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Ah ! ce n’est pas le moment de mépriser les gens de bonne volonté qui cherchent pour l’art dramatique des sentiers nouveaux : le pavé des vieilles routes est usé, glissant ; depuis le commencement de la saison, quelles déplorables chutes ! Au Gymnase, une comédie gaie, ou qui devait l’être ; au Vaudeville, une comédie annoncée comme pathétique ; l’une d’un auteur consommé, l’autre d’un dramaturge novice, mais justement loué pour ses romans ; toutes les deux gisent déjà sur la voie de l’oubli, et pour quelle faute ? Il est certain que M. Gondinet, empêché par la maladie, n’a pu « mettre au point » son ouvrage ; il est probable, au moins, que M. de Glouvet, par inexpérience, a péché dans tel ou tel détail de l’exécution. Mais le crime essentiel des deux pièces, le crime qui les a condamnées, c’est qu’elles remettaient sous les yeux du public un spectacle qu’il pensait avoir vu trop souvent. C’est pourquoi ''Dégommé'', c’est pourquoi ''le Père'', n’ont pas vécu. A l’Odéon, ''la Perdrix'', lancée par des jeunes gens, avait plus de gaucherie que de hardiesse ; ''le Marquis Papillon'', — inspiré pourtant d’une belle humeur d’adolescent, — ne butinait que les fleurs artificielles du vieux vaudeville : prose ou vers, après quelques jours se sont évanouis dans le vide. Les alexandrins de ''Maître Andréa'', où sonnait le savoir-faire de M. Blau, avaient le tort de conter une histoire connue. ''Jacques Damour'', tiré par M. Léon Hennique d’une nouvelle de M. Zola, n’était qu’une ébauche. Depuis la réouverture des théâtres, une seule pièce nouvelle a réussi glorieusement : ''l’Abbé Constantin''.
Ah ! ce n’est pas le moment de mépriser les gens de bonne volonté qui cherchent pour l’art dramatique des sentiers nouveaux : le pavé des vieilles routes est usé, glissant ; depuis le commencement de la saison, quelles déplorables chutes ! Au Gymnase, une comédie gaie, ou qui devait l’être ; au Vaudeville, une comédie annoncée comme pathétique ; l’une d’un auteur consommé, l’autre d’un dramaturge novice, mais justement loué pour ses romans ; toutes les deux gisent déjà sur la voie de l’oubli, et pour quelle faute ? Il est certain que M. Gondinet, empêché par la maladie, n’a pu « mettre au point » son ouvrage ; il est probable, au moins, que M. de Glouvet, par inexpérience, a péché dans tel ou tel détail de l’exécution. Mais le crime essentiel des deux pièces, le crime qui les a condamnées, c’est qu’elles remettaient sous les yeux du public un spectacle qu’il pensait avoir vu trop souvent. C’est pourquoi ''Dégommé'', c’est pourquoi ''le Père'', n’ont pas vécu. A l’Odéon, ''la Perdrix'', lancée par des jeunes gens, avait plus de gaucherie que de hardiesse ; ''le Marquis Papillon'', — inspiré pourtant d’une belle humeur d’adolescent, — ne butinait que les fleurs artificielles du vieux vaudeville : prose ou vers, après quelques jours se sont évanouis dans le vide. Les alexandrins de ''Maître Andréa'', où sonnait le savoir-faire de M. Blau, avaient le tort de conter une histoire connue. ''Jacques Damour'', tiré par M. Léon Hennique d’une nouvelle de M. Zola, n’était qu’une ébauche. Depuis la réouverture des théâtres, une seule pièce nouvelle a réussi glorieusement : ''l’Abbé Constantin''.


Est-ce donc que ''l’Abbé Constantin'' est révolutionnaire ? Il l’est peut-être à sa façon. Le roman de M. Ludovic Halévy, en littérature, il y a de cela bientôt six ans <ref> Voyez la ''Revue'' des 1er et 15 janvier et du 1er février 1882.</ref>, fit l’effet d’un 9 thermidor, — sans guillotine. En même temps qu’un assez joli coup de maître, c’était un petit coup d’état : les honnêtes gens respirèrent. Après l’orgie naturaliste et ses cruautés, après tant de récits authentiques ou de fables dont les
Est-ce donc que ''l’Abbé Constantin'' est révolutionnaire ? Il l’est peut-être à sa façon. Le roman de M. Ludovic Halévy, en littérature, il y a de cela bientôt six ans <ref> Voyez la ''Revue'' des 1er et 15 janvier et du 1{{er}} février 1882.</ref>, fit l’effet d’un 9 thermidor, — sans guillotine. En même temps qu’un assez joli coup de maître, c’était un petit coup d’état : les honnêtes gens respirèrent. Après l’orgie naturaliste et ses cruautés, après tant de récits authentiques ou de fables dont les