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Partout enfin, ou presque partout, il donne l’impression de la plénitude sans encombrement et de la transparence unie à la profondeur.
Partout enfin, ou presque partout, il donne l’impression de la plénitude sans encombrement et de la transparence unie à la profondeur.


Rien n’est moins au goût et peut-être à la portée de l’école contemporaine que l’invention mélodique. Dans une œuvre même comme celle-ci, la matière première, la substance musicale pourrait avoir plus d’abondance et d’originalité. Quelques thèmes néanmoins ont leur prix. Le motif d’amour, arpège éclatant qui monte et s’élance, est un beau mouvement de passion, de jeunesse et de joie. Avec le cri populaire : ''Voilà l’ Plaisir, Mesdames'' ! il domine toute la partition. Je trouve beaucoup de convenance et de vérité dramatique, un peu moins de nouveauté musicale dans l’épisode symphonique qui accompagne, au premier acte, la rentrée du père et le repas commun. Au dernier acte enfin, quand le père a pris sur ses genoux l’enfant égarée et farouche, lorsque soupire tout bas, mêlée à des harmonies câlines, enveloppée de sonorités qui fondent le cœur, la vieille chanson des berceaux, qui de nous a pu l’entendre sans un vague désir de larmes ! Ailleurs, la mélodie ou l’idée semble un peu brève ; elle brille un instant et disparaît. Mais c’est le style du jour. Nous préférons maintenant aux grandes lignes et aux larges touches les hachures, presque les points. Le détail significatif, intéressant, un peu mince, remplace le parti pris et la généralisation d’autrefois. La musique suit l’action, le discours, et dans ''Louise'', le discours n’est pas seulement difficile à suivre : il est parfois désagréable. Si le récitatif est la moins bonne partie de l’ouvrage, il en faut accuser la parole, dont la musique ne peut trop souvent que souligner la platitude et la vulgarité.
Rien n’est moins au goût et peut-être à la portée de l’école contemporaine que l’invention mélodique. Dans une œuvre même comme
celle-ci, la matière première, la substance musicale pourrait avoir plus
d’abondance et d’originalité. Quelques thèmes néanmoins ont leur
prix. Le motif d’amour, arpège éclatant qui monte et s’élance, est un
beau mouvement de passion, de jeunesse et de joie. Avec le cri
populaire : ''Voilà l’Plaisir, Mesdames !'' il domine toute la partition. Je
trouve beaucoup de convenance et de vérité dramatique, un peu moins
de nouveauté musicale dans l’épisode symphonique qui accompagne,
au premier acte, la rentrée du père et le repas commun. Au dernier
acte enfin, quand le père a pris sur ses genoux l’enfant égarée et
farouche, lorsque soupire tout bas, mêlée à des harmonies câlines,
enveloppée de sonorités qui fondent le cœur, la vieille chanson des
berceaux, qui de nous a pu l’entendre sans un vague désir de larmes !
Ailleurs, la mélodie ou l’idée semble un peu brève ; elle brille un instant
et disparaît. Mais c’est le style du jour. Nous préférons maintenant aux
grandes lignes et aux larges touches les hachures, presque les points.
Le détail significatif, intéressant, un peu mince, remplace le parti pris
et la généralisation d’autrefois. La musique suit l’action, le discours,
et dans Louise, le discours n’est pas seulement difficile à suivre : il est
parfois désagréable. Si le récitatif est la moins bonne partie de l’ouvrage, il en faut accuser la parole, dont la musique ne peut trop souvent que souligner la platitude et la vulgarité.


Inutile d’ajouter que pour le musicien de ''Louise'', le travail du ''leitmotiv'' est un jeu ; rarement un jeu de patience, car il ne trahit presque jamais l’effort ou seulement la recherche ; plus souvent un jeu d’esprit, quelquefois même un jeu de mots : soit que la voix alanguie des ouvrières, soit que la voix étranglée du père chassant Louise, donne au thème ramené de ''Voilà l’ Plaisir, Mesdames'' ! l’expression du désir et du rêve, ou celle de l’ironie, de l’insulte et de la malédiction. Les cris de Paris ! Le musicien de Paris par excellence n’y pouvait être indifférent. Il a suivi le conseil de Hameau : il a écouté « les gens qui ''chantent'' ce qu’ils ''crient'' dans les rues. » Et ces cris ou ces chants ont fourni d’eux-mêmes à M. Charpentier çà et là un effet touchant ou pathétique, partout le décor ou le « milieu » de son drame. D’eux-mêmes ? non pas, et l’artiste, si j’ose ainsi parler, y a mis beaucoup du sien. Si dans l’introduction du second acte (''Paris qui s’éveille'') il les présente un peu trop comme sur une carte d’échantillons, ailleurs il les développe, les
Inutile d’ajouter que pour le musicien de Louise, le travail du leitmotiv est un jeu ; rarement un jeu de patience, car il ne trahit presque
jamais l’effort ou seulement la recherche ; plus souvent un jeu d’esprit,
quelquefois même un jeu de mots : soit que la voix alanguie des
ouvrières, soit que la voix étranglée du père chassant Louise, donne
au thème ramené de ''Voilà l’Plaisir, Mesdames !'' l’expression du désir et
du rêve, ou celle de l’ironie, de l’insulte et de la malédiction. Les cris
de Paris ! Le musicien de Paris par excellence n’y pouvait être indifférent. Il a suivi le conseil de Rameau : il a écouté « les gens qui chantent ce qu’ils crient dans les rues. » Et ces cris ou ces chants ont fourni
d’eux-mêmes à M. Charpentier çà et là un effet touchant ou pathétique,
partout le décor ou le « milieu a de son drame. D’eux-mêmes ? non
pas, et l’artiste, si j’ose ainsi parler, y a mis beaucoup du sien. Si dans
L’introduction du second acte (''Paris qui s’éveille'') il les présente un peu
’op comme sur une carte d’échantillons, ailleurs il les développe, les