« Le Livre de la jungle (trad. Fabulet et Humières, ill. Becque)/Service de la Reine » : différence entre les versions

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Double-Queue frappa le sol du pied, en faisant résonner son anneau de fer.
 
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— Oh ? je ne vous parle pas, à vous. Vous ne pouvez pas voir à l’intérieur de vos têtes.
 
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Et je pus les entendre trépigner et frémir. La trompette d’un éléphant impressionne toujours désagréablement, surtout dans la nuit noire.
 
— Je ne m’arrêterai pas, dit Double-Queue. Tâchez
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de m’expliquer cela, s’il vous plaît ? Hhrrmph ! Rrrt ! Rrrmph ! Rrrhha !
 
Puis il s’arrêta tout à coup, et j’entendis dans l’obscurité une petite plainte qui m’apprit que Vixen m’avait enfin retrouvé. Elle savait aussi bien que moi que la chose au monde que redoute le plus l’éléphant, c’est un petit chien qui
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aboie ; aussi, elle se mit en devoir de persécuter Double-Queue dans ses piquets et jappa autour de ses gros pieds. Double-Queue s’agita et cria :
 
— Allez-vous-en, petit chien ! Ne flairez pas mes chevilles, ou bien je vais vous donner un coup de pied.
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— Je crois que nous avons tous nos faiblesses, chacun les siennes, continua-t-il, en se mouchant. Tout à l’heure, vous autres. Messieurs, paraissiez inquiets, je crois, lorsque je trompetais.
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— Pas inquiets exactement, dit le Cheval de Troupe mais cela me faisait comme si j’avais eu des frelons à la place de ma selle. Ne recommencez pas.
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— Mais, à eux, qui donne des ordres ?
 
— Voilà que tu veux trop en savoir, jeunesse, dit Billy, bon moyen de s’attirer un coup de pied. Tout ce qu’il faut, c’est obéir à
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l’homme qui vous tient la figure, et sans faire de questions.
 
Il a raison, dit Double-Queue. Je ne peux pas toujours obéir, parce que je suis entre le zist et le zest ; mais Billy a raison. Obéissez à l’homme près de vous, qui donne l’ordre, ou bien vous arrêtez toute la batterie, et on vous rosse par-dessus le marché.
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Ils plongèrent dans la boue, et firent si bien qu’ils enfilèrent leur joug dans le timon d’un caisson de munitions, où il resta fixé.
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— Maintenant, ça y est, dit Billy tranquillement ; ne vous débattez pas. Vous voilà en panne jusqu’au jour… Que diable vous prend-il ?
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— N’importe, je vais voir cet homme. La plupart des hommes blancs, je le sais, ont des choses dans leurs poches, dit le Cheval de Troupe.
 
— Je vous laisse, alors. Je ne peux pas dire que je les aime plus que cela. D’ailleurs, les hommes blancs sans gîte pour dormir sont la plupart du temps des voleurs, et j’ai sur le dos pas mal de propriété du Gouvernement. Viens, jeunesse,
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et retournons à nos lignes. Bonne nuit, Australie. Au revoir, à la parade demain, je suppose ? Bonne nuit, vieille balle de foin !… Tâche, une autre fois, de ne plus me frapper, hein ? Bonne nuit, Double-Queue ! Si vous nous dépassez sur le terrain, demain, ne trompetez pas. Cela dérange l’alignement.
 
Billy, le Mulet, s’en alla clopinant, de son pas à la fois boiteux et martial de vieux militaire ; la tête du Cheval de Troupe vint fouiller dans ma poitrine, et je lui donnai des biscuits tandis que Vixen, qui est la plus vaine des petites chiennes, lui contait des mensonges au sujet des douzaines de chevaux que nous possédions, elle et moi.
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— À la gauche du second escadron. C’est moi qui règle le pas pour toute la troupe, ma petite dame, répondit-il poliment. Maintenant, il me faut retourner auprès de Dick. Ma queue est toute crottée et il lui faudra deux heures de grosse besogne pour me panser avant la manœuvre.
 
La grande revue des trente mille hommes au complet avait lieu dans l’après-midi, et Vixen et moi nous occupions une bonne place, tout près du Vice-Roi et de l’Amir d’Afghanistan. Celui-ci, coiffé d’un haut et gros bonnet d’astrakan noir, portait une grande étoile de diamants au milieu. La première partie de la revue fut superbe, et les régiments défilèrent vague sur vague de jambes se mouvant toutes ensemble et de fusils tous en ligne, jusqu’à nous brouiller les yeux. Puis la Cavalerie déboucha au son du beau
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galop de Bonnie Dundee, et Vixen dressa les oreilles sur la banquette du dog-cart. Le second escadron de lanciers fila devant nous, et le cheval de troupe parut, la queue en soie parfilée faisant des courbettes, une oreille droite et l’autre couchée, réglant l’allure pour tout l’escadron. Et ses jambes allaient comme sur une mesure de valse. Puis vinrent les gros canons et j’aperçus Double-Queue avec deux autres éléphants, attelés de front à un canon de siège de quarante, tandis que vingt attelages de bœufs marchaient derrière. La septième paire, qui portait un joug neuf, semblait quelque peu lasse et courbatue. Enfin arrivèrent les canons à vis ; Billy, le Mulet, se comportait comme s’il eût commandé toutes les troupes, et les cuivres de son harnais huilé de frais faisaient cligner les yeux. J’applaudis, tout seul, Billy le Mulet, mais il n’aurait pour rien au monde regardé à droite ou à gauche.
 
La pluie se remit à tomber et, pendant quelque temps, il fit trop de brume pour distinguer les mouvements des troupes. Elles avaient formé un grand demi-cercle à travers la plaine et se déployaient en ligne. Cette ligne s’allongea, s’allongea, toujours, jusqu’à compter trois quarts de mille d’une aile à l’autre — solide mur d’hommes, de chevaux et de fusils. Puis cela marcha droit sur le Vice-Roi et l’Amir et, à mesure que cela se rapprochait, le sol se mit à trembler comme le pont d’un steamer lorsque les machines forcent la vapeur.
 
À moins d’y être on n’imagine pas l’effet effrayant de cette ruée en masse de troupes sur les spectateurs, même sachant que ce n’est qu’une revue. Je regardai l’Amir. Jusque-
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là, il n’avait pas manifesté signe d’étonnement ou de quoi que ce fût ; mais alors, ses yeux commencèrent à s’ouvrir de plus en plus, il rassembla les rênes de son cheval et regarda derrière lui. Un instant, il sembla sur le point de tirer son sabre et de se tailler une route à travers les Anglais, hommes et femmes, qui se trouvaient dans les voitures à l’arrière.
 
Enfin la marche en avant s’arrêta court, le sol cessa de trembler, la ligne tout entière salua, et trente musiques commencèrent à jouer ensemble. C’était la fin de la revue, et les régiments retournèrent à leurs camps sous la pluie, tandis qu’une musique d’infanterie attaquait :
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— Mais les bêtes sont-elles donc aussi sages que les hommes ? demanda le Chef.
 
— Elles obéissent, comme font les hommes : mulet, cheval, éléphant ou bœuf obéit à son conducteur, le conducteurco
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nducteur à son capitaine, le capitaine à son major, le major à son colonel, le colonel au brigadier commandant trois régiments, le brigadier au général, qui obéit au Vice-Roi, qui est le serviteur de l’Impératrice. Voilà comment cela se fait.
 
— Je voudrais bien qu’il en soit de même en Afghanistan ! dit le Chef ; car, là, nous n’obéissons qu’à notre propre volonté.
 
— Et c’est pour cela, dit l’Officier indigène, en frisant sa moustache, qu’il faut à votre Amir, auquel vous n’obéissez pas, venir ici prendre les ordres de notre VicenotreVice-Roi.