« Livre de chevalerie » : différence entre les versions

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Si dirons d’une autre manière de gens d’armes qui entendent faire leurs corps en alant hors de leur pays et en plusieurs manières qui toutes sont bonnes et honorables, combien que les unes vaillent miex des autres.
 
Si dirons de ceulx qui entendent leurs corps à faire par grant emprise d'entreprendre à aler en lointains voiages et pélerinages et en plusieurs pays estranges et lointains, et moult d’estranges choses et diverses pévent veoir, dont autres gens qui point n'aroient hors esté, s'esmerveilleroient pour les merveilles estranges et diverses choses que racontent et dient ceulx qui les ont veues, et envis le pèvent croire, et s'en moquent li aucun et dient que c'est tout bourde. Et il doit sembler à toutes gens de bien que cils qui ont veu teles choses, en pèvent et doivent miex parler et dire la vérité que ceulx qui n'y veulent ou osent aler ; ne nuls ne doit, ne peut dire par raison qu'ils bourdent, s'il n'ont esté là. Et pour ce devons-nous tels gens qui ainsi ont esté en lointains et estranges voiages, volentiers oïr, veoir et honorer ; car vraiement nuls ne peut aler en tels lointains voiages que le corps ne soit en péril maintes fois ; et pour ce devons-nous tels gens d'armes honorer, qui à grant mise et à grant travail et en grant péril se mettent en aler et en veoir les lointains pays et estranges choses, combien que, à la vérité dire, toutes gens qui mettent leur entente à faire lointains voiages outre ceulx qui sont acoustumés et qui tousjours veulent aler pour veoir nouvelles et estranges choses et pou arrestent, ne pèvent mie se trouver, ne estre ès fais d'armes si communément comme sont autres qui si très-lointains voiages ne quièrent mie et qui plus s'arrestent et attendent les fais d'armes de guerre. Et bien puet estre que en faisant les lointains voiages leur en peut avenir aucune bonne aventure, mais non mie si souvent ; car en tout plain de pays peut-l'en aler où l'en n'oseroit porter nuls harnois de guerre, ne aler en estat d'omme d'armes, mais comme pélerin ou en estat de marcheant. Et pour ce est-il semblant à aucuns que l'en n'y voie pas si souvent les fais d'armes comme l'en les pouroit veoir et trouver en autre manière. Toutevoies doit-l'en bien prisier et honorer tels gens qui ainsi mettent leurs corps en péril et travail pour les estranges choses veoir et lointains voiages faire ; et de ce faire leur soufist pour les grans choses estranges qu'ils y ont veues et encores ont volenté de veoir. Et vraiement c'est grant bien ; mais toutesfois di-je : ''qui plus fait, miexmieux vault''.
 
Dont nous convient parler encore d'un autre estat de gens d'armes qui moult sont à loer. Et ce sont ceulx qui par plusieurs nécessités qui ne sont à ramentevoir, se partent de leur païs ou pour profit qu'il pensent à avoir plus grant qu'il n'auroient ou pouroient avoir en leur pays-mesmes, et par ceste manière se partent de leur pays avant qu'il soit nul compte d'eulx par nul fait d'armes, et plus volontiers demorassent en leur pays, se il peussent bonnement. Mais toutesfois s'en partent et vont en Lombardie ou en Touscane, en Puille ou ès autres pays là où l'en donne souls et gaiges, et là se demeurent et se mettent en estat de chevaux et d'armeures, parmy les sols et les gaiges qu'ils reçoivent. Et par ce pèvent-il veoir, aprendre et savoir moult de biens pour le fait de la guerre ; car ils pèvent estre en tels païs ou marches là où il pèvent veoir et faire en fait d'armes moult de biens. Et plusieurs fois a Nostre-Seigneur donné grâce à plusieurs qui sont alés en la manière que j'ay dessus dite, tant de la renommée des grants biens qu'ils y ont fais de leurs corps et de leur main ès bons fais d'armes où il se sont trouvés, comme de proffiter avecques l'onneur. Et quant Dieu leur a donné tel grâce d'onnour pour leurs bons fais en ce mestier, icelles gens sont à loer et honnorer partout, mais que il ne délaissent mie pour leur proffit trop tost du continuer ; car qui trop tost le délaisse, de Iégier s'abaisse de renommée, et nuls ne se doit délaissier de bien faire, que quant le corps ne peut plus : si doit avoir le cuer et la bonne volenté. Et à moult de gens est-il miex cheu et avenu à la fin que ils n'avoient espérance à leur encommencement selon la manière de leur emprise. Et pour ce di-je : ''que qui miex fait, miex vault''.