« Nostromo/Troisième partie/Chapitre VI » : différence entre les versions

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Il entama alors, sur un ton d’affabilité tranquille, une conversation prudente avec le messager, qui se montrait disposé à bavarder gaiement, comme si un vrai bonheur venait de lui échoir. Il avait vu de loin l’infanterie de Sotillo campée sur la rive du port, à droite et à gauche de la Douane. Les soldats avaient respecté les bâtiments. Les étrangers du chemin de fer restaient enfermés dans la cour de la gare et ne songeaient plus à tirer sur le pauvre peuple ! Maudits étrangers ! Le messager contait l’entrée triomphale de Montero et les bruits qui couraient dans la ville : on allait faire des riches de tous les pauvres, et c’était fort bien. Il ne savait d’ailleurs rien de plus et se répandit en sourires propitiatoires pour avouer qu’il avait faim et soif. Le vieux major l’adressa à l’alcade du premier village.
 
Tandis que l’homme s’éloignait, don Pépé se dirigea lentement vers un petit clocher de bois. Il jeta pardessuspar-dessus une haie un coup d’œil sur le jardin du presbytère et vit le Père Roman assis dans un hamac pendu entre deux orangers. Un énorme tamarin abritait la maison blanche de son feuillage sombre. Une jeune Indienne aux longs cheveux, aux grands yeux, aux extrémités délicates, apporta de la maison un siège de bois, sous l’œil vigilant d’une vieille femme maigre et rechignée qui la surveillait de la véranda. Don Pépé s’assit et alluma un cigare tandis que le prêtre versait dans le creux de sa main une quantité énorme de tabac à priser. Dans son visage brun-rouge, usé, ridé et creusé, les yeux, frais et candides, brillaient comme deux diamants noirs.
 
Don Pépé annonça au Père Roman, d’une voix douce et ironique, que Pedrito Montero venait, par l’intermédiaire de Señor Fuentès, de lui demander à quelles conditions il consentirait à remettre la mine en pleine exploitation à une commission légalement constituée de citoyens patriotes, escortée par une petite force militaire. Le prêtre leva les yeux au ciel, et don Pépé, imperturbable, ajouta qu’au dire du porteur de la lettre, don Carlos était en vie, et n’avait jusqu’ici subitsubi aucune violence.
 
Le Père Roman exprima en quelques mots sa gratitude au ciel, de savoir sain et sauf le Señor Administrador.