« Règles pour la direction de l’esprit » : différence entre les versions

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== Règle troisième. ==
 
''IIIl faut chercher sur l’objet de notre étude, non pas ce qu’en ont pensé les autres, ni ce que nous soupçonnons nous-mêmes, mais ce que nous pouvons voir clairement et avec évidence, ou déduire d’une manière certaine. C’est le seul moyen d’arriver à la science.''
 
Nous devons lire les ouvrages des anciens, parce que c’est un grand avantage de pouvoir user des travaux d’un si grand nombre d’hommes, premiè­rement pour connoitre les bonnes découvertes qu’ils ont pu faire, secondement pour être averti de ce qui reste encore à découvrir. Il est cependant à craindre que la lecture trop attentive de leurs ou­vrages ne laisse dans notre esprit quelques erreurs qui y prennent racine malgré nos précautions et nos soins. D’ordinaire, en effet, toutes les fois qu’un écrivain s’est laissé aller par crédulité ou ir­réflexion à une opinion contestée, il n’est pas de raisons, il n’est pas de subtilités qu’il n’emploie pour nous amener à son sentiment. Au contraire, s’il a le bonheur de trouver quelque chose de certain et d’évident, il ne nous le présente que d’une manière obscure et embarrassée ; craignant sans doute que la simplicité de la forme ne dimi­nue la beauté de la découverte, ou peut-être parce qu’il nous envie la connoissance distincte de la vérité.
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Cette règle suit nécessairement des raisons qui appuient la seconde. Cependant il ne faut pas croire qu’elle ne contienne rien de nouveau pour faire avancer la science, quoiqu’elle paroisse seu­lement nous détourner de l’étude de certaines choses, ni qu’elle n’expose aucune vérité, parcequ’elle paroît n’apprendre aux étudiants qu’à ne pas perdre leur temps, par le même motif à peu près que la seconde. Mais ceux qui connoissent par­faitement les sept règles précédentes, peuvent apprendre dans celle-ci comment en chaque science il leur est possible d’arriver au point de n’avoir plus rien à désirer. Celui, en effet, qui, dans la solution d’une difficulté, aura suivi exactement les premières règles, averti par celle-ci de s’arrêter quelque part, connoîtra qu’il n’est aucun moyen pour lui d’arriver à ce qu’il cherche, et cela non par la faute de son esprit, mais à cause de la nature de la difficulté ou de la condition hu­maine. Or, cette connoissance n’est pas une moindre science que celle qui nous éclaire sur la nature même des choses, et certes ce ne seroit pas faire preuve d’un bon esprit que de pousser au-delà sa curiosité.
 
Éclaircissons tout ceci par un ou deux exem­ples. Si un homme qui ne connoît que les mathé­matiques cherche la ligne appelée en dioptrique ''anaclastique'', dans laquelle les rayons parallèles se réfractent, de manière qu’après la réfraction ils se coupent tous en un point, il s’apercevra faci­lement , d’après la cinquième et sixième règle, que la détermination de cette ligne dépend du rapport des angles de réfraction aux angles d’incidence. Mais comme il ne pourra faire cette recherche, qui n’est pas du ressort des mathématiques, mais de la physique, il devra s’arrêter là où il ne lui serviroit de rien de demander la solution de cette difficulté aux philosophes et à l’expérience. Il pècheroit contre la règle troisième. En outre, la proposition est composée et relative ; or, ce n’est que dans les choses simples et absolues qu’on peut s’en fier à l’expérience, ce que nous démontrerons en son lieu. En vain encore supposera-t-il entre ces divers angles un rapport qu’il soupçonnera être le véritable ; ce ne sera pas là chercher l’anaclastique, mais seulement une ligne qui puisse rendre compte de sa supposition.
 
Mais si un homme sachant autre chose que des mathématiques, désireux de connoître, d’après la règle première, la vérité sur tout ce qui se présente à lui, vient à rencontrer la même difficulté, il ira plus loin, et trouvera que le rapport entre les angles d’incidence et les angles de réfraction dépend de leur changement, à cause de la variété des milieux ; que ce changement à son tour dépend du milieu, parceque le rayon pénètre dans la to­talité du corps diaphane ; il verra que cette pro­priété de pénétrer ainsi un corps suppose connue la nature de la lumière ; qu’enfin pour connoître la nature de la lumière, il faut savoir ce qu’est en général une puissance naturelle, dernier terme et le plus absolu de toute cette série de questions. Après avoir vu toutes ces propositions clairement à l’aide de l’intuition, il repassera les mêmes degrés d’après la règle cinquième ; et si au second degré il ne peut connoître du premier coup la nature de la lumière, il énumèrera, par la règle septième, toutes les autres puissances naturelles, afin que, de la connoissance d’une d’elles, il puisse au moins déduire par analogie la connoissance de ce qu’il ignore. Cela fait, il cherchera comment le rayon traverse un tout diaphane, et poursuivant ainsi la suite des propositions, il arrivera enfin à l’anaclastique même, que beaucoup de philosophes, il est vrai, ont jusqu’ici cherchée en vain, mais qui, selon nous, ne doit offrir aucune difficulté à celui qui saura se servir de notre méthode.
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