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Au milieu de la joie et de l’émotion générales, il y avait cependant deux hommes qui ne savaient quelle contenance faire. L’un était le comte de Zinzendorf, l’ambassadeur de Léopold, qui, par une fâcheuse coïncidence, avait précisément demandé audience au Roi pour lui faire part de la naissance d’un prince auquel la reine des Romains venait de donner le jour. Tous les yeux se tournaient vers lui, jouissant de sa déconvenue, et il devait maudire le fâcheux hasard, un peu cherché peut-être, qui lui avait fait accorder son audience précisément ce jour-là. Mais il y avait un autre ambassadeur dont l’embarras n’était pas moindre, c’était le comte de Vernon. L’attention ne se portait guère sur lui, car, les négociations de Louis XIV avec Victor-Amédée étant demeurées absolument secrètes, personne ne pouvait deviner la déception qu’il éprouvait. Ce qui devait au reste le préoccuper, ce n’était pas les propos des courtisans ; c’était l’attitude à prendre vis-à-vis de ce nouveau roi, en présence duquel il se trouvait inopinément, et qu’il voyait monter en triomphe sur un trône auquel, la veille, son propre souverain aspirait encore. Victor-Amédée était un maître peu commode, qu’il ne fallait pas mécontenter. Mais il ne fallait pas non plus prendre une attitude de protestation imprudente et incivile. Nous savons par le propre récit de Vernon comment il se tira de la difficulté.

Le lendemain de la proclamation du duc d’Anjou comme roi d’Espagne, il écrivait à Victor-Amédée : « Au nouveau roi, qui se tenait en face de Sa Majesté, je n’ai pas fait autre chose qu’une profonde inclination, et, sans affectation, j’ai continué la conversation déjà commencée avec Sa Majesté, laquelle m’a dit comme elle espérait que Votre Altesse Royale serait satisfaite de cet heureux événement (successo) qui assurait la paix universelle [1]. » S’étant ainsi adroitement tiré du mauvais pas, Vernon attendait des instructions. Dans une première dépêche, Victor-Amédée

  1. Archives de Turin, Lettere Ministri Francia, mazzo 128. Vernon à Victor-Amédée, 17 nov. 1700. Les dépêches de Victor-Amédée sont tantôt en italien, tantôt en français, qu’il écrivait, comme on voit, assez médiocrement.