toujours et n’achever jamais.
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Si ce dégoût, seigneur, va jusqu’à la rupture,
Domitie aura peine à souffrir cette injure :
Ligne 570 :
En un mot, il vous faut la perdre, ou l’épouser.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
J’en sais la politique, et cette loi cruelle
A presque fait l’amour qu’il m’a fallu pour elle.
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Et le ciel à propos envoie ici mon frère.
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Irez-vous au sénat ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Non ; il peut s’assembler
Sur ce déluge ardent qui nous a fait trembler,
Ligne 619 :
 
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Puis-je parler, seigneur, et de votre amitié
Espérer une grâce à force de pitié ?
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Vous déchire encor l’âme et me donne la mort ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Souffrez sur cet effort que je vous désabuse.
Il fut grand, et de ceux que tout le coeur refuse :
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Et combien Rome entière aurait pour moi d’horreur.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Elle n’en aurait point de vous voir pour un frère
Faire autant que pour elle il vous a plu de faire.
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Ce n’est pas un effort que votre âme redoute.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Qui se vainc une fois sait bien ce qu’il en coûte :
L’effort est assez grand pour en craindre un second.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Ah ! Si votre grande âme à peine s’en répond,
La mienne, qui n’est pas d’une trempe si belle,
Réduite au même effort, seigneur, que fera-t-elle ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Ce que je fais, mon frère : aimez ailleurs.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Hélas !
Ce qui vous fut aisé, seigneur, ne me l’est pas.
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À moins que d’un respect aussi grand que le mien ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Vengez-vous, j’y consens ; que rien ne vous retienne.
Je prends votre maîtresse ; allez, prenez la mienne.
Épousez Bérénice, et…
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Vous n’achevez point,
Seigneur : ne pourriez-vous aimer jusqu’à ce point ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Oui, si je ne craignais pour vous l’injuste haine
Que Rome concevrait pour l’époux d’une reine.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Dites, dites, seigneur, qu’il est bien malaisé
De céder ce qu’adore un coeur bien embrasé ;
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Que d’accabler un frère et contraindre une femme.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Je ne contrains personne ; et de sa propre voix
Nous allons, vous et moi, savoir quel est son choix.
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{{Personnage|Tite|c|Red}}
Parlez, parlez, madame, et daignez nous apprendre
Où porte votre coeur, ce qu’il sent de plus tendre,
Qui le possède entier de mon frère ou de moi ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
En doutez-vous, seigneur, quand vous avez ma foi ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
J’aime à n’en point douter, mais on veut que j’en doute :
On dit que cette foi ne vous donne pas toute,
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Entre le prince et moi ne regardez que vous.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Qu’avez-vous dit de moi, prince ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Que dans votre âme
Vous laissez vivre encor notre première flamme ;
Ligne 773 :
Se fait armes de tout, et ne ménage rien.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Je ne sais de vous deux, seigneur, à ne rien feindre,
Duquel je dois le plus me louer ou me plaindre.
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Ne le consultent point sur ces grands hyménées.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Si le vôtre, madame, était de moindre prix…
Mais que veut Flavian ?
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{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Vous en serez surpris,
Seigneur, je vous apporte une grande nouvelle :
La reine Bérénice…
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Eh bien ! Est infidèle ?
Et son esprit, charmé par un plus doux souci…
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Elle est dans ce palais, seigneur ; et la voici.
 
Ligne 832 :
 
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Ô dieux ! Est-ce, madame, aux reines de surprendre ?
Quel accueil, quels honneurs peuvent-elles attendre,
Ligne 838 :
Celui de donner ordre à les bien recevoir ?
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Pardonnez-le, seigneur, à mon impatience.
J’ai fait sous d’autres noms demander audience :
Ligne 853 :
Vous savez trop…
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Je sais votre zèle, et l’admire,
Madame ; et pour me voir possesseur de l’empire,
Ligne 868 :
 
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Seigneur, faut-il ici vous rendre votre foi ?
Ne regardez que vous entre la reine et moi ;
Ligne 874 :
Où porte votre coeur ce qu’il sent de plus tendre.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Adieu, madame, adieu. Dans le trouble où je suis,
Me taire et vous quitter, c’est tout ce que je puis.
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{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Se taire et me quitter ! Après cette retraite,
Crois-tu qu’un tel arrêt ait besoin d’interprète ?
 
{{Personnage|Plautine|c|Red}}
Oui, madame ; et ce n’est que dérober au jour ;
Que vous cacher le trouble où le met ce retour.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Non, non, tu l’as voulu, Plautine, que je vinsse
Désavouer ici les vanités du prince,
Ligne 898 :
A-t-il jeté les yeux sur moi qu’en me quittant ?
 
{{Personnage|Plautine|c|Red}}
Pensez-vous que sa reine ait l’esprit plus content ?
Avant que vous quitter, lui-même il l’a bannie.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Oui, mais avec respect, avec cérémonie,
Avec des yeux enfin qui l’éloignant des miens,
Ligne 923 :
Et que je suis de plus fille de Corbulon.
 
{{Personnage|Plautine|c|Red}}
Vous l’êtes ; mais enfin c’est n’être qu’une fille,
Que le reste impuissant d’une illustre famille.
Contre un tel empereur où prendrez-vous des bras ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Contre un tel empereur nous n’en manquerons pas.
S’il épouse sa reine, il est l’horreur de Rome.
Ligne 945 :
Suis-je moins digne qu’elle enfin du coeur de Tite ?
 
{{Personnage|Plautine|c|Red}}
Madame…
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Je m’emporte, et mes sens interdits
Impriment leur désordre en tout ce que je dis.
Ligne 956 :
Allons penser à tout avec plus de repos.
 
{{Personnage|Plautine|c|Red}}
Vous pourriez hasarder un moment de visite,
Pour voir si ce retour est sans l’aveu de Tite,
Ou si c’est de concert qu’il a fait le surpris.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Oui ; mais auparavant remettons nos esprits.
 
Ligne 969 :
 
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Je vous l’ai dit, madame, et j’aime à le redire,
Qu’il est beau qu’à vous plaire un empereur aspire,
Ligne 979 :
Qu’un frère d’empereur pourrait valoir un roi ?
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Si votre âme, seigneur, en veut être éclaircie,
Vous pouvez le savoir de votre Domitie.
Ligne 1 002 :
Me donne-t-il à vous alors qu’il m’abandonne ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Il vous respecte trop : c’est à vous qu’il me donne,
Et me fait la justice, en m’enlevant mon bien,
Ligne 1 015 :
Pour peu que vous penchiez à le rendre jaloux.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Peut-être ; mais, seigneur, croyez-vous Bérénice
D’un coeur à s’abaisser jusqu’à cet artifice,
Ligne 1 021 :
De ce qu’un grand service a mérité d’amour ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Madame, sur ce point je n’ai rien à vous dire.
Vous savez ce que vaut l’empereur et l’empire ;
Ligne 1 031 :
 
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Je vais me retirer, seigneur, si je vous chasse ;
Et j’ai des intérêts que vous servez trop bien
Pour arrêter le cours d’un si long entretien.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Je faisais à la reine une offre de service
Qui peut vous assurer le rang d’impératrice,
Ligne 1 043 :
Est-ce vous mal servir ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Quoi ? Madame, il vous aime ?
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Non ; mais il me le dit, madame.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Lui ?
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Lui-même.
Est-ce vous offenser que m’offrir vos refus ?
Et vous doit-il un coeur dont vous ne voulez plus ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Je ne sais si je puis vous dire s’il m’offense,
Quand vous vous préparez à prendre sa défense.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Et moi, je ne sais pas s’il a droit de changer,
Mais je sais que l’amour ne peut désobliger.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Du moins ce nouveau feu rend justice au mérite.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Vous m’avez commandé de quitter qui me quitte,
Vous le savez, madame ; et si c’est vous trahir,
Vous m’avouerez aussi que c’est vous obéir.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
S’il échappe à l’amour un mot qui le trahisse,
À l’effort qu’il se fait veut-il qu’on obéisse ?
Ligne 1 081 :
De vous offrir ailleurs, et même en ma présence.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Madame, vous voyez ce que je vous ai dit :
La preuve est convaincante, et l’exemple suffit.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Il suffit pour vous croire, et non pas pour le suivre.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Allez, sous quelques lois qu’il vous plaise de vivre,
Vivez-y, j’y consens ; mais vous pouviez, seigneur,
Ligne 1 098 :
Il vous fallait…
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Eh bien ! Puisqu’il faut que j’espère,
Madame, faites grâce à l’empereur mon frère,
Ligne 1 130 :
 
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Les intérêts du prince avancent trop le mien
Pour vous oser, madame, importuner de rien ;
Ligne 1 142 :
Qui soumettent l’amour à l’éclat des grandeurs.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Quand les choses, madame, auront changé de face,
Je reviendrai savoir ce qu’il faut que je fasse,
Ligne 1 160 :
Que de quelques bontés vous voudrez m’honorer.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
À vous dire le vrai, sa nouveauté m’étonne :
J’aurais eu quelque peine à vous croire si bonne ;
Ligne 1 180 :
Ce sera moins un don qu’une reconnaissance.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Ce sont là de grands droits ; et si l’amour s’y joint,
Je dois craindre une chute à n’en relever point.
Ligne 1 191 :
Adieu. Quelque autre fois nous suivrons ce discours.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Je suis venue ici trop tôt de quatre jours ;
J’en suis au désespoir et vous en fais excuse.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Dans quatre jours, madame, on verra qui s’abuse.
 
Ligne 1 202 :
 
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Quel caprice, Philon, l’amène jusqu’ici
M’expliquer elle-même un si cuisant souci ?
Tite, après mon départ, l’aurait-il maltraitée ?
 
{{Personnage|Philon|c|Red}}
Après votre départ il l’a soudain quittée,
Madame, et s’est défait de cet esprit jaloux
Avec un compliment encor plus court qu’à vous.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Ainsi tout est égal : s’il me chasse, il la quitte ;
Mais ce peu qu’il m’a dit ne peut qu’il ne m’irrite :
Ligne 1 225 :
Il est libre, il est maître, il veut tout ce qu’il fait.
 
{{Personnage|Philon|c|Red}}
Du peu qu’il vous a dit j’attends un autre effet.
Le trouble de vous voir auprès d’une rivale
Ligne 1 239 :
 
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Me cherchez-vous, seigneur, après m’avoir chassée ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Vous avez su mieux lire au fond de ma pensée,
Madame ; et votre coeur connaît assez le mien
Pour me justifier sans que j’explique rien.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Mais justifiera-t-il le don qu’il vous plaît faire
De ma propre personne au prince votre frère ?
Ligne 1 255 :
Le pouvez-vous, seigneur ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Le croyez-vous, madame ?
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Hélas ! Que j’ai de peur de vous dire que non !
J’ai voulu vous haïr dès que j’ai su ce don :
Ligne 1 290 :
N’en rejaillit-il rien jusque dans votre coeur ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Hélas ! Madame, hélas ! Pourquoi vous ai-je vue ?
Et dans quel contre-temps êtes-vous revenue !
Ligne 1 305 :
J’allais…
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
N’achevez point, c’est là ce qui me tue.
Et je pourrais souffrir votre hymen à ma vue,
Ligne 1 327 :
Ne m’ôte que la main, et me laisse le coeur.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Domitie aisément souffrirait ce partage ;
Ma main satisferait l’orgueil de son courage ;
Ligne 1 333 :
Qu’il revient tout entier faire hommage à vos yeux.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
N’importe : ayez pitié, seigneur, de ma faiblesse.
Vous avez un coeur fait à changer de maîtresse ;
Ligne 1 339 :
Ne l’exercerez-vous jamais que contre moi ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Domitie est le choix de Rome et de mon père :
Ils crurent à propos de l’ôter à mon frère,
Ligne 1 347 :
Rome, qui l’a choisie, y consentira-t-elle ?
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Quoi ? Rome ne veut pas quand vous avez voulu ?
Que faites-vous, seigneur, du pouvoir absolu ?
Ligne 1 357 :
Vous en êtes l’esclave encor plus que le maître.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Tel est le triste sort de ce rang souverain,
Qui ne dispense pas d’avoir un coeur romain ;
Ligne 1 371 :
Si ma perte aussitôt de la vôtre suivie…
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Non, seigneur, ce n’est pas aux reines comme moi
À hasarder leurs jours pour signaler leur foi.
Ligne 1 391 :
Au lieu d’un empereur, le plus grand des héros.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Eh bien ! Madame, il faut renoncer à ce titre,
Qui de toute la terre en vain me fait l’arbitre.
Ligne 1 401 :
Et soit de Rome esclave et maître qui voudra !
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Il n’est plus temps : ce nom, si sujet à l’envie,
Ne se quitte jamais, seigneur, qu’avec la vie ;
Ligne 1 411 :
Et vous n’auriez partout qu’assassins sur vos pas.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Que faire donc, madame ?
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Assurer votre vie ;
Et s’il y faut enfin la main de Domitie…
Ligne 1 420 :
Ce n’est pas moi, seigneur, qu’il en faut consulter.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Non, madame ; et dût-il m’en coûter trône et vie,
Vous ne me verrez point épouser Domitie.
Ligne 1 431 :
 
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Avez-vous su, Philon, quel bruit et quel murmure
Fait mon retour à Rome en cette conjoncture ?
 
{{Personnage|Philon|c|Red}}
Oui, madame : j’ai vu presque tous vos amis,
Et su d’eux quel espoir vous peut être permis.
Ligne 1 465 :
Un juste et plein effet de sa reconnaissance. "
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Qu’elle répande ailleurs ces effets éclatants,
Et ne m’enlève point le seul où je prétends.
Ligne 1 478 :
Mais achevez, Philon ; ne dit-on autre chose ?
 
{{Personnage|Philon|c|Red}}
On parle des périls où votre amour l’expose :
" de cet hymen, dit-on, les noeuds si désirés
Ligne 1 495 :
Jugez ce qui peut suivre une telle union.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Ne dit-on rien de plus ?
 
{{Personnage|Philon|c|Red}}
Ah ! Madame, je tremble
À vous dire encor…
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Quoi ?
 
{{Personnage|Philon|c|Red}}
Que le sénat s’assemble.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Quelle est l’occasion qui le fait assembler ?
 
{{Personnage|Philon|c|Red}}
L’occasion n’a rien qui vous doive troubler ;
Et ce n’est qu’à dessein de pourvoir aux dommages
Ligne 1 518 :
Qui pourront bien après vous mettre sur les rangs.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Quoi que sur mes destins ils usurpent d’empire,
Je ne vois pas leur maître en état d’y souscrire.
Ligne 1 543 :
{{scène|II}}
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Auriez-vous au sénat, seigneur, assez de brigue
Pour combattre et confondre une insolente ligue ?
Ligne 1 557 :
Cet unique secours qui pourrait le servir.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
On en pourra parler, madame, et mon ingrate
En a déjà conçu quelque espoir qui la flatte ;
Ligne 1 569 :
Leur plus fidèle ardeur osera peu de chose.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Ah ! Prince, je mourrai de honte et de douleur,
Pour peu qu’il contribue à faire mon malheur ;
Mais je n’ai qu’à le voir pour calmer ces alarmes.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
N’y perdez point de temps, portez-y tous vos charmes :
N’en oubliez aucun dans un péril si grand.
Ligne 1 583 :
Pour se faire une excuse envers l’une des deux.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Quelques efforts qu’on fasse, et quelque art qu’on déploie,
Je vous réponds de tout, pourvu que je le voie ;
Ligne 1 596 :
 
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Prince, si vous m’aimez, l’occasion est belle.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Si je vous aime ! Est-il un amant plus fidèle ?
Mais, madame, sachons ce que vous souhaitez.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Vous me servirez mal, puisque vous en doutez.
L’amant digne du coeur de la beauté qu’il aime
Ligne 1 617 :
Il faut…
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Si vous croyez votre bonheur douteux,
Votre retour vers moi serait-il si honteux ?
Ligne 1 625 :
Et suis-je moindre enfin qu’alors que vous m’aimiez ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Non ; mais un autre espoir va m’accabler de honte,
Quand le trône m’attend, si Bérénice y monte.
Ligne 1 632 :
De quel oeil verrez-vous qu’une reine étrangère…
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
De l’oeil dont je verrais que l’empereur, mon frère,
En prît d’autres pour vous, ranimât son espoir,
Et pour se rendre heureux, usât de son pouvoir.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Ne vous y trompez pas : s’il me donne le change,
Je ne suis point à vous, je suis à qui me venge,
Ligne 1 643 :
Pour me venger de vous aussi bien que de lui.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Et c’est du nom romain la gloire qui vous touche,
Madame ? Et vous l’avez au coeur comme en la bouche ?
Ligne 1 653 :
Quel fruit je dois attendre enfin d’un tel emploi.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Voulez-vous pour servir être sûr du salaire,
Seigneur ? Et n’avez-vous qu’un amour mercenaire ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Je n’en connais point d’autre, et ne conçois pas bien
Qu’un amant puisse plaire en ne prétendant rien.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Que ces prétentions sentent les âmes basses !
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Les dieux à qui les sert font espérer des grâces.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Les exemples des dieux s’appliquent mal sur nous.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Je ne veux donc, madame, autre exemple que vous.
N’attendez-vous de Tite, et n’avez-vous pour Tite
Ligne 1 677 :
Sans vouloir aucun fruit de tant de passion ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Peut-être en ce dessein ne suis-je intéressée
Que par l’intérêt seul de ma gloire blessée.
Ligne 1 698 :
Lui pourrez-vous aider à me perdre d’honneur ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Ne pouvez-vous le mettre à faire mon bonheur ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
J’ai quelque orgueil encor, seigneur, je le confesse.
De tout ce qu’il attend rendez-moi la maîtresse,
Ligne 1 708 :
Et que…
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Me faire grâce après tant d’injustice !
De tant de vains détours je vois trop l’artifice !
Ligne 1 718 :
Madame, ordonnez-lui d’abaisser l’oeil sur moi.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Cet objet de ma haine a pour vous quelque charme.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Son nom seul prononcé vous a mise en alarme :
Me puis-je mieux venger, si vous me trahissez,
Que d’aimer à vos yeux ce que vous haïssez ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Parlons à coeur ouvert. Aimez-vous Bérénice ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Autant qu’il faut l’aimer pour vous faire un supplice.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Ce sera donc le vôtre encor plus que le mien.
Après cela, seigneur, je ne vous dis plus rien.
Ligne 1 738 :
J’y puis joindre au besoin une implacable haine.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Et moi, dût à jamais croître ce grand courroux,
J’épouserai, madame, ou Bérénice, ou vous.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Ou Bérénice, ou moi ! La chose est donc égale,
Et vous ne m’aimez plus qu’autant que ma rivale ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
La douleur de vous perdre, hélas ! …
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
C’en est assez :
Nous verrons cet amour dont vous nous menacez.
Ligne 1 760 :
 
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Admire ainsi que moi de quelle jalousie
Au seul nom de la reine elle a paru saisie ;
Ligne 1 766 :
À qui je donne un coeur dont elle ne veut pas !
 
{{Personnage|Albin|c|Red}}
Seigneur, telle est l’humeur de la plupart des femmes.
L’amour sous leur empire eût-il rangé mille âmes,
Ligne 1 792 :
Et je l’y tiens déjà, seigneur, tout préparé.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Tu parles du sénat, et je veux parler d’elle,
De l’ingrate qu’un trône a rendue infidèle.
Ligne 1 798 :
À mettre enfin d’accord sa gloire et son amour ?
 
{{Personnage|Albin|c|Red}}
Tout dépendra de Tite et du secret office
Qu’il peut dans le sénat rendre à sa Bérénice.
Ligne 1 816 :
Le voici.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Je suivrai ce que ton zèle en dit.
 
Ligne 1 822 :
 
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Avez-vous regagné le coeur de votre ingrate,
Mon frère ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Sa fierté de plus en plus éclate.
Voyez s’il fut jamais orgueil pareil au sien :
Ligne 1 835 :
Ce qu’à vos plus doux voeux il vous plaît d’accorder ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
J’aurai peine à bannir la reine de ma vue.
Par quels ordres, grands dieux, est-elle revenue ?
Ligne 1 841 :
J’allais…
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
N’avez-vous pas un absolu pouvoir,
Seigneur ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Oui ; mais j’en suis comptable à tout le monde :
Comme dépositaire, il faut que j’en réponde.
Ligne 1 851 :
Et qui veut pouvoir tout ne doit pas tout oser.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Que refuserez-vous aux désirs de votre âme,
Si le sénat approuve une si belle flamme ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Qu’il parle du Vésuve, et ne se mêle pas
De jeter dans mon âme un nouvel embarras.
Ligne 1 864 :
S’il exile la reine, y pourrai-je souscrire ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
S’il parle en sa faveur, pourrez-vous l’en dédire ?
Ah ! Que je vous plaindrais d’avoir si peu d’amour !
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
J’en ai trop, et le mets peut-être trop au jour.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Si vous en aviez tant, vous auriez peu de peine
À rendre Domitie à sa première chaîne.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Ah ! S’il ne s’agissait que de vous la céder,
Vous auriez peu de peine à me persuader ;
Ligne 1 882 :
Il y va de bien plus.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
De quoi, seigneur ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
De tout.
Il y va d’épouser sa haine jusqu’au bout,
Ligne 1 901 :
À mon assassin même attacherait son coeur.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Pouvez-vous mieux choisir un frein à sa colère,
Seigneur, que de la mettre entre les mains d’un frère ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Non : je ne puis la mettre en de plus sûres mains ;
Mais plus vous m’êtes cher, prince, et plus je vous crains :
Ligne 1 924 :
Croyez-moi, séparez vos intérêts des siens.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Eh bien ! J’en briserai les dangereux liens.
Pour votre sûreté j’accepte ce supplice ;
Ligne 1 933 :
Quoi ? N’osez-vous, seigneur, me faire de réponse ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Se donne-t-elle à vous, et ne tient-il qu’à moi ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Elle a droit d’imiter qui lui manque de foi.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Elle n’en a que trop ; et toutefois je doute
Que son amour trahi prenne la même route.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Mais si pour se venger elle répond au mien ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Épousez-la, mon frère, et ne m’en dites rien.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Et si je regagnais l’esprit de Domitie ?
Si pour moi sa fierté se montrait adoucie ?
Ligne 1 955 :
Seigneur ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Épousez-la sans m’en parler non plus.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Allons, et malgré lui rendons-lui Bérénice.
Albin, de nos projets son amour est complice ;
Ligne 1 969 :
 
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
As-tu vu Bérénice ? Aime-t-elle mon frère ?
Et se plaît-elle à voir qu’il tâche de lui plaire ?
Me la demande-t-il de son consentement ?
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Ne la soupçonnez point d’un si bas sentiment ;
Elle n’en peut souffrir non pas même la feinte.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
As-tu vu dans son coeur encor la même atteinte ?
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Elle veut vous parler, c’est tout ce que j’en sai.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Faut-il de son pouvoir faire un nouvel essai ?
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
M’en croirez-vous, seigneur ? Évitez sa présence,
Ou mettez-vous contre elle un peu mieux en défense.
Quel fruit espérez-vous de tout son entretien ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
L’en aimer davantage, et ne résoudre rien.
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
L’irrésolution doit-elle être éternelle ?
Vous ne me dites plus que Domitie est belle,
Ligne 2 003 :
Vos feux à s’assoupir, s’ils ne peuvent s’éteindre.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Je l’ai dit, il est vrai ; mais j’avais d’autres yeux,
Et je ne voyais pas Bérénice en ces lieux.
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Quand aux feux les plus beaux un monarque défère,
Il s’en fait un plaisir et non pas une affaire,
Ligne 2 017 :
Ce que sa dignité ne lui peut accorder.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Je sais qu’un empereur doit parler ce langage ;
Et quand il l’a fallu, j’en ai dit davantage ;
Ligne 2 042 :
Et par quel intérêt…
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Ils perdraient tout en vous.
Vous faites le bonheur et le salut de tous,
Seigneur ; et l’univers, de qui vous êtes l’âme…
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Ne perds plus de raisons à combattre ma flamme :
Les yeux de Bérénice inspirent des avis
Qui persuadent mieux que tout ce que tu dis.
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Ne vous exposez donc qu’à ceux de Domitie.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Je n’ai plus, Flavian, que quatre jours de vie :
Pourquoi prends-tu plaisir à les tyranniser ?
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Mais vous savez qu’il faut la perdre ou l’épouser ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
En vain donc à ses voeux tout mon amour s’oppose ;
Périr ou faire un crime est pour moi même chose.
Ligne 2 071 :
Par elle j’ai vaincu, pour elle il faut périr.
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Seigneur…
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Oui, Flavian, c’est à faire à mourir.
La vie est peu de chose ; et tôt ou tard, qu’importe
Ligne 2 081 :
Chaque instant de la vie est un pas vers la mort.
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Flattez mieux les désirs de votre ambitieuse,
Et ne la changez pas de fière en furieuse.
Elle vient vous parler.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Dieux ! Quel comble d’ennuis !
 
Ligne 2 093 :
 
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Je viens savoir de vous, seigneur, ce que je suis.
J’ai votre foi pour gage, et mes aïeux pour marques
Ligne 2 102 :
Servira-t-il, seigneur, au triomphe d’une autre ?
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
J’ai quatre jours encor pour en délibérer,
Madame ; jusque-là laissez-moi respirer.
Ligne 2 110 :
Puissent en quatre jours m’en imposer les lois.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Il n’en faudrait pas tant, seigneur, pour vous résoudre
À lancer sur ma tête un dernier coup de foudre,
Si vous ne craigniez point qu’il rejaillît sur vous.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Suspendez quelque temps encor ce grand courroux.
Puis-je étouffer sitôt une si belle flamme ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Quoi ? Vous ne pouvez pas ce que peut une femme ?
Que vous me rendez mal ce que vous me devez !
Ligne 2 126 :
En étouffe un peut-être aussi fort que le vôtre.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Peut-être auriez-vous peine à le bien étouffer,
Si votre ambition n’en savait triompher.
Ligne 2 138 :
Elle abandonne un coeur tout entier à l’amour.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Elle abandonne ainsi le vôtre à cette reine,
Qui cherche une grandeur encor plus souveraine.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Non, madame : je veux que vous sortiez d’erreur.
Bérénice aime Tite, et non pas l’empereur ;
Elle en veut à mon coeur, et non pas à l’empire.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
D’autres avoient déjà pris soin de me le dire,
Seigneur ; et votre reine a le goût délicat
Ligne 2 168 :
J’applaudis à mon coeur de n’aspirer qu’à lui.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Mais me le donnez-vous tout ce coeur qui n’aspire,
En se tournant vers moi, qu’aux honneurs de l’empire ?
Ligne 2 174 :
Madame ? La suit-il sans espoir de retour ?
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Si c’est à mon égard ce qui vous inquiète,
Le coeur se rend bientôt quand l’âme est satisfaite :
Ligne 2 192 :
Je ne veux point, seigneur, attenter sur leurs droits.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Et moi, qui suis des dieux la plus visible image,
Je veux ce coeur comme eux, et j’en veux tout l’hommage.
Ligne 2 203 :
J’attendrai son arrêt, et le suivrai peut-être.
 
{{Personnage|Domitie|c|Red}}
Suivez-le, mais tremblez s’il flatte trop son maître.
Ce grand corps tous les ans change d’âme et de coeurs ;
Ligne 2 221 :
 
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
L’impétueux esprit ! Conçois-tu, Flavian,
Où pourraient ses fureurs porter Domitian,
Ligne 2 227 :
Où par tous mes désirs je la sens condamnée ?
 
{{Personnage|Flavian|c|Red}}
Je vous l’ai déjà dit, seigneur : pensez-y bien,
Et surtout de la reine évitez l’entretien.
Ligne 2 236 :
 
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Eh bien ! Madame, eh bien ! Faut-il tout hasarder ?
Et venez-vous ici pour me le commander ?
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
De ce qui m’est permis je sais mieux la mesure,
Seigneur ; et j’ai pour vous une flamme trop pure
Ligne 2 271 :
Pouvez-vous refuser à ma douleur profonde…
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Hélas ! Que voulez-vous que la mienne réponde ?
Et que puis-je résoudre alors que vous parlez,
Ligne 2 288 :
Je quitterais l’empire et tout ce qui leur nuit.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Daigne me préserver le ciel…
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
De quoi, madame ?
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
De voir tant de faiblesse en une si grande âme !
Si j’avais droit par là de vous moins estimer,
Je cesserais peut-être aussi de vous aimer.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Ordonnez donc enfin ce qu’il faut que je fasse.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
S’il faut partir demain, je ne veux qu’une grâce :
Que ce soit vous, seigneur, qui le veuillez pour moi,
Ligne 2 311 :
Et que tout mon amour ne m’asservit qu’à vous.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Mais peut-être, madame…
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Il n’est point de peut-être,
Seigneur : s’il en décide, il se fait voir mon maître ;
Ligne 2 325 :
 
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Allez dire au sénat, Flavian, qu’il se lève :
Quoi qu’il ait commencé, je défends qu’il achève.
Ligne 2 334 :
Qu’il laisse à notre amour régler notre intérêt.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Il n’est plus temps, seigneur ; j’en apporte l’arrêt.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Qu’ose-t-il m’ordonner ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Seigneur, il vous conjure
De remplir tout l’espoir d’une flamme si pure.
Ligne 2 350 :
De voir un plein effet de cette adoption.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Madame…
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Permettez, seigneur, que je prévienne
Ce que peut votre flamme accorder à la mienne.
Ligne 2 389 :
Contre tous ces périls nous met en assurance.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Le ciel de ces périls saura trop nous garder.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Je les vois de trop près pour vous y hasarder.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Quand Rome vous appelle à la grandeur suprême…
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Jamais un tendre amour n’expose ce qu’il aime.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Mais, madame, tout cède, et nos voeux exaucés…
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Votre coeur est à moi, j’y règne ; c’est assez.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Malgré les voeux publics refuser d’être heureuse,
C’est plus craindre qu’aimer.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
La crainte est amoureuse.
Ne me renvoyez pas, mais laissez-moi partir.
Ligne 2 422 :
J’y rentrais exilée, et j’en sors triomphante.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
L’amour peut-il se faire une si dure loi ?
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
La raison me la fait malgré vous, malgré moi.
Si je vous en croyais, si je voulais m’en croire,
Ligne 2 435 :
Adieu, seigneur : je pars.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Ah ! Madame, arrêtez.
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Est-ce là donc pour moi l’effet de vos bontés,
Madame ? Est-ce le prix de vous avoir servie ?
J’assure votre gloire, et vous m’ôtez la vie.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Ne vous alarmez point : quoi que la reine ait dit,
Domitie est à vous, si j’ai quelque crédit.
Ligne 2 457 :
Ne deviendra jamais le partage d’une autre.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Le mien vous aurait fait déjà ces beaux serments,
S’il n’eût craint d’inspirer de pareils sentiments :
Ligne 2 463 :
Qui fassent à jamais revivre un si grand homme.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Pour revivre en des fils nous n’en mourons pas moins,
Et vous mettez ma gloire au-dessus de ces soins.
Ligne 2 478 :
Est-ce là vous l’ôter ?
 
{{Personnage|Domitian|c|Red}}
Ah ! C’en est trop, seigneur.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Daignez contribuer à faire son bonheur,
Madame, et nous aider à mettre de cette âme
Toute l’ambition d’accord avec sa flamme.
 
{{Personnage|Bérénice|c|Red}}
Allons, seigneur : ma gloire en croîtra de moitié,
Si je puis remporter chez moi son amitié.
 
{{Personnage|Tite|c|Red}}
Ainsi pour mon hymen la fête préparée
Vous rendra cette foi qu’on vous avait jurée,