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N’y a-t-il pas toute une théorie de l’art dans ces deux vers, je dirai même toute une esthétique ; et qui ne voit, une fois averti, comment on l’en dégagerait ?
N’y a-t-il pas toute une théorie de l’art dans ces deux vers, je dirai même toute une esthétique ; et qui ne voit, une fois averti, comment on l’en dégagerait ?


Est-ce à dire qu’on doive reconnaître dans Hugo l’incarnation de son siècle ? « L’influence de Victor Hugo a été prodigieuse, dit à ce propos M. Mabilleau. Il a commencé par offrir au romantisme une formule, puis il lui a imposé une direction, et de tant d’inspirations diverses, de tant de talent épars, il a fait son école. » C’est ce qu’on pourrait discuter. Car, où est donc l’école d’Hugo, si l’on n’en saurait mettre ni l’auteur des Nuits, ni celui des Destinées, ni Balzac, ni George Sand, à ce que j’imagine, et ni l’auteur enfin de ''Mademoiselle de Belle-Isle'' ou celui de ''Mercadet'' ? Rappellerai-je encore qu’Eugène Delacroix ne pouvait pas le souffrir ? Mais quand M. Mabilleau ne craint pas d’ajouter « qu’il a vraiment incarné l’esprit français, — ''plus vraiment que Voltaire au siècle précédent'', — qu’il a renouvelé l’imagination et la langue, et forcé toute une génération à modeler son cerveau sur le sien, » c’est ce qu’il est tout à fait impossible d’admettre. Trop de choses de son temps sont demeurées étrangères à Hugo, — la science, telle que l’ont renouvelée les Ampère, les Darwin, les Pasteur ; l’histoire, telle que l’ont entendue les Guizot, les Thierry, les Mommsen ; l’érudition, telle que l’on recréée les Champollion, les Burnouf, les Julien ; la critique, telle que l’on faite les Sainte-Beuve, les Taine, les Renan ; la philosophie, telle que l’on comprise les Schopenhauer, les Comte, les Spencer, quoi encore ? — et, de cette universalité d’indifférence, de cette étendue d’ignorance, comment pourra-t-on jamais faire l’incarnation du siècle ? Si Victor Hugo a « incarné son siècle, » c’est à peu près comme
Est-ce à dire qu’on doive reconnaître dans Hugo l’incarnation de son siècle ? « L’influence de Victor Hugo a été prodigieuse, dit à ce propos M. Mabilleau. Il a commencé par offrir au romantisme une formule, puis il lui a imposé une direction, et de tant d’inspirations diverses, de tant de talent épars, il a fait son école. » C’est ce qu’on pourrait discuter. Car, où est donc l’école d’Hugo, si l’on n’en saurait mettre ni l’auteur des ''Nuits'', ni celui des ''Destinées'', ni Balzac, ni George Sand, à ce que j’imagine, et ni l’auteur enfin de ''Mademoiselle de Belle-Isle'' ou celui de ''Mercadet'' ? Rappellerai-je encore qu’Eugène Delacroix ne pouvait pas le souffrir ? Mais quand M. Mabilleau ne craint pas d’ajouter « qu’il a vraiment incarné l’esprit français, — ''plus vraiment que Voltaire au siècle précédent'', — qu’il a renouvelé l’imagination et la langue, et forcé toute une génération à modeler son cerveau sur le sien, » c’est ce qu’il est tout à fait impossible d’admettre. Trop de choses de son temps sont demeurées étrangères à Hugo, — la science, telle que l’ont renouvelée les Ampère, les Darwin, les Pasteur ; l’histoire, telle que l’ont entendue les Guizot, les Thierry, les Mommsen ; l’érudition, telle que l’on recréée les Champollion, les Burnouf, les Julien ; la critique, telle que l’on faite les Sainte-Beuve, les Taine, les Renan ; la philosophie, telle que l’on comprise les Schopenhauer, les Comte, les Spencer, quoi encore ? — et, de cette universalité d’indifférence, de cette étendue d’ignorance, comment pourra-t-on jamais faire l’incarnation du siècle ? Si Victor Hugo a « incarné son siècle, » c’est à peu près comme