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''sages princes doivent avoir de n’abuser de l’heur et victoire qu’ils obtiennent contre leurs ennemis, qu’il s’accorda à la paix'', laquelle fut arrêtée à Brétigny, près de Chartres, le 8 mai 1360.
''sages princes doivent avoir de n’abuser de l’heur et victoire qu’ils obtiennent contre leurs ennemis, qu’il s’accorda à la paix'', laquelle fut arrêtée à Brétigny, près de Chartres, le 8 mai 1360.


Cette fois c’était la France qui sollicitait le régent de traiter à tout prix. Le gouffre était ouvert ? la nation reculait devant l’abîme. Le roi de Navarre lui-même était ému. Quelque reste de sang français bouillonnait dans ses veines. ''Volo esse bonus Gallicus'', lui fait dire le moine de la place Haubert. Elles étaient navrantes en effet les conditions de l’Angleterre. Edouard s’était remis en campagne pour conquérir la France tout de bon ; il voulait aller à Reims pour s’y faire sacrer. Toute la noblesse anglaise l’accompagnait, tous les aventuriers de l’Europe l’attendaient à Calais ; ayant ouï parler de conquêtes, chacun en voulait avoir sa part, et comptait sur un partage de terres comme celui de Guillaume le Bâtard. Edouard eut peine à se délivrer de ce cortège ; la chevalerie anglaise avait pris la chose au sérieux, et ce n’était rien moins qu’une émigration qui suivait le Plantagenet pour revenir aux vieux manoirs de Normandie et d’Anjou. La France n’était plus qu’un désert ; rien ne semblait faire obstacle à l’accomplissement de l’invasion : un destin providentiel pouvait seul sauver la France. Si nous en croyons Froissait, il y eut du surnaturel en effet dans la résolution mitigée d’Edouard III. Il s’était retiré de Paris sur Chartres, avait pris logement au hameau de Brétigny, et s’y trouvait en pourparler ''rude'' avec les ''traiteurs'' français, lorsqu’un incident imprévu amollit ses dispositions, et ouvrit, son esprit aux propositions conciliantes du duc de Lancastre, son cousin, qui donna les meilleurs conseils en cette circonstance. « Pendant que ces traiteurs français alloient et prêchoient le dit roi et encore nulle response agréable n’en avouent, un temps et un esfoudre et orage si grand et si horrible descendit du ciel en l’ost du roi d’Angleterre, que il sembla bien proprement que le siècle dut finir, car il chéoit de l’air pierres si grosses, que elles tuoient hommes et chevaux et en furent les plus hardis tout ébahis, et adonc regarda le roi d’Angleterre devers l’église Notre-Dame de Chartres, et promit et voua, si come il dit et confessa depuis, que il s’accorderoit à la paix. » Quoi qu’il en soit de la violente giboulée, cette paix fut, hélas ! celle de Brétigny. Crainte de pis, le traité fut accueilli comme le salut ; Paris en fit une folle joie, les messagers qui en apportaient la dépêche furent reçus comme libérateurs ; le dauphin seul, garda une froide réserve. Les Anglais s’étaient crus modérés, après avoir convoité le royaume, de se borner à revendiquer tout ce qu’avaient eu jadis, les Plantagenets, à savoir l’Aquitaine, la Normandie, le Maine, 1"Anjou, la Touraine. Ils cédèrent enfin sur ces quatre dernières contrées ; mais ils obtinrent l’Aquitaine en pleine souveraineté, au lieu de la tenir comme fief de la couronne, ainsi
Cette fois c’était la France qui sollicitait le régent de traiter à tout prix. Le gouffre était ouvert ? la nation reculait devant l’abîme. Le roi de Navarre lui-même était ému. Quelque reste de sang français bouillonnait dans ses veines. ''Volo esse bonus Gallicus'', lui fait dire le moine de la place Haubert. Elles étaient navrantes en effet les conditions de l’Angleterre. Edouard s’était remis en campagne pour conquérir la France tout de bon ; il voulait aller à Reims pour s’y faire sacrer. Toute la noblesse anglaise l’accompagnait, tous les aventuriers de l’Europe l’attendaient à Calais ; ayant ouï parler de conquêtes, chacun en voulait avoir sa part, et comptait sur un partage de terres comme celui de Guillaume le Bâtard. Edouard eut peine à se délivrer de ce cortège ; la chevalerie anglaise avait pris la chose au sérieux, et ce n’était rien moins qu’une émigration qui suivait le Plantagenet pour revenir aux vieux manoirs de Normandie et d’Anjou. La France n’était plus qu’un désert ; rien ne semblait faire obstacle à l’accomplissement de l’invasion : un destin providentiel pouvait seul sauver la France. Si nous en croyons Froissait, il y eut du surnaturel en effet dans la résolution mitigée d’Edouard III. Il s’était retiré de Paris sur Chartres, avait pris logement au hameau de Brétigny, et s’y trouvait en pourparler ''rude'' avec les ''traiteurs'' français, lorsqu’un incident imprévu amollit ses dispositions, et ouvrit, son esprit aux propositions conciliantes du duc de Lancastre, son cousin, qui donna les meilleurs conseils en cette circonstance. « Pendant que ces traiteurs français alloient et prêchoient le dit roi et encore nulle response agréable n’en avouent, un temps et un esfoudre et orage si grand et si horrible descendit du ciel en l’ost du roi d’Angleterre, que il sembla bien proprement que le siècle dut finir, car il chéoit de l’air pierres si grosses, que elles tuoient hommes et chevaux et en furent les plus hardis tout ébahis, et adonc regarda le roi d’Angleterre devers l’église Notre-Dame de Chartres, et promit et voua, si come il dit et confessa depuis, que il s’accorderoit à la paix. » Quoi qu’il en soit de la violente giboulée, cette paix fut, hélas ! celle de Brétigny. Crainte de pis, le traité fut accueilli comme le salut ; Paris en fit une folle joie, les messagers qui en apportaient la dépêche furent reçus comme libérateurs ; le dauphin seul, garda une froide réserve. Les Anglais s’étaient crus modérés, après avoir convoité le royaume, de se borner à revendiquer tout ce qu’avaient eu jadis, les Plantagenets, à savoir l’Aquitaine, la Normandie, le Maine, L’Anjou, la Touraine. Ils cédèrent enfin sur ces quatre dernières contrées ; mais ils obtinrent l’Aquitaine en pleine souveraineté, au lieu de la tenir comme fief de la couronne, ainsi