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major du coiffeur en chef, avait reçu deux billets de faveur qu’il avait envoyés à sa maîtresse Francia et à son frère Théodore.
{{tiret2|état-|major}} du coiffeur en chef, avait reçu deux billets de faveur qu’il avait envoyés à sa maîtresse Francia et à son frère Théodore.


Ils étaient donc là, ces pauvres enfans de Paris, bien haut, bien loin derrière le lustre, dans une sorte de mêlée où la jeune fille avait le vertige, et regardait sans comprendre. Guzman lui avait envoyé un mouchoir de percaîe brodée, en lui recommandant de ne s’en servir que pour le secouer en l’air quand elle verrait a le beau monde »
Ils étaient donc là, ces pauvres enfans de Paris, bien haut, bien loin derrière le lustre, dans une sorte de mêlée où la jeune fille avait le vertige, et regardait sans comprendre. Guzman lui avait envoyé un mouchoir de percale brodée, en lui recommandant de ne s’en servir que pour le secouer en l’air quand elle verrait « le beau monde » donner l’exemple. A la fin de l’ignoble cantate de Laïs, elle fit un mouvement machinal pour déplier ce drapeau ; mais son frère ne lui en donna pas le temps : il le lui arracha des mains, cracha dedans, et le lança dans la salle, où il tomba inaperçu dans le tumulte de cet enthousiasme de commande. — Ah ! mon Dieu ! qu’est-ce que tu fais ? lui dit Francia, les yeux pleins de larmes, mon beau mouchoir !…
donner l’exemple. A la fin de l’ignoble cantate de Laïs, elle fit un mouvement machinal pour déplier ce drapeau ; mais son frère ne lui en donna pas le temps : il le lui arracha des mains, cracha dedans, et le lança dans la salle, où il tomba inaperçu dans le tumulte de cet enthousiasme de commande. — Ah ! mon Dieu ! qu’est-ce que tu fais ? lui dit Francia, les yeux pleins de larmes, mon beau mouchoir !


— Tais-toi, viens-nous-en, lui répondit Dodore, les yeux égarés ; viens, ou je me jette la tête la première dans ce tas de fumier ! — Francia eut peur, lui prit le bras et sortit avec lui. — Non ! pas de contremarque, dit-il en franchissant le seuil. Il fait trop chaud là dedans ; on s’en va.
— Tais-toi, viens-nous-en, lui répondit Dodore, les yeux égarés ; viens, ou je me jette la tête la première dans ce tas de fumier ! — Francia eut peur, lui prit le bras et sortit avec lui. — Non ! pas de contremarque, dit-il en franchissant le seuil. Il fait trop chaud là dedans ; on s’en va.
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Ils entrèrent dans l’estaminet-café qui occupait le rez-de-chaussée, et qui était tenu par un vieux sergent estropié à Smolensk ; quelques sous-officiers prussiens buvaient de l’eau— de-vie en plein air devant la porte.
Ils entrèrent dans l’estaminet-café qui occupait le rez-de-chaussée, et qui était tenu par un vieux sergent estropié à Smolensk ; quelques sous-officiers prussiens buvaient de l’eau-de-vie en plein air devant la porte.


Francia et son frère se placèrent loin d’eux au fond de l’établissement, à une petite table de marbre rayé et dépoli par le jeu de dominos. Dodore dégusta son verre d’orgeat avec délices d’abord, puis tout à coup, le posant renversé sur le marbre : — Tiens, dit-il à sa sœur, c’est pas tout ça ! je te défends de retourner chez ton prince russe ; ça n’est pas la place d’une fille comme toi.
Francia et son frère se placèrent loin d’eux au fond de l’établissement, à une petite table de marbre rayé et dépoli par le jeu de dominos. Dodore dégusta son verre d’orgeat avec délices d’abord, puis tout à coup, le posant renversé sur le marbre : — Tiens, dit-il à sa sœur, c’est pas tout ça ! je te défends de retourner chez ton prince russe ; ça n’est pas la place d’une fille comme toi.