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preuve indirecte, mais frappante, de la valeur intrinsèque des idées de Kant. Lorsqu’une hypothèse facilite mieux que toute autre l’étude de certains faits, quand elle permet d’en découvrir plus aisément l’ordre, la liaison, la cause, il semble évident qu’elle cadre de plus près avec la nature même des choses. Et cette preuve est, pour ainsi dire, double. Si, en effet, cette méthode a été si féconde entre les mains de J. Muller et d’Helmholtz, si elle leur a permis d’abord de coordonner tout ce qu’on savait sur la physiologie des sensations, puis d’enrichir cette science des découvertes les plus brillantes, la méthode contraire qui s’inspire des doctrines positivistes ou matérialistes est restée stérile et, sur ce terrain, n’a jamais pu s’élever au-dessus de la physiologie de la cellule élémentaire <ref> La ''Physiologie du système nerveux'' de J. Muller a été traduite en français, on 1840, par le Dr Jourdan. Tous ceux qui voudront lire spécialement les chapitres consacrés à l’étude de la vision et de l’audition pourront se convaincre que nous n’avons exagéré en rien les mérites de ce grand physiologiste. </ref>.
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preuve indirecte, mais frappante, de la valeur intrinsèque des
Indépendamment de l’avantage d’être guidé par un tel maître, Helmholtz trouva dans l’Institut Frédéric-Guillaume des ressources qui lui avaient jusque-là fait défaut : une bibliothèque abondamment pourvue où il put dévorer, notamment, les ouvrages de Bernoulli, de d’Alembert et autres mathématiciens du XVIIIe siècle ; il fut ainsi mis en possession des moyens nécessaires pour entreprendre, dans les conditions les plus satisfaisantes, sur les terrains les plus variés, ce voyage de découvertes qui devait se prolonger jusqu’à sa mort, presque sans interruption.
idées de Kant. Lorsqu'une hypothèse facilite mieux que toute

autre l'étude de certains faits, quand elle permet d'en découvrir
Il était d’ailleurs admirablement préparé pour sa tâche par les circonstances que nous venons de rappeler. A une culture littéraire moyenne, il avait pu joindre une étude approfondie des théories philosophiques ; mathématicien et physicien de naissance en quelque sorte, il avait pu s’initier complètement aux travaux des savans antérieurs et il avait à sa disposition un laboratoire d’expériences très bien installé. L’étude de la médecine lui avait donné pour les recherches physiologiques le goût et l’aptitude. C’était donc tout le contraire d’un de ces spécialistes dont l’horizon étroit s’arrête aux limites de leur spécialité même, semblables à ces ouvriers dont parle Adam Smith, qui savent admirablement fabriquer la tête d’une épingle, mais qui n’en ont peut-être jamais regardé la pointe. Helmholtz avait des « clartés », ou plutôt des « lumières » très nettes sur toutes les portions de l’édifice de la science ; et, comme on va le voir, c’est précisément dans ce savoir encyclopédique qu’il trouva les élémens des recherches qui devaient l’immortaliser.
plus aisément l'ordre, la liaison, la cause, il semble évident
qu'elle cadre de plus près avec la nature même des choses. Et
cette preuve est, pour ainsi dire, double. Si, en effet, cette mé-
thode a été si féconde entre les mains de J. Muller et d'Helmholtz,
si elle leur a permis d'abord de coordonner tout ce qu'on savait
sur la physiologie des sensations, puis d'enrichir cette science
des découvertes les plus brillantes, la méthode contraire qui s'in-
spire des doctrines positivistes ou matérialistes est restée stérile
et, sur ce terrain, n'a jamais pu s'élever au-dessus de la physio-
logie de la cellule élémentaire (4).
Indépendamment de l'avantage d'être guidé par un tel maître,
Helmhoîtz trouva dans l'Institut Frédéric-Guillaume des res-
sources qui lui avaient jusque-là fait défaut : une bibliothèque
abondamment pourvue où il put dévorer, notamment, les ou-
vrages de Bernoulli, de d'Alembert et autres mathématiciens du
xvm e siècle; il fut ainsi mis en possession des moyens néces-
saires pour entreprendre, dans les conditions les plus satisfai-
santes, sur les terrains les plus variés, ce voyage de découvertes
qui devait se prolonger jusqu'à sa mort, presque sans interrup-
tion .
Il était d'ailleurs admirablement préparé pour sa tâche par
les circonstances que nous venons de rappeler. A une culture
littéraire moyenne, il avait pu joindre une étude approfondie
des théories philosophiques ; mathématicien et physicien de
naissance en quelque sorte, il avait pu sïnitier complètement
aux travaux des savans antérieurs et il avait à sa disposition
un laboratoire d'expériences très bien installé. L'étude de la
médecine lui avait donné pour les recherches physiologiques
le goût et l'aptitude. C'était donc tout le contraire d'un de ces
spécialistes dont l'horizon étroit s'arrête aux limites de leur spé-
cialité même, semblables à ces ouvriers dont parle Adam Smith,
qui savent admirablement fabriquer la tête d'une épingle, mais
qui n'en ont peut-être jamais regardé la pointe. Helmhoîtz avait
des « clartés », ou plutôt des « lumières » très nettes sur toutes
les portions de l'édifice de la science; et, comme on va le voir,
c'est précisément dans ce savoir encyclopédique qu'il trouva les
élémens des recherches qui devaient l'immortaliser.
(1) La Physiologie du système nerveux de J. Muller a été traduite en français, en
1840, par le D r Jourdan. Tous ceux qui voudront lire spécialement les chapitres
consacrés à l'étude de la vision et de l'audition pourront se convaincre que nous
n'avons exagéré en rien les mérites de ce grand physiologiste.