« Page:Vigny - Journal d’un poète, éd. Ratisbonne, 1867.djvu/68 » : différence entre les versions
Aucun résumé des modifications |
Aucun résumé des modifications |
||
Contenu (par transclusion) : | Contenu (par transclusion) : | ||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
Paris, où je fus élevé, entre mon père et ma mère et par |
Paris, où je fus élevé, entre mon père et ma mère et par |
||
eux, avec un amour sans parail. Ils avaient eu trois fils : |
eux, avec un amour sans parail. Ils avaient eu trois fils : |
||
Léon, Adolphe, Emmanuel, morts avant ma naissance. Je restais seul, le plus faible et le dernier d’une ancienne et nombreuse famille de Beauce. Mon grand-père était fort riche. Vigny, le Tronchet, Gravelle, Émerville, Saint-Mars, Sermoise, Lourquetaine, etc., etc., étaient des terres à lui. |
Léon, Adolphe, Emmanuel, morts avant ma naissance. Je restais seul, le plus faible et le dernier d’une ancienne et nombreuse famille de Beauce. Mon grand-père était fort riche. Vigny, le Tronchet, Gravelle, Émerville, Saint-Mars, Sermoise, Lourquetaine, etc., etc., étaient des terres à lui. |
||
— Il ne m’en reste que les noms sur une généalogie. — Il faisait en Beauce, avec mon père et ses sept frères, de grandes chasses au loup. Il tenait un état de prince. La Révolution détruisit tout. Ses terres appartinrent à ses hommes d’affaires, qui les achetèrent en assignats. — Ses enfants moururent, les uns tués à l’armée de Condé, les autres avec peu de biens, un à la Trappe. — Le frère de ma mère à Quiberon, son père en prison. — Mon père resta seul et m’éleva avec peu de fortune. |
— Il ne m’en reste que les noms sur une généalogie. — Il faisait en Beauce, avec mon père et ses sept frères, de grandes chasses au loup. Il tenait un état de prince. La Révolution détruisit tout. Ses terres appartinrent à ses hommes d’affaires, qui les achetèrent en assignats. — Ses enfants moururent, les uns tués à l’armée de Condé, les autres avec peu de biens, un à la Trappe. — Le frère de ma mère à Quiberon, son père en prison. — Mon père resta seul et m’éleva avec peu de fortune. |
||
Ligne 6 : | Ligne 6 : | ||
Malheur dont rien ne tire quand on est honnête homme. |
Malheur dont rien ne tire quand on est honnête homme. |
||
Je remarque, en repassant les trente années de ma vie, que deux époques les divisent en deux parts presque égales, et ces époques semblent deux siècles à la pensée : l’Empire et la Restauration. L’une fut le temps de mon éducation ; |
Je remarque, en repassant les trente années de ma vie, que deux époques les divisent en deux parts presque égales, et ces époques semblent deux siècles à la pensée : l’Empire et la Restauration. L’une fut le temps de mon éducation ; l’autre, de ma vie militaire et poétique. Une troisième époque commence depuis deux ans : celle de la Révolution, ce sera la plus philosophique de ma vie, je pense. |