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environnante une part de sa signification et de son expression, ne devrait être qu’une exception rare dans la production courante. Il en fut ainsi à toutes les belles époques de l’art, aussi bien en Grèce qu’en Egypte, aussi bien en France qu’en Italie. Les épaves du passé, marbres, pierres ou bronzes, que les musées, dans leurs froids corridors, recueillent et classent, après la destruction des monumens, comme les feuilles de l’herbier conservent les fleurs jaunies, une fois leurs saisons passées, sans tiges et sans feuilles, loin de la terre qui les nourrissait et du ciel qui les colorait, nous disent, néanmoins, presque toutes encore, par quels liens puissans ou tendres elles tenaient à la vie : décors de temples ou d’églises, parures de villas ou de palais, images funèbres ou voluptueuses, souvenirs de gloire ou d’amour, tous ces groupes, ces figures, ces bustes se sont d’abord associés à mille autres choses pour parler plus naïvement et plus éloquemment à leurs contemporains. Il a fallu quelque catastrophe violente ou les atteintes lentes et fatales du temps pour les livrer ainsi, sans supports et sans accompagnemens, à la curiosité des oisifs et à l’analyse des pédans. Aujourd’hui, les choses vont à l’inverse C’est dans la pièce isolée, dans le morceau de bravoure, celui qu’on destine d’abord au Salon, puis ensuite à un musée, dans le morceau sans destination et sans but, que la plupart des sculpteurs se trouvent réduits, soit par excès d’amour-propre, soit par défaut de commandes, à montrer ce qu’ils savent et ce qu’ils peuvent. De là cette énorme quantité de figures sans signification, qu’on affuble, presque au hasard de noms mythologiques, bibliques, allégoriques, humanitaires, toujours les mêmes, qui ne sont que prétexte à se faire la main ou à prouver sa maîtrise, qui obtiennent fatalement et légitimement les récompenses régulières par leur correction matérielle, niais qui ne présentent pas plus d’intérêt pour le passant dont elles sollicitent les yeux qu’elles n’ont allumé d’ardeur dans l’âme des artistes dont elles ont tout au plus fatigué la main.
environnante une part de sa signification et de son expression, ne devrait être qu’une exception rare dans la production courante. Il en fut ainsi à toutes les belles époques de l’art, aussi bien en Grèce qu’en Égypte, aussi bien en France qu’en Italie. Les épaves du passé, marbres, pierres ou bronzes, que les musées, dans leurs froids corridors, recueillent et classent, après la destruction des monumens, comme les feuilles de l’herbier conservent les fleurs jaunies, une fois leurs saisons passées, sans tiges et sans feuilles, loin de la terre qui les nourrissait et du ciel qui les colorait, nous disent, néanmoins, presque toutes encore, par quels liens puissans ou tendres elles tenaient à la vie : décors de temples ou d’églises, parures de villas ou de palais, images funèbres ou voluptueuses, souvenirs de gloire ou d’amour, tous ces groupes, ces figures, ces bustes se sont d’abord associés à mille autres choses pour parler plus naïvement et plus éloquemment à leurs contemporains. Il a fallu quelque catastrophe violente ou les atteintes lentes et fatales du temps pour les livrer ainsi, sans supports et sans accompagnemens, à la curiosité des oisifs et à l’analyse des pédans. Aujourd’hui, les choses vont à l’inverse C’est dans la pièce isolée, dans le morceau de bravoure, celui qu’on destine d’abord au Salon, puis ensuite à un musée, dans le morceau sans destination et sans but, que la plupart des sculpteurs se trouvent réduits, soit par excès d’amour-propre, soit par défaut de commandes, à montrer ce qu’ils savent et ce qu’ils peuvent. De là cette énorme quantité de figures sans signification, qu’on affuble, presque au hasard de noms mythologiques, bibliques, allégoriques, humanitaires, toujours les mêmes, qui ne sont que prétexte à se faire la main ou à prouver sa maîtrise, qui obtiennent fatalement et légitimement les récompenses régulières par leur correction matérielle, niais qui ne présentent pas plus d’intérêt pour le passant dont elles sollicitent les yeux qu’elles n’ont allumé d’ardeur dans l’âme des artistes dont elles ont tout au plus fatigué la main.


Ce n’est pas que, parmi ces exercices plastiques, il n’en soit qui ne témoignent, chez leurs auteurs, d’une intelligence délicate ou puissante de la beauté corporelle, parfois même d’une certaine sensibilité poétique ou morale. L’''Illusion'', par M. Charpentier, ouvre agréablement la série. Pourquoi l’''Illusion'' ? Une jeune femme nue, tenant d’une main une branche de fruits, de l’autre une poignée de roses froissées, qui penche la tête et qui ferme les yeux, est-ce une allégorie bien claire ? Mais les formes sont souples, l’allure bien rythmée, les yeux sont satisfaits. Néanmoins, la vaillance du sculpteur s’accuse plus franchement dans sa vivante
Ce n’est pas que, parmi ces exercices plastiques, il n’en soit qui ne témoignent, chez leurs auteurs, d’une intelligence délicate ou puissante de la beauté corporelle, parfois même d’une certaine sensibilité poétique ou morale. L’''Illusion'', par M. Charpentier, ouvre agréablement la série. Pourquoi l’''Illusion'' ? Une jeune femme nue, tenant d’une main une branche de fruits, de l’autre une poignée de roses froissées, qui penche la tête et qui ferme les yeux, est-ce une allégorie bien claire ? Mais les formes sont souples, l’allure bien rythmée, les yeux sont satisfaits. Néanmoins, la vaillance du sculpteur s’accuse plus franchement dans sa vivante