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VIII. Au Mont Valérien

Sur les deux cent trente représentants prisonniers à la caserne du quai d’Orsay cinquante-trois avaient été envoyés au Mont Valérien. On en chargea quatre voitures cellulaires. Il en restait quelques-uns qu’on entassa dans un omnibus. MM. Benoist d’Azy, Falloux, Piscatory, Vatimesnil, furent verrouillés dans les cellules roulantes, tout comme Eugène Sue et Esquiros. L’honorable M. Gustave de Beaumont, grand partisan de l’encellulement, monta en voiture cellulaire. Il n’est pas mal, nous l’avons dit, que le législateur tâte de la loi.

Le commandant du Mont Valérien se présenta sous la voûte du fort pour recevoir les représentants prisonniers.

Il eut d’abord quelque prétention de les écrouer. Le général Oudinot, sous lequel il avait servi, l’apostropha durement :

— Vous me connaissez ?

— Oui, mon général.

— Eh bien, que cela vous suffise. N’en demandez pas davantage.

— Si, dit Tamisier, demandez-en davantage, et saluez. Nous sommes plus que l’armée, nous sommes la France.

Le commandant comprit. A partir de ce moment, il fut chapeau bas devant les généraux et tête basse devant les représentants.

On les conduisit à la caserne du fort et on les enferma pêle-mêle dans un dortoir auquel on ajouta de nouveaux lits et que les soldats évacuèrent. Ils passèrent là la première nuit. Les lits se touchaient. Les draps étaient sales.

Le lendemain matin, d’après quelques paroles entendues au dehors, le bruit se répandit parmi eux qu’un tri allait être fait dans les cinquante-trois, et que les républicains seraient mis à part. Peu après, le bruit se confirma. Madame de Luynes parvint jusqu’à son mari, et apporta quelques informations. On assurait, entre autres indications, que le garde des sceaux du coup d’État, l’homme qui signait Eugène Rouher, ministre de la justice, avait dit : – Qu’on mette en liberté les hommes de la droite et au cachot les hommes de la gauche. Si la populace bouge, ils répondront de tout. Pour caution de la soumission des faubourgs, nous aurons la tête des rouges.

Nous ne croyons pas que M. Rouher ait dit ce mot, où il y a de l’audace. En ce moment-là, M. Rouher n’en avait pas. Nommé ministre le 2 décembre, il temporisait, il montrait une vague pruderie, il n’osait aller s’