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cours, lui empruntant le souvenir des biens qu’elle a donnés et « l’anticipation » de ceux qu’elle donnera, pour effacer la sensation des maux qu’elle donne ; l’épicurien, en se renfermant ainsi en lui-même, en cherchant ce qu’il y a de meilleur dans sa vie passée ; y trouvera une force de résistance non moins grande que le stoïcien contre les obstacles de la vie présente : il sera heureux <ref>Diog. Laërt., X, 118. Cicer., ''Tusc'', V. 26. Plut., <i>Non posse suaviter vivere sec</i>. Epie, 3.</ref>. « Hasard », s’écriait Métrodore, « je suis inaccessible à tes attaques ; j’ai fermé toutes les « issues par où tu pouvais venir jusqu’à moi ! » L’âme du sage est donc libre, sereine, satisfaite et de soi et des choses. En présence de la douleur il lui suffira toujours, pour l’éviter, de ce clinamen qui se retrouve à des degrés divers dans la sagesse réfléchie de l’homme comme dans la spontanéité aveugle des choses : il lui suffira d’un simple mouvement en arrière ou en avant, d’un libre recul vers le passé ou d’un libre élan vers l’avenir ; il déclinera loin dé la douleur, il lui échappera comme l’atome au destin, et il se retirera à l’écart, dans un calme plus inaltérable et dans une plus douce imper-turbabilité. Ainsi le sage, étant libre, est « sans maître » (à il vit par cela même « au sein de biens immortels » (Iv oïç) ; la déclinaison spontanée est devenue vertu et bonheur.
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V. — Dans la conception épicurienne de la liberté, telle qu’elle ressort de cette étude, le point qui nous paraît le plus saillant et le plus original, c’est la solidarité étroite établie entre l’homme et le monde. D’habitude les partisans du libre arbitre sont loin de concevoir l’homme et le monde sur le même type : la liberté leur semble plutôt une puissance supérieure à la nature et divine qu’une puissance empruntée à la nature et qui se retrouve en ses éléments. De nos jours encore nous sommes portés à croire que la question de la liberté est une question exclusivement humaine, qu’elle nous regarde seuls, que nous pouvons nous retrancher dans notre for intérieur pour y discuter à loisir si nous sommes libres ou si nous ne le sommes pas. Nous nous imaginons aisément que l’univers entier peut être soumis à la fatalité sans que notre liberté, si elle existe, en reçoive d’atteinte. Mais alors, demande Épicure, cette liberté, d’où viendrait-elle ? « <i>unde est hœc, fatis avolsa, potestas ?</i> » comment pourrait-elle naître et subsister dans un monde absolument dominé par des lois nécessaires ? serions-nous donc des étrangers dans ce monde ? serions-nous tombés du ciel, comme Vulcain ? Si cela était, il faudrait supposer l’existence d’un Jupiter, d’un dieu, d’un maître ; nous reviendrions alors à l’esclavage dont Épicure veut nous faire
cours, lui empruntant le souvenir des biens qu’elle a donnés et « l’anticipation » de ceux qu’elle donnera, pour effacer la sensation des maux qu’elle donne ; l’épicurien, en se renfermant ainsi en lui-même, en cherchant ce qu’il y a de meilleur dans sa vie passée ; y trouvera une force de résistance non moins grande que le stoïcien contre les obstacles de la vie présente : il sera heureux’. « Hasard », s’écriait Métrodore, « je suis inaccessible à tes attaques ; j’ai fermé toutes les « issues par où tu pouvais venir jusqu’à moi ! » L’âme du sage est donc libre, sereine, satisfaite et de soi et des choses. En présence de la douleur il lui suffira toujours, pour l’éviter, de ce clinamen qui se retrouve à des degrés divers dans la sagesse réfléchie de l’homme comme dans la spontanéité aveugle des choses : il lui suffira d’un simple mouvement en arrière ou en avant, d’un libre recul vers le passé ou d’un libre élan vers l’avenir ; il déclinera loin dé la douleur, il lui échappera comme l’atome au destin, et il se retirera à l’écart, dans un calme plus inaltérable et dans une plus douce imper-turbabilité. Ainsi le sage, étant libre, est « sans maître » (à il vit par cela même « au sein de biens immortels » (Iv oïç) ; la déclinaison spontanée est devenue vertu et bonheur.

V. — Dans la conception épicurienne de la liberté, telle qu’elle ressort de cette étude, le point qui nous paraît le plus saillant et le plus original, c’est la solidarité étroite établie entre l’homme et le monde. D’habitude les partisans du libre arbitre sont loin de concevoir l’homme et le monde sur le même type : la liberté leur semble plutôt une puissance supérieure à la nature et divine qu’une puissance empruntée à la nature et qui se retrouve en ses éléments. De nos jours encore nous sommes portés à croire que la question de la liberté est une question exclusivement humaine, qu’elle nous regarde seuls, que nous pouvons nous retrancher dans notre for intérieur pour y discuter à loisir si nous sommes libres ou si nous ne le sommes pas. Nous nous imaginons aisément que l’univers entier peut être soumis à la fatalité sans que notre liberté, si elle existe, en reçoive d’atteinte. Mais alors, demande Épicure, cette liberté, d’où viendrait-elle ? « . unde est hœc, fatis avolsa, potestas ? » comment pourrait-elle naître et subsister dans un monde absolument dominé par des lois nécessaires ? serions-nous donc des étrangers dans ce monde ? serions-nous tombés du ciel, comme Vulcain ? Si cela était, il faudrait supposer l’existence d’un Jupiter, d’un dieu, d’un maître ; nous reviendrions alors à l’esclavage dont Épicure veut nous faire

1. Diog. Laërt., X, 118. Cicer., Tuac, V. 26. Plut., Non posse suaviter vivere sec. Epie, 3.
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