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{{chapitre|[[Maître du monde]]|[[Auteur:Jules Verne|Jules Verne]]|XVI. Robur-le-Conquérant.|}}
 
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{{c|XVI. Robur-le-Conquérant.}}
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Une taille moyenne, avec carrure géométrique – ce que serait un trapèze régulier dont le plus grand côté est formé par la ligne des épaules. Sur cette ligne, rattachée par un cou robuste, une
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énorme tête sphéroïdale. Des yeux que la moindre émotion devait porter à l’incandescence, et au-dessus, en permanente contraction, le muscle sourcilier, signe d’extrême énergie. Des cheveux courts, un peu crépus, à reflets métalliques, comme eût été un toupet de paille de fer, large poitrine qui s’élevait et s’abaissait avec des mouvements de soufflet de forge, des bras, des mains, des jambes dignes du tronc, pas de moustaches, pas de favoris, une large barbiche à l’américaine, qui laissait voir les attaches de la mâchoire, dont les masséters devaient posséder une puissance formidable.
 
Tel était le portrait de l’homme extraordinaire que reproduisirent tous les journaux de l’Union, à la date du 13 juin 18…, le lendemain du jour où ce personnage fit son apparition sensationnelle à la séance du Weldon-Institut de Philadelphie.
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Il est nécessaire de rappeler succinctement les faits qui attirèrent sur ledit Robur l’attention de tout le pays. D’eux découlent les conséquences de cette prodigieuse aventure dont le dénouement était en dehors des prévisions humaines.
 
Dans la soirée du 12 juin, à Philadelphie, se tenait une assemblée du Weldon-Institut, président Uncle Prudent, l’un des personnages les plus importants de ce chef-lieu de l’État de Pennsylvanie ; secrétaire, Phil Evans, non moins important personnage de la même ville. On discutait la grande question des ballons dirigeables. Par les soins du conseil d’administration, un aérostat cubant quarante mille mètres cubes, le Go ahead, venait d’être construit. Son déplacement horizontal devait s’effectuer sous l’action d’une dynamo, à la fois légère et puissante, dont
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on attendait les meilleurs résultats, et qui actionnerait une hélice. Mais où serait établie cette hélice, à l’arrière de la nacelle, suivant les uns, ou à l’avant, suivant les autres !…
 
Cette question ne se trouvait pas encore réglée, et, ce jour-là, elle mettait aux prises les « Avantistes » et les « Arriéristes ». La discussion devint même si vive que certains membres du Weldon-Institut allaient en venir aux mains lorsque, au plus fort de la mêlée, un étranger demanda à être introduit dans la salle des séances.
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Mais, après la disparition de ce singulier personnage, quelques heures plus tard, le président et le secrétaire du Weldon-Institut furent l’objet d’un audacieux enlèvement. Au moment où ils traversaient Fairmont-Park, accompagnés du valet Frycollin, plusieurs hommes se jetèrent sur eux, les bâillonnèrent, les ligotèrent ; puis, malgré leur résistance, ils les emportèrent à travers les allées désertes et les introduisirent dans un appareil, placé au milieu d’une clairière. Le jour venu, prisonniers dans l’aviateur de Robur, ils planaient au milieu des airs au-dessus d’un pays qu’ils cherchaient vainement à reconnaître.
 
Uncle Prudent et Phil Evans allaient constater par eux-mêmes
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que l’orateur de la veille ne les avait pas trompés, qu’il possédait une machine aérienne fondée sur le principe du plus lourd que l’air, laquelle, par bonne ou mauvaise chance – ils le verraient bien –, leur réservait un extraordinaire voyage.
 
Cet appareil, imaginé et construit par l’ingénieur Robur, reposait sur le double fonctionnement de l’hélice qui, en tournant, progresse dans la direction de son axe. Si cet axe est vertical, elle se déplace verticalement ; s’il est horizontal, elle se déplace horizontalement. Tel l’hélicoptère, qui s’élève parce qu’il frappe obliquement l’air comme s’il se mouvait sur un plan incliné.
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Et ce secret, il faut le dire, ni Oncle Prudent ni Phil Evans ne devaient le découvrir pendant toute la durée d’un voyage aérien qui allait promener l’Albatros au-dessus du sphéroïde terrestre.
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Le personnel, aux ordres de l’ingénieur Robur, comprenait un contremaître, nommé John Turner, trois mécaniciens, deux aides, et un cuisinier, en tout huit hommes qui suffisaient au service du bord.
 
Et, ainsi que le dit Robur aux deux passagers – ses compagnons malgré eux –, « Avec mon aviateur, je suis le maître de cette septième partie du monde, plus vaste que l’Australie, l’Océanie, l’Asie,
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l’Amérique, l’Europe, cette Icarie aérienne, cet immense domaine de l’atmosphère, que des milliers d’Icariens parcourront dans un prochain avenir ! »
 
Alors commença cette aventureuse campagne à bord de l’Albatros et, pour son début, au-dessus des vastes territoires du Nord-Amérique. En vain Uncle Prudent et Phil Evans firent-ils entendre des réclamations bien justifiées, elles furent repoussées par Robur, en vertu du droit du plus fort. Ils durent se résigner, ou plutôt céder devant ce droit.
 
L’Albatros, courant vers l’Ouest, dépassa l’énorme chaîne des montagnes Rocheuses, les plaines californiennes ; puis, laissant en arrière San Francisco, il traversa la zone septentrionale du Pacifique jusqu’à la presqu’île du Kamtchatka. Sous les yeux des passagers de l’aviateur s’étendirent alors les régions du Céleste Empire, et Pékin, la capitale chinoise, fut aperçue dans sa quadruple enceinte. Enlevé par ses hélices suspensives l’aviateur monta à de plus hautes altitudes, dépassant les cimes de l’Himalaya, ses sommets blancs de neige et ses glaciers étincelants. Cette route vers l’ouest, il n’en dévia pas. Après avoir battu l’air au-dessus de la Perse et de la mer Caspienne, il franchit la frontière européenne, puis les steppes moscovites, en suivant la vallée de la Volga, aperçu de Moscou, aperçu de Pétersbourg, signalé par les habitants de la Finlande, par des pêcheurs de la Baltique. Abordant la Suède au parallèle de Stockholm et la Norvège à la latitude de Christiania, il redescendit vers le sud, plana à mille mètres au-dessus de la France, et s’abaissant sur Paris, il domina la grande capitale d’une centaine de pieds, tandis que ses fanaux projetaient d’éblouissantes gerbes de lumière. Enfin défilèrent l’Italie, avec Florence, Rome et Naples, la Méditerranée qui fut traversée d’un vol oblique. L’aéronef avait atteint les côtes de l’immense Afrique qu’il parcourut depuis le cap Spartel du Maroc jusqu’à l’Égypte, au-dessus de
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l’Algérie, de la Tunisie, de la Tripolitaine. Revenant vers Tombouctou, la Reine du Soudan, il s’aventura à la surface de l’Atlantique.
 
Et, toujours, il marchait en direction du sud-ouest, et rien ne put l’arrêter au-dessus de cette immense plaine liquide, rien, pas même les orages qui éclataient avec une extrême violence, pas même une de ces formidables trombes qui l’enveloppa de tourbillons et d’où, grâce au sang-froid et à l’adresse de son pilote, il put se dégager en la brisant à coups de canon.
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Enfin, dès la fin de ce mois de juillet, après être remonté vers le Pacifique, il s’arrêta à portée d’une île de l’océan Indien. L’ancre, lancée au-dehors, mordit aux rochers du littoral, et l’Albatros, pour la première fois depuis son départ, demeura immobile à cent cinquante pieds du sol, maintenu par ses hélices suspensives.
 
Cette île, ainsi que Uncle Prudent et son compagnon allaient l’apprendre, était l’île Chatam, à 15° dans l’est de la Nouvelle-Zélande. Si l’aéronef venait d’y prendre contact, c’est que ses propulseurs, avariés dans le dernier ouragan, exigeaient des réparations sans lesquelles il n’aurait pu regagner l’île X,
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distante encore de deux mille huit cents milles, – île inconnue de l’océan Pacifique, où avait été construit l’Albatros.
 
Uncle Prudent et Phil Evans comprenaient bien que, réparations faites, l’aviateur reprendrait ses interminables voyages. Aussi, alors qu’il était attaché au sol, l’occasion leur parut-elle favorable pour tenter une évasion.
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Ce qu’ils avaient décidé de faire, ils le firent. La cartouche allumée, dès le soir venu, tous trois, sans avoir été vus, glissèrent jusqu’au sol. Mais, à ce moment, leur évasion fut découverte. Des coups de fusil, partis de la plate-forme, furent tirés sans les atteindre. Alors Uncle Prudent, se jetant sur le câble de l’ancre, le trancha, et l’Albatros, ne disposant plus de ses hélices propulsives, fut emporté par le vent, et, bientôt brisé par l’explosion, il s’abîmait dans les flots de l’océan Pacifique.
 
On ne l’a point oublié, c’était dans la nuit du 12 au 13 juin, que Uncle Prudent, Phil Evans, Frycollin, au sortir du Weldon-Institut avaient disparu. Depuis lors, aucune nouvelle d’eux. Impossible de former une hypothèse à ce sujet. Existait-il une corrélation quelconque entre cette extraordinaire disparition et l’incidentl’
=== no match ===
incident Robur pendant la mémorable séance ?… Cette pensée ne vint et n’aurait pu venir à personne.
 
Mais les collègues des deux honorables s’inquiétèrent de ne plus les revoir. On fit des recherches, la police s’en mêla, des télégrammes furent lancés dans toutes les directions, à travers le nouveau comme l’ancien continent. Résultats absolument nuls. Même une prime de cinq mille dollars, promise à tout citoyen qui apporterait quelque information relative aux disparus, resta dans la caisse du Weldon-Institut.