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dépendre le rapport de l’individu avec le Christ de son rapport avec l’Eglise, le protestantisme fait dépendre le rapport de l’individu avec l’Eglise, de son rapport avec le Christ. » En second lieu, les hommes du « juste milieu », parti d’apologistes plutôt que de dogmatiseurs, ébauchent fréquemment des compromis entre la théologie et la philosophie. Ils consultent l’histoire, les Livres saints, la tradition, et y trouvent un certain nombre de notions religieuses ; voilà la première étape ; à ce point, la notion n’est encore qu’une doctrine, une Lehre, ce qui est peu de chose pour un bon disciple de Schleiermacher. Mais la doctrine devient une impression (Eindruck) ; on constate qu’elle fait partie de l’expérience religieuse de la communauté (Erfahrung) ; elle acquiert ainsi une première certitude, toute subjective encore ; voilà la seconde étape ; Schleiermacher s’y arrêterait, ne demandant à ses fidèles que de se l’approprier à leur tour par leur expérience personnelle. Avec l’aide de l’hégélianisme, pourtant, on va plus loin : on cherche à prouver que cette certitude subjective doit devenir, pour la pensée philosophique, certitude objective ; on épie l’idée (Begriff) qui se cache derrière cette doctrine. Tel est le genre de travaux échelonnés, complexes, souvent confus, où se complaît l’école de Nitzsch, de Dorner, de M. Beyschlag.

Ainsi ces diverses écoles ont trouvé en Schleiermacher, — nous n’oserions dire, pour toutes, leur père légitime, — mais du moins leur père nourricier ; elles lui ont fait toutes des emprunts. Et en même temps qu’il leur fournissait des argumens, Schleiermacher les habituait à reconnaître l’indépendance et l’autonomie de la religion dans l’âme de chaque croyant. Lors même que, par un illogisme timide, elles répudiaient les conséquences théologiques, ecclésiastiques, des conceptions de Schleiermacher, il demeurait pour elles un docteur qui développait, prolongeait et commençait à épuiser les principes mêmes de la Réforme. Tout droit derrière lui, dans le chemin où il s’était engagé, on apercevait Luther ; pour conduire de Luther à Schleiermacher, la voie suivie par la Réforme n’avait pas dévié, ne s’était même pas bifurquée ; logique en était la pente ; entre l’âme du croyant et Dieu, Luther avait évincé toute autorité, toute institution humaines ; Schleiermacher, à son tour, évince ces autres obstacles, un canon révélé, un dogme extérieur ; il fait dériver la dogmatique du phénomène même de la piété chrétienne, et sème à travers toutes les écoles, germe de mort pour les unes et d’épanouissement pour les autres, l’idée que ce sont les hommes religieux qui font la religion.