« La Vie de M. Descartes/Livre 3/Chapitre 12 » : différence entre les versions

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Cependant M Descartes souffroit pour Galilée dans
son cœur, et s' intéressants’intéressant à sa cause autant
qu' aucunqu’aucun mathématicien catholique de France, il pria
le P Mersenne de lui mander ce qu' ilqu’il sçauroit de son
affaire, et de son livre qu'qu’il il n' avoitn’avoit encore pû
trouver en Hollande. Ce pére ne manqua point de lui
faire part de tout ce qu' ilqu’il en apprenoit, et il luy
envoya un petit abrégé de ce que contenoit son livre
du systéme du monde, en lui donnant avis qu' ilqu’il y avoit
un ecclésiastique de sa connoissance dans Paris, qui
nonobstant le decret de l' inquisitionl’inquisition ne laissoit pas
de faire imprimer un traitté exprés pour prouver le
mouvement de la terre. M Descartes parut surpris de
cette liberté dans un prêtre, quoi qu' ilqu’il sçût assez
que le clergé de France n' estn’est pas plus justiciable de
l' inquisitionl’inquisition que les laïcs du royaume, où ce tribunal
n' estn’est point reconnu. Il s' offrits’offrit de le servir dans son
travail et de lui donner quelques avis : et
l' ecclésiastiquel’ecclésiastique accepta ces offres avec joye. Mais
M Descartes ayant vû depuis un manifeste ou une
relation de la condamnation de Galilée imprimée à
Liége le Xx de Septembre 1633, où étoient ces mots
(...) ; et jugeant que l' intentionl’intention de messieurs de
l' inquisitionl’inquisition étoit de deffendre qu' onqu’on se servît même
de cette hypothése dans l' astronomiel’astronomie, nonobstant la
permission qu' ilsqu’ils en avoient donnée en 1620, changea
de résolution à l' égardl’égard de cét ecclésiastique. Il ne
le crût pas en sûreté même au milieu de Paris, de
quelque maniére qu' ilqu’il entreprît
d' expliquerd’expliquer ou d' excuserd’excuser son opinion du mouvement de la
terre : et la crainte qu' ilqu’il avoit de lui nuire fit
qu'qu’il il n' osan’osa lui envoyer aucun avis ni aucune des
pensées qu' ilqu’il avoit sur ce sujet.
 
La censure de Rome lui parut trop violente pour
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concile, mais seulement par une congrégation
particuliére des cardinaux inquisiteurs, ne perdoit-il
pas l' espérancel’espérance de voir qu' ilqu’il en seroit de cette
censure comme de celle des antipodes, qui avoient été
condamnez à Rome prés de neuf cens ans auparavant
d' uned’une maniére assez semblable. Cependant il fut
curieux de sçavoir ce que l' onl’on pensoit en France de
cette censure, et il pria son ami de lui mander si elle
y étoit bien reçûë, et si elle y devoit avoir quelque
autorité. Ce n' étoitn’étoit point dans le dessein de se
deffaire de ses scrupules, puis qu' ilqu’il faisoit
profession d' ailleursd’ailleurs de déférer entiérement aux
inquisiteurs et aux cardinaux de la congrégation
établie pour la censure des livres, et qu'qu’il il n' eûtn’eût pas
honte de dire encore trois ans aprés, que '' l' autoritél’autorité de ces messieurs n' avoitn’avoit guéres moins de pouvoir sur ses actions que sa propre raison en avoit sur ses pensées ''
. En effet l' annéel’année du delay qu' ilqu’il avoit
demandée au P Mersenne étant expirée, il ne trouva
point de prétexte plus spécieux que celuy de sa
soumission à l' eglisel’eglise, pour s' excusers’excuser de lui envoier
son traitté sans se rendre coupable d' infidélitéd’infidélité à ses
promesses. La connoissance, lui dit-il, que j' aij’ai de
vôtre vertu me fait espérer que vous n' aurezn’aurez que
meilleure opinion de moy, voyant que j' ayj’ay voulu
entiérement supprimer le traitté que j' avoisj’avois fait de
ma philosophie, et perdre presque tout mon travail '' de quatre ans ''
, pour rendre une entiére obéïssance à
l' eglisel’eglise en ce qu' ellequ’elle a défendu l' opinionl’opinion du
mouvement de la terre. En quoi il témoigna vouloir
parler le langage confus qui regne dans les pays
d' inquisitiond’inquisition, plûtôt que de s' exposers’exposer à être inquiété,
si l' enviel’envie de publier son sentiment l' obligeoitl’obligeoit de
recourir à la distinction que nous faisons de
l' autoritél’autorité du s. Siége d' avecd’avec celle d' uned’une congrégation
particuliére.
 
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que
lui apporta le Sieur B au mois de février, et qui le
lui prêta depuis le soir d' und’un samedy jusqu' aujusqu’au matin du
lundy suivant. Il apprit en même têms que l' onl’on
attribuoit aux jésuites de Rome une partie des
procédures que la sacrée congrégation avoit fait faire
contre Galilée. Mais quoique les jésuites n' eussentn’eussent
point en général la réputation d' êtred’être des amis de ce
mathématicien, il ne put soupçonner personne dans leur
compagnie qui eût été capable de lui joüer ce tour
hormis le Pére Scheiner qui étoit broüillé avec luy
depuis plusieurs années. Ce pére venoit d' êtred’être
rappellé de Rome par l' empereurl’empereur pour enseigner les
mathématiques en Allemagne : mais il avoit eu le
loisir de déférer Galilée à l' inquisitionl’inquisition avant son
départ. M Descartes avoit si bonne opinion de la
capacité des jesuites, et de celle de Scheiner en
particulier, qu' ilqu’il ne pouvoit croire que ce pére même
en son ame n'n’estimât estimât l' opinionl’opinion de Copernic véritable,
sur tout aprés tant de preuves que les observations du
livre de Galilée venoient de fournir pour ôter au
soleil les mouvemens qu' onqu’on lui attribuë. Mais il vaut
peut-être mieux épargner la sincérité et la bonne foy
de ce pére que sa capacité et sa science : et les
ouvrages qu' ilqu’il a donnez de son vivant et qu' ilqu’il a laissez
aprés sa mort sur le mouvement de la terre ne nous
persuaderont pas qu' ilqu’il y eût de la dissimulation dans
tout ce qu' ilqu’il a fait contre Galilée.
 
M Descartes feüilleta le livre de Galilée tout
entier dans le peu de têms qu' onqu’on lui avoit donné pour
le lire. Il trouva que l' auteurl’auteur raisonnoit assez bien
du mouvement. Ce n' estn’est pas qu' ilqu’il approuvât généralement
tout ce qu' ilqu’il en disoit : mais selon ce qu' ilqu’il en avoit
pû voir, il croyoit que Galilée manquoit plûtôt dans
les endroits où il suit les opinions déja reçûes que
dans ceux où il s' ens’en éloigne, excepté néanmoins en ce
qu' ilqu’il dit du flux et du reflux, qu' ilqu’il concevoit
autrement que ne l' expliquel’explique Galilée, quoi qu' ilqu’il le fit
dépendre du mouvement de la terre aussi bien que lui.
 
Il remarqua dans cét ouvrage quelques unes des pensées
qu' ilqu’il croyoit lui être tellement propres, que s' ils’il les
eût publiées auparavant, il auroit pû soupçonner
Galilée de les lui avoir dérobées. Il reconnoissoit
que les raisons de cét italien pour prouver le
mouvement de la terre sont fort bonnes, mais qu' ilqu’il
ne les étalle pas assez pour persuader ses lecteurs ;
et que les digressions qu' ilqu’il y mêle font qu' onqu’on ne se
souvient plus des prémiéres lorsqu' onlorsqu’on lit les derniéres.
 
Mais aprés avoir considéré avec un peu d' attentiond’attention la
maniére dont Galilée s' expliques’explique sur le mouvement de la
terre, il la trouva si différente de la sienne, qu' ilqu’il
revint un peu de l' étonnementl’étonnement où la censure de Rome
l' avoitl’avoit jetté. Il comprit que les inquisiteurs
pouvoient raisonnablement avoir condamné cette maniére
dans Galilée, sans qu' ilqu’il dût appréhender que cette
condamnation pût retomber sur celle dont il concevoit
le mouvement de la terre, et dont il l' avoitl’avoit exprimé
dans son traité du monde qu' ilqu’il vouloit supprimer.
 
Comme il sçavoit que ces messieurs ne s' arrêtents’arrêtent
souvent qu' auxqu’aux termes et aux expressions des choses,
quand il s' agits’agit de les censurer, il crût que le moyen
de les éviter sans néanmoins changer de sentiment
étoit '' de nier le mouvement de la terre ''
, et de
continuer sur le pied qu' ilqu’il avoit commencé. C' étoitC’étoit
sans doute se rendre suspect d' équivoqued’équivoque et de
dissimulation, s's’il il n' eûtn’eût eu soin de prévenir cette
pensée dans nôtre esprit. On pourra juger d' abordd’abord,
dit-il, que c' estc’est de bouche seulement que je nie le
mouvement de la terre afin d' éviterd’éviter la censure de Rome,
à cause que je retiens le systême de Copernic. Mais
lorsqu' onlorsqu’on examinera mes raisons, je suis persuadé qu' onqu’on
trouvera qu' ellesqu’elles sont sérieuses et solides, et
qu' ellesqu’elles font voir clairement qu' ilqu’il faut plûtôt dire
que la terre se meut en suivant le systême de Tyco,
qu' enqu’en suivant celui de Copernic expliqué de la
maniére que je l' expliquel’explique. Or si on ne peut suivre
aucun de ces deux systêmes, il faut revenir à celui de
Ptolémée, auquel je ne crois pas que l' eglisel’eglise nous
oblige jamais, vû qu' ilqu’il est manifestement contraire à
l' expériencel’expérience. Tous les passages de l' ecriturel’ecriture qui
semblent être contre le mouvement de la terre ne
regardent point le systême du monde, mais seulement la
maniére de parler des peuples. De sorte que prouvant,
comme je fais, que pour parler proprement il faut dire
que '' la terre ne se meut point ''
en suivant le
systême que j' exposej’expose, je satisfais entiérement à ces
passages.
 
M Descartes s' avisas’avisa de cét expédient pour tâcher de
contenter également les personnes qui n' agissentn’agissent que
par raison,
et celles qui ne se ouvernent que par autorité ou par
scrupules. Il laissa les prémiers dans la liberté de
penser ce qu' ilqu’il leur plairoit, et de donner tel nom
qu' ilsqu’ils voudroient au transport qui se fait de la terre
dans sa sphére : et il empêcha les autres de s' allarmers’allarmer
contre cette hypothése, puisqu' enpuisqu’en effet ce n' estn’est que
fort improprement qu' onqu’on peut attribuer du mouvement à
la terre. Car ayant supposé que le mouvement n' estn’est
autre chose que l' applicationl’application successive d' und’un corps par
tout ce qu' ilqu’il a d' extérieurd’extérieur aux diverses parties des
corps qui l' environnentl’environnent, il faisoit voir que ce qu' onqu’on
nomme le '' mouvement journalier ''
de la terre
appartient plûtôt à la masse composée de la terre, de
la mer, et de l' airl’air, qu' àqu’à la terre en particulier. Elle
peut être censée selon lui dans un parfait repos,
tandis qu' ellequ’elle se laisse emporter par le torrent de la
matiére où elle nage ; de même que l' onl’on dit qu' unqu’un
homme qui dort dans un navire est en repos pendant que
le navire se meut véritablement. Par le même
raisonnement il prétendoit que ce qui s' appelles’appelle
'' mouvement annuel ''
de la terre ne lui appartient
aucunement, non pas même à la masse composée de la
terre, des eaux et de l' airl’air, mais plûtôt à la matiére
céleste qui emporte cette masse autour du soleil.
 
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jamais de sentiment sur ce point. Mais ayant supprimé
son traité du monde, il en transporta cette opinion
dans le livre de ses principes qu' ilqu’il fit imprimer dix
ans aprés, animé par l' exemplel’exemple de tout ce qu' ilqu’il y
avoit d' habilesd’habiles philosophes et mathématiciens
catholiques, à qui le decret de l'l’inquisition inquisition n' avoitn’avoit
point fait tant de peur qu' àqu’à lui. L' éclatL’éclat que fit
l' affairel’affaire de Galilée par toute l' Europel’Europe réveilla
aussi divers prédicateurs luthériens et calvinistes
élevez sous la discipline d' Aristoted’Aristote et de Ptolémée.
 
Plusieurs d' entred’entre eux se trouvérent pour cette fois
unis de sentimens avec les inquisiteurs romains. M
Descartes crut que les philosophes de l' eglisel’eglise
catholique sectateurs de Copernic pourroient tirer
quelque avantage de cette disposition : et il sembloit
souhaiter dans cette vûë que les ministres protestans
continuassent
de déclamer et d' écrired’écrire contre ce systême. Je ne suis
point fâché, dit-il au P Mersenne, que les ministres
fulminent contre le mouvement de la terre : cela
conviera peut être nos prédicateurs à l' approuverl’approuver. Mais
à propos de cela, si vous écrivez à M Naudé domestique
du Cardinal De Bagni, vous m' obligeriezm’obligeriez de l' avertirl’avertir
que rien ne m' am’a empêché jusqu' icijusqu’ici de publier ma
philosophie que la défense du mouvement de la terre.
 
Je ne l' enl’en sçaurois séparer, à cause que toute ma
physique en dépend. Vous pourrez lui mander que je
serai peut être obligé de la publier à cause des
calomnies de quelques personnes, qui faute d' entendred’entendre
mes principes veulent persuader au monde que j' aij’ai des
sentimens fort éloignez de la vérité. Priez-le de
sonder son cardinal sur ce sujet, parce qu' étantqu’étant
extrémement son serviteur, je serois tres-marri de lui
déplaire ; et qu' étantqu’étant tres-zélé à la religion
catholique j' enj’en révére généralement tous les chefs. Je
n' ajoûten’ajoûte point que je ne veux pas me mettre au hazard
de leur censure. Car croyant tres-fermement
l' infaillibilitél’infaillibilité de l' eglisel’eglise, et ne doutant point aussi
de mes raisons, je ne puis craindre qu' unequ’une vérité soit
contraire à l' autrel’autre.
 
C'C’étoit étoitl’envie l' envie d' êtred’être orthodoxe en tout jusqu' auxjusqu’aux
moindres choses qui faisoit parler M Descartes avec
tant de confiance. Il ne se croyoit point capable
d' excésd’excés dans la bonne opinion qu' ilqu’il avoit de tous ses
sentimens qui pouvoient avoir rapport à la foi de
l' eglisel’eglise ; et il ne trouvoit rien dans toute la
théologie et la religion, avec quoi sa philosophie ne
s' accordâts’accordât beaucoup mieux que la vulgaire. Il espéroit
même que si ses opinions étoient jamais reçûës, toutes
les controverses qui s' agitents’agitent dans la théologie
pourroient tomber d' ellesd’elles-mêmes, parce qu' ellesqu’elles sont
fondées pour la plûpart sur des principes de
philosophie qu' ilqu’il estimoit faux. Mais malgré tout ce
qu' ilqu’il avoit avancé pour expliquer et justifier son
sentiment touchant le mouvement de la terre, il n' osoitn’osoit
en parler encore long-têms aprés avec cet air de
présomption qu' ilqu’il faisoit paroître par tout le reste.
 
Il ne me reste plus qu' unqu’un seul scrupule, dit-il à l' unl’un
de ses amis, qui est touchant le mouvement de la terre.
 
Et pour cela j' aij’ai donné ordre que l' onl’on consultât pour
moi un cardinal, qui me fait l' honneurl’honneur de m' avoüerm’avoüer pour
un de ses amis depuis
plusieurs années, et qui est l' unl’un des cardinaux de
cette congrégation qui a condamné Galilée. J' apprendraiJ’apprendrai
volontiers de lui comment je me dois comporter en ce
point : et pourvû que j' ayej’aye Rome et la Sorbonne de
mon côté, ou du moins que je ne les aye pas contre moi,
j' espérej’espére pouvoir soûtenir seul sans beaucoup de peine
tous les efforts de mes envieux.
 
Cette nouvelle consultation qu' ilqu’il fit faire à Rome
auprés de ce cardinal de ses amis qu' ilqu’il ne nomme pas,
étoit toute différente de la tentative qu' ilqu’il fit
faire du côté du Cardinal De Baigné par le moyen du
Pére Mersenne, quoiqu'quoiqu’il il n' yn’y eût point de différence,
soit pour la matiére, soit peut-être pour le têms. Il
ne seroit point nécessaire de multiplier ainsi ses
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condamné Galilée. De tous les juges ou inquisiteurs
généraux de cette congrégation députez pour connoître
de l' affairel’affaire de Galilée, il n' yn’y avoit que François
Barberin, autrefois legat en France, qui fût
particuliérement de ses amis. Les autres cardinaux
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Antoine Barberin, Zacchia, Gessi ou Gipsi,
Verospi, et Ginetti. Ce qui ne nous laisse aucun
lieu de douter que cette consultation nouvelle qu' ilqu’il
fit faire à Rome touchant son sentiment du mouvement
de la terre ne s' adressâts’adressât au Cardinal François
Barberin, dans l' amitiél’amitié et la protection duquel il
paroissoit n' avoirn’avoir pas moins de confiance que dans
celle du Cardinal De Baigné.