« En-deçà et au-delà du Danube/03 » : différence entre les versions

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L’agriculture, en Bosnie, est une des plus primitives de toute l’Europe. Elle n’applique qu’exceptionnellement l’assolement triennal connu des Germains au temps de Charlemagne, et même, dit-on, dès l’époque de Tacite. Généralement, la terre restée en friche est retournée ou plutôt déchirée par une charrue informe. Sur les sillons frais, la semence de maïs est jetée, puis légèrement enterrée, au moyen d’une claie de branchages qui sert de herse. Les champs sont binés une ou deux fois entre les plants. Après la récolte, on met un second ou un troisième maïs, parfois du blé ou de l’avoine, jusqu’à ce que le sol soit entièrement épuisé. Il est alors abandonné ; il se couvre de fougères et de plantes sauvages où paît le bétail, en attendant que revienne la charrue, après cinq ou dix années. Nul engrais, car les animaux domestiques n’ont très souvent aucun abri ; ils vaguent dans les friches ou dans les coure. Aussi le produit est relativement minime : 100 millions de kilogrammes de maïs, 49 millions de kilogrammes de froment, 38 millions de kilogrammes d’orge, 40 millions de kilogrammes d’avoine, 10 millions de kilogrammes de fèves. La fève est un article important de l’alimentation, car on en mange les jours de jeûne et de carême, et il y en a cent quatre-vingts pour les orthodoxes et cent cinq pour les catholiques. On récolte aussi du seigle, du millet, de I’épeautre, du sarrasin, des haricots, du sorgho, des pommes de terre, des navets, du colza. Le produit total des grains divers s’élève à 500 millions de kilogrammes.
 
Voici des faits qui prouvent l’état déplorablement arriéré de l’agriculture. Ce pays qui serait si favorable, sous tous les rapports, à la production de l’avoine, ne peut en fournir assez pour les besoins de la cavalerie; on en importe de Hongrie et elle se paie, à Serajewo, le prix excessif de 20 à 21 francs les 100 kilogrammes. Le froment est de mauvaise qualité et cher. Ce sont les moulins hongrois qui fournissent la farine que l’on consomme dans la capitale. Elle y arrive par chemin de fer, à meilleur marché que la farine du pays, qui, à défaut de routes, doit être transportée à des de cheval. Une maison hongroise a voulu établir un grand moulin à vapeur à Serajewo, mais il était impossible de l’approvisionner suffisamment. L’un des
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principaux produits, et celui qui s’exporte le plus facilement, ce sont les prunes séchées. Les années de bonne récolte, on en exporte 60,000 tonnes, et elles vont jusqu’en Amérique. On en fait une eau-de-vie assez agréable, appelée ''rakia''. Le produit des pruniers est ce qui donne de l’argent comptant au kmet. On cultive aussi l’oignon et l’ail. L’ail est considéré comme un préservatif contre les maladies, contre les mauvais sorts, et même contre les vampires. On récolte un peu de vin près de Banjaluka et dans la vallée de la Narenta, mais presque personne n’en boit. Les chrétiens s’abstiennent, faute d’argent, et les musulmans pour obéir au koran. L’ivrognerie est très rare ; les Bosniaques sont surtout buveurs d’eau. L’Herzégovine produit un tabac excellent. Le monopole a été introduit après l’occupation; mais il a stimulé la culture, parce que le fisc donne un bon prix. On estime qu’un hectare livre, en Herzégovine, jusqu’à 3,000 kilogrammes de tabac, d’une valeur de plus de 4,000 francs, et en Bosnie seulement 636 kilogrammes, valant 300 à 400 francs. Le fisc donne des licences à ceux qui cultivent pour leur consommation personnelle : il en a été délivré 9,586 en 1880.
 
Le bétail est la principale richesse du pays ; mais il est misérable. Les vaches sont très petites et ne donnent presque pas de lait. On fait des fromages de qualité inférieure, surtout avec du lait de chèvre, et très peu de beurre. Les chevaux sont petits et mal faits; ils sont employés uniquement comme bêtes de somme, car ils sont trop faibles pour tirer la charrue, et les charrettes ne sont pas employées; mais ils gravissent et descendent les sentiers des montagnes comme des chèvres. Ils sont très mal nourris; la plupart du temps ils doivent chercher eux-mêmes de quoi subsister dans les pâturages, dans les forêts ou le long des chemins. Quelques begs ont encore parfois des bêtes d’une belle allure, qui descendent des chevaux arabes venus dans le pays avec la conquête ottomane. Elles portent fièrement une charmante tête sur un cou ramassé et replié à la façon des cygnes; mais elles n’ont pas de taille. Le nombre des chevaux est considérable, parce que tous les transports s’effectuent sur leurs dos. On en voit arriver ainsi, sous la conduite d’un ''kividchi'', de longues files, attachés à la queue les uns des autres ; ils apportent en ville des vivres, du bois de chauffage et de construction, des pierres à bâtir. Chaque exploitation possède au moins une couple de chevaux. Le gouvernement commence à s’occuper de l’amélioration de la race chevaline. Il a envoyé (1884) à Mostar cinq étalons de la race de Lipitça; toute la population a été les recevoir, drapeau et musique en tète, et lu municipalité fournira les écuries. Nevesinje et Konjica offrent d’en faire autant, et cette année même on a établi des haras dans diverses parties du pays, afin de donner de la taille à la race