« Un capitaine de quinze ans/II/13 » : différence entre les versions

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{{c|Chapitre XII<br>L’intérieur d’une factorerie}}
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Un palanquin, « la kitanda » du pays, reçut Mrs. Weldon et le petit Jack. Pourquoi ces soins de la part d’un homme tel que Negoro ? Mrs. Weldon n’osait se l’expliquer.
 
La route de la Coanza à Kazonndé se fit rapidement et sans fatigue.
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Cousin Bénédict, sur qui les misères ne semblaient avoir aucune prise, marchait d’un bon pas. Comme on le laissait butiner à droite et à gauche, il ne songeait point à se plaindre. La petite troupe arriva donc à Kazonndé huit jours avant la caravane d’Ibn Hamis. Mrs. Weldon fut enfermée avec son enfant et cousin Bénédict dans l’établissement d’Alvez.
 
Il faut se hâter de dire que le petit Jack se trouvait beaucoup mieux. En quittant la contrée marécageuse où il avait gagné la fièvre, son état s’était peu à peu amélioré, et, maintenant, il allait bien. Supporter les fatigues de la caravane, ni sa mère ni lui ne l’auraient pu sans doute. Mais, dans les conditions où s’était fait ce voyage, pendant lequel certains soins ne leur avaient point été refusés, ils se trouvaient dans un état satisfaisant, physiquement du moins.
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Est-il nécessaire de dire, maintenant, que Mrs. Weldon n’avait trouvé aucune aide dans son grand enfant, cousin Bénédict ? Cela se comprend de reste.
 
Lorsque le digne savant apprit qu’il n’était pas sur le continent américain,
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comme il le croyait, il ne s’inquiéta pas du tout de savoir comment cela avait pu se faire. Non ! Son premier mouvement fut un mouvement de dépit. En effet, ces insectes qu’il s’imaginait avoir été le premier à découvrir en Amérique, ces tsé-tsés et autres n’étaient que de simples hexapodes africains, que tant de naturalistes avaient trouvés avant lui sur leurs lieux d’origine. Adieu donc la gloire d’attacher son nom à ces découvertes ! En effet, que pouvait-il y avoir d’étonnant à ce que cousin Bénédict eût collectionné des insectes africains, puisqu’il était en Afrique !
 
Mais, le premier dépit passé, cousin Bénédict se dit que la « Terre des Pharaons », – il en était encore à l’appeler ainsi, – possédait d’incomparables
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richesses entomologiques, et que, pour ne point être sur la « Terre des Incas », il ne perdrait pas au change.
 
« Eh ! se répétait-il, et répétait-il même à Mrs. Weldon, qui ne l’écoutait guère, c’est ici la patrie des manticores, ces coléoptères à longues pattes, velues, aux élytres soudées et tranchantes, aux énormes mandibules, et dont la plus remarquable est la manticore tuberculeuse ! C’est le pays des calosomes à pointe d’or ; des goliaths de Guinée et du Gabon, dont les pattes sont garnies d’épines ; des anthidies tachetées, qui déposent leurs œufs dans la coquille vide des limaçons ; des ateuchus sacrés, que les Égyptiens de la haute Égypte vénéraient comme des dieux ! C’est ici que sont nés ces sphinx à tête de mort, maintenant
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répandus sur toute l’Europe, et ces « Idias Bigoti », dont les Sénégaliens de la côte redoutent particulièrement la piqûre ! Oui ! il y a ici de superbes trouvailles à faire, et je les ferai, si ces braves gens veulent bien le permettre ! » On sait qui étaient ces « braves gens » dont cousin Bénédict ne songeait aucunement à se plaindre. D’ailleurs, on l’a dit, l’entomologiste avait joui, dans la compagnie de Negoro et d’Harris. d’une demi-liberté, dont Dick Sand l’avait absolument privé pendant le voyage de la côte à la Coanza. Le naïf savant avait été très touché de cette condescendance.
 
Enfin, cousin Bénédict eût été le plus heureux des entomologistes, s’il n’avait subi une perte à laquelle il était extrêmement sensible. Il possédait toujours sa boîte de fer-blanc, mais ses lunettes ne se dressaient plus sur son nez, sa loupe ne pendait plus à son cou ! Or, un naturaliste sans loupe et sans lunettes, cela n’existe plus. Cousin Bénédict était pourtant destiné à ne jamais revoir ces deux appareils d’optique, puisqu’ils avaient été ensevelis avec le mannequin royal. Aussi, lorsqu’il trouvait quelque insecte, en était-il réduit à se le fourrer dans les yeux pour en distinguer les particularités les plus élémentaires. Ah ! c’était là un gros chagrin pour cousin Bénédict, et il eût payé cher une paire de besicles, mais cet article n’était pas courant sur les lakonis de Kazonndé. Quoi qu’il en soit, cousin Bénédict pouvait aller et venir dans l’établissement de José-Antonio Alvez. On le savait incapable de chercher à s’enfuir. D’ailleurs, une haute palissade séparait la factorerie des autres quartiers de la ville, et elle n’eût pas été facile à franchir. Mais, s’il était bien entouré, cet enclos ne mesurait pas moins d’un mille de circonférence. Des arbres, des buissons d’essences particulières à l’Afrique, de grandes herbes, quelques ruisseaux, les chaumes des baracons et des huttes, c’était plus qu’il ne fallait pour receler les plus rares insectes du continent, et faire, sinon la fortune, du moins le bonheur de cousin Bénédict. En fait, il découvrit quelques hexapodes, et faillit même perdre sa vue à vouloir les étudier sans lunettes, mais enfin il accrut sa précieuse collection, et jeta les bases d’un grand ouvrage sur l’entomologie africaine. Que son heureuse étoile lui fit découvrir un insecte nouveau, auquel il attacherait son nom, et il n’aurait plus rien à désirer en ce monde !
 
Si l’établissement d’Alvez était suffisamment grand pour les promenades scientifiques de cousin Bénédict, il semblait immense au petit Jack, qui pouvait s’y promener en toute liberté. Mais cet enfant recherchait peu les plaisirs si naturels à son âge. Il quittait rarement sa mère, qui n’aimait pas
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à le laisser seul et redoutait toujours quelque malheur. Le petit Jack parlait souvent de son père, qu’il n’avait pas vu depuis si longtemps ! Il demandait à retourner près de lui. Il s’informait de tous, de la vieille Nan, de son ami Hercule, de Bat, d’Austin, d’Actéon ou de Dingo, qui paraissait, lui aussi, l’avoir abandonné. Il voulait revoir son camarade Dick Sand. Sa jeune imagination, très attendrie, ne vivait que dans ces souvenirs. À ses questions, Mrs. Weldon ne pouvait répondre qu’en le pressant sur sa poitrine, en le couvrant de baisers ! Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était de ne pas pleurer devant lui !
 
Cependant, Mrs. Weldon n’avait pas été sans observer que, si les mauvais traitements lui avaient été épargnés pendant le voyage de la Coanza, rien n’indiquait, à l’établissement d’Alvez, que l’on dût changer de conduite à son égard. Il n’y avait plus dans la factorerie que les esclaves au service du traitant. Tous les autres, qui faisaient l’objet de son commerce, avaient été parqués dans les baracons de la tchitoka, puis vendus aux courtiers de l’intérieur. Maintenant, les magasins de l’établissement regorgeaient d’étoffes et d’ivoire, les étoffes destinées à être échangées dans les provinces du centre, l’ivoire à être exporté sur les principaux marchés du continent.
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Ainsi s’étaient écoulés les huit jours qui précédèrent l’arrivée de la caravane d’Ibn Hamis, c’est-à-dire les deux jours avant la cérémonie des funérailles, et enfin les six jours qui suivirent.
 
Au milieu de tant d’anxiétés, Mrs. Weldon ne pouvait oublier que son mari devait être en proie au plus affreux désespoir, en ne voyant revenir ni sa femme ni son fils à San-Francisco. Mr. Weldon ne pouvait savoir que sa femme
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avait eu cette idée funeste de prendre passage à bord du ''Pilgrim'', et il devait croire qu’elle s’était embarquée sur l’un des steamers de la compagnie transpacifique. Or, ces steamers arrivaient régulièrement, et ni Mrs. Weldon, ni Jack, ni cousin Bénédict ne s’y trouvaient. En outre, le ''Pilgrim'' lui-même aurait déjà dû être de retour au port. Or, il ne reparaissait pas, et James W. Weldon devait maintenant le ranger dans la catégorie des navires supposés perdus par absence de nouvelles. Et quel coup terrible, le jour où il avait dû recevoir de ses correspondants d’Auckland avis du départ du ''Pilgrim'' et de l’embarquement de Mrs. Weldon. Qu’avait-il fait ? Avait-il refusé de croire que son fils et elle eussent péri en mer ? Mais alors, où devait-il pousser ses recherches ? Évidemment sur les îles du Pacifique, peut-être sur le littoral américain. Mais jamais, non, jamais, il ne lui viendrait cette pensée qu’elle avait pu être jetée sur la côte de cette funeste Afrique ?
 
Ainsi songeait Mrs. Weldon. Mais que pouvait-elle tenter ? Fuir ? Comment ? On la surveillait de près ! Et puis, fuir, c’était s’aventurer dans ces épaisses forêts, au milieu de mille dangers, tenter un voyage de plus de deux cents milles pour atteindre la côte ! Et cependant. Mrs. Weldon était décidée à le faire, si aucun autre moyen ne lui était offert de recouvrer sa liberté. Mais, auparavant, elle voulait connaître au juste les desseins de Negoro.
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– Oui, il était juste que votre capitaine de quinze ans payât de sa vie le meurtre d’Harris, reprit Negoro. Vous êtes seule, à Kazonndé, mistress, seule au pouvoir de l’ancien cuisinier du ''Pilgrim'', absolument seule, entendez-vous ! »
 
Ce que disait Negoro n’était que trop vrai, même en ce qui concernait Tom
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et les siens. Le vieux noir, son fils Bat, Actéon et Austin étaient partis la veille avec la caravane du traitant d’Oujiji, sans avoir eu la consolation de revoir Mrs. Weldon, sans même savoir que leur compagne de misère se trouvait à Kazonndé, dans l’établissement d’Alvez. Ils étaient partis pour la contrée des lacs, un voyage qui se chiffre par centaines de milles, que bien peu accomplissent et dont bien peu reviennent ! « Eh bien ! murmura Mrs. Weldon, regardant Negoro sans répondre.
 
– Mistress Weldon, reprit le Portugais d’une voix brève, je pourrais me venger sur vous des mauvais traitements que j’ai subis à bord du ''Pilgrim'' ! Mais la mort de Dick Sand suffira à ma vengeance ! Maintenant, je redeviens marchand, et voici quels sont mes projets à votre égard ! »
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« Et quand vous proposez-vous de faire cette opération ? reprit Mrs. Weldon.
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– Le plus tôt possible.
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Mrs. Weldon aurait voulu répondre que cela lui eût été impossible. Son cœur battait à se rompre ; elle était sans voix.
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« Mistress Weldon ! dit Negoro, vous réfléchirez à l’offre que je vous ai faite. Dans huit jours, vous m’aurez remis une lettre à l’adresse de James Weldon ou vous vous en repentirez ! »